Cette semaine est celle des rencontres « bilatérales » : Aziz et Messaoud, dimanche ; Messaoud et les dirigeants de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) ce mercredi. On donne là l’impression que l’on veut passer aux choses sérieuses, après avoir longtemps tergiversé. L’on ressort alors l’initiative de Messaoud, on l’exhibe comme si c’était la première fois qu’on entend parler d’elle. La solution miracle après avoir tourné en rond encore et encore.
On joue comme toujours sans se rendre compte que le temps presse que les élections tant attendues pourraient finalement n’avoir lieu qu’au moment prévues : fin 2013 pour les municipales et législatives et début 2014 pour la présidentielle. Le hic c’est que députés, sénateurs et maires auront accompli deux mandats en un ! Un disfonctionnement de notre démocratie que certains se refusent à qualifier de crise politique. Une situation qui rappelle étrangement celle de la Côte d’Ivoire de Gbagbo mais qu’on espère voir finir autrement. Grâce à la sagesse des Mauritaniens qui aiment certes trop jouer, en politique, mais comptent sur la lucidité des populations pour ne pas donner plus d’importance aux guéguerres politiques au détriment de la cohésion sociale du pays. N’empêche qu’on est toujours dans l’expectative face à cette question : « où va la Mauritanie » ? A l’heure actuelle, personne n’est en mesure de répondre à cette question, même si, dans ce bras de fer entre pouvoir et opposition, les lignes semblent pourtant bouger un peu. Si du côté de la Coordination de l’Opposition démocratique (COD) l’on cherche à sortir la grosse artillerie, en revenant de temps en temps sur la place das des regroupements politiques des meetings et autres sit-in sise à la Mosquée Ibn Abass et en cherchant à impliquer le président Aziz dans des « affaires troubles », côté majorité, et notamment côté Union pour la République (UPR), le discours récurrent est celui de la critique acerbe d’une opposition portée sur la propagande et la négation des acquis.
Actions et réactions
Au niveau de l’opinion publique nationale, l’on n’hésite pas à dire que les hommes politiques font tout pour brouiller les cartes. Pour l’instant, ce qui compte ce n’est nullement de sortir de la crise institutionnelle qui couve mais bien de marquer son territoire dans la perspective des prochaines élections municipales et législatives. Un scrutin qui reste la grande inconnue à l’heure actuelle parce que tout dépend d’un état-civil qui avance certes sans pour autant donner la possibilité aux observateurs de la scène politique mauritanienne de dire quand, comment et avec qui les élections vont être organisées ? Les statistiques livrées régulièrement par l’Agence nationale du Registre des populations et des documents sécurisés (ANRPTS) ne semblent pas être les seuls critères déterminant la tenue de ce scrutin. Il y a aussi que la crise politique actuelle doit être dépassée pour envisager une élection où l’on peut engager le maximum de partis politiques de la majorité et de l’opposition, ce qui est souvent un précieux critère de légitimité. Pour l’instant, l’initiative de Messaoud constitue l’unique bouée de sauvetage pour sortir de la crise. Même si d’aucuns pensent déjà que la crise pourrait nécessiter une intervention de la communauté internationale, comme en 2008, pour trouver une solution habillée en compromis politique. Une solution qui, peut-être, se profile déjà avec l’arrivée en Mauritanie du ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, venu certes pour le sommet des 5+5 mais qui va sans nul doute évoquer la crise (l’organisation et le retard des élections municipales et législatives) avec le président Aziz. Il y a aussi, que des responsables de la COD ont été reçus par la responsable de la cellule africaine de l’Elysée, Mme Hélène Le Gal. Les « missionnaires » de la COD dont Ahmed Ould Sidi Baba, président du Rassemblement pour la Démocratie et l’Unité, Lô Gourmo, vice-président de l’Union des Forces de Progrès et Abdel Ghoudous Ould Abdeina, président de l’Union Nationale pour la l’Alternance Démocratique, n’ont certainement pas fait de cadeaux au pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz dans l’exposé sur la situation de crise qui prévaut dans le pays. Mais l’on sait aussi que la cellule élyséenne chargée de l’Afrique est composée d’un groupe de collaborateurs proches du président français dont la mission première est de veiller à la sauvegarde des intérêts de la France en Afrique. Et tant que le président en place « fait l’affaire », Paris ferme l’œil sur tout ce qui n’est pas encore très grave en termes de démocratie et de droits humains. Ce qui laisse supposer qu’Aziz étant l’une des pièces maitresses de la lutte que mène la France contre les islamistes au Mali, on peut s’attendre à ce que Paris lui demande de s’ouvrir sur l’opposition mais pas de partir comme le réclame la COD. La France a des intérêts mais pas de véritables amis, faut-il encore le rappeler aussi bien au pouvoir qu’à l’opposition pour qu’ils ne comptent pas trop sur une position qui est déterminée, avant tout, par leur capacité à eux d’influer sur le rapport de force interne.
Sneiba Mohamed
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