La prière de Kaédi du 25 mars 2009 : Quid du Passif, quatre ans plus tard ?

(Priére de l'Absent le 25 Mars 2009 à Kaédi. Crédit photo : anonyme)

Cela fait quatre années, le 25 mars 2009, que Mohamed Ould Abdel Aziz avait présidé à Kaédi, capitale du Gorgol et symbole de la communauté négro-africaine, la prière dite de l’Absent, en mémoire de tous les disparus civils et militaires des pogroms de 1989.

Cette prière avait pour objectif, selon les ténors du pouvoir, de renforcer l’unité nationale sur la base de valeurs et de tolérance en vue de solder ce que le langage officiel a consacré comme le « Passif humanitaire ». Des mesures ont vite suivi cette symbolique génuflexion ad mortem, sous la guidance du grand imam de la ville. Mais le partage des indemnités entre les veuves et les orphelins ainsi qu’aux anciens militaires et agents des forces de l’ordre, la réintégration des anciens fonctionnaires exfiltrés du pays manu militaire, le retour des rapatriés du Sénégal, suivis par l’annonce officielle de la solde du Passif et la mort de l’ANAIR, laissent encore un goût amer d’inachevé. La célébration de cet anniversaire il y a quelques jours, fut ainsi l’occasion pour les organisations négro-africaines de dénoncer ce qu’ils ont qualifié de persistance des inégalités dans le pays.

Pour le pouvoir mauritanien, le dossier des évènements de 1989 est définitivement clos. Contre quelques millions d’ouguiyas, les Négro-mauritaniens ont en principe accepté de passer par perte sèche la mort de leurs tués, au cours de ces années de braise qui se sont étalés de 1989 à 1991. Plus aucun ayant-droit ou ancienne victime n’a plus le droit de faire la moindre réclamation. Les veuves et les orphelins ont été indemnisés, ainsi que les anciens militaires et agents des forces de l’ordre, les fonctionnaires refoulés ont été soit indemnisés soit réintégrés, tous les réfugiés sont retournés au pays, poussant ainsi l’Agence nationale d’appui et d’insertion des Réfugiés (ANAIR) à fermer boutique. Enfin, la prière de Kaédi de 2009 supervisée par le président Mohamed Ould Abdel Aziz a donné l’ultime onguent aux disparus de ces années de haine. Que certains continuent à réclamer justice n’a plus de sens, dans la mesure où les ayants droits, en signant les documents d’indemnisation avaient renoncé à toute poursuite judiciaire. Le ministre de la Défense pouvait ainsi tranquillement annoncer solennellement la fin du Passif Humanitaire.

Cette version officielle d’un dossier aussi lourd pour la conscience nationale ne semble cependant pas satisfaire tout le monde. Le droit à la mémoire et le pardon restent des exigences morales de pans importants de la communauté négro-mauritanienne qui estiment que le dossier est encore loin d’être épuré. Ils assimilent les solutions appliquées et l’annonce officielle faite comme la cendre qui couve un feu, formant un volcan endormi qui risque de faire éruption à chaque moment. L’impunité des auteurs présumés d’exactions commises à travers la torture, l’assassinat physique et la disparition forcée de milliers de noirs, est considérée comme une braise ardente sur le cœur meurtri des familles éplorées qui croisent chaque jour les bourreaux de leurs proches. Le parti Alliance pour la Justice et la Démocratie (AJD/MR) avait ainsi organisé dans ce sens une manifestation populaire pour dénoncer l’armistice de 1993 qui couvrait tous les auteurs de crimes. Mais cet appel restera certainement orphelin, en l’absence d’une adhésion plus large et plurielle.

Aujourd’hui, les Négro-mauritaniens considèrent qu’ils font face à un péril plus lourd que ceux vécus par les victimes de 1989-1991. Il s’agit de la marginalisation de leur jeunesse dans le marché de l’emploi, celle des fonctionnaires noirs à accéder à des promotions ou à des avantages. Alors que jusqu’en 1989, les Noirs représentaient l’écrasante majorité au sein de la Fonction Publique, dans l’armée et les corps constitués, ils ne sont plus qu’une faible minorité. Eliminés systématiquement dans les concours, ils se voient apatrides dans leur propre pays. D’où l’exil de plus en plus massif des Noirs de Mauritanie, la fuite des compétences et la sourde colère de ceux qui s’estiment désormais citoyen d’un pays où leur chance s’amoindrit de plus en plus. La dénégrification de la société mauritanienne se poursuit ainsi inexorablement à l’heure où des appels de plus en plus nombreux à l’unité nationale deviennent le leitmotiv de ceux-là même qui en détruisent les fondements. La réalité amère montre en effet, de quelques regards qu’on se tourne, que l’heure est au « blanchiment » des institutions, que cela soit dans l’audiovisuel, quatre radios privées et quatre télévisions privées aux mains d’une seule communauté, dans les ministères, les établissements publics, les institutions militaires et assimilées. Seules les organisations internationales et quelques entreprises privées internationales où les critères de compétence valent plus que l’appartenance tribale ou ethnique, restent ainsi le seul salut pour des couches entières de la population mauritanienne laissées en rade.

JOB

Source  :  L’Authentique le 01/04/2013{jcomments on}

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