Tractations politique tous azimuts: Vers un retour à la case Dakar?

(Crédit photo : anonyme)

Depuis la publication du communiqué de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), situant la date des élections municipales et législatives entre septembre et octobre prochains, les caïmans agitent la mare politique. On assiste à des manœuvres dans les différentes familles politiques, les uns et les autres s’observent, pour ne pas dire s’épient.

Les trois pôles, CMP, COD et CAP avec le soutien de la CP multiplient des réunions de concertation. Aucun ne veut rater le rendez-vous des négociations qui devraient, probablement, se nouer d’ici peu.
Même si la COD dit qu’elle ne sent pas concernée par la décision de la CENI – c’est, du moins, ce qui ressort de son dernier communiqué – elle ne ferme pas, pour autant, totalement la porte au dialogue et à la probabilité de prendre part aux élections, si, bien entendu, les préalables qu’elles posent sont acceptés par l’ensemble de la classe politique. Il s’agit, essentiellement, de la neutralité de l’administration et de l’armée, ainsi que de l’indépendance totale de la CENI qui doit, de bout en bout, gérer, de façon concertée, tout le processus électoral.

Manœuvres, maneuvres

Autour de Messaoud Ould Boulkheïr, les partis de la CAP (APP, Wiam et Sawab) et de la CP (ADIL, RD et MPR) se concertent depuis bien avant l’annonce de la CENI et s’attèlent à la mise en œuvre d’un troisième pôle politique, d’obédience « centriste », pour peser, et sur la coordination de la majorité présidentielle censée soutenir le président Mohamed Ould Abdel Aziz, et sur la COD. L’initiative du président de l’Assemblée nationale et de l’APP semble, désormais, évoluer en ce sens. Même si ce front n’a pas encore réagi, par une déclaration commune, à la décision de la CENI, tout porte à croire qu’il souhaite des élections transparentes et inclusives, pour solder la tension politique que vit le pays depuis 2008. Un minimum de consensus et de garanties de transparence serait de nature à inciter l’essentiel des partis politiques à prendre part aux prochaines élections. Le cas échéant, certains n’hésiteront pas à se lancer, à leurs risques et périls, dans un scrutin à haut risque. La revendication de la CAP et des soutiens de l’Initiative du président de l’Assemblée nationale rejoint, sur certains points, celle de la COD, ce qui pousse les observateurs à y voir quelque passerelle, entre les deux pôles de l’opposition.
Du côté du pouvoir, on attend toujours la réaction de la Coordination de la Majorité Présidentielle. Mais le traitement, par les médias publics, du communiqué de la CENI et les « confidences » en provenance du palais de la République, selon lesquelles le Rais aurait mal pris la « témérité de la CENI », laissent imaginer que le président de la République aurait souhaité repousser davantage la date des élections. Manœuvre dilatoire ? De fait, cette rumeur va dans le sens de certains propos, au sein de l’opposition, soupçonnant le pouvoir de vouloir repousser les élections municipales et législatives, de sorte à les coupler avec la présidentielle. Une chose est sûre : même si l’Union pour la République, qui tire le train de la CMP, a, jusqu’ici, invité la CENI à fixer la date des élections, parce que, estimait-elle, « toutes les conditions sont désormais réunies », l’annonce de la CENI n’a pas manqué de susciter un malaise, tant en ce parti qu’au sein de la coordination soutenant le président de la République.
L’entrée en scène des diplomates de l’UE et des USA, reçus tous, la semaine passée, par le nouveau président de la COD, Mohamed Jemil Ould Mansour, laissent entrevoir une espèce de retour à la case Dakar. Même si, du côté du président de Tawassoul, rien n’a filtré des entretiens avec les diplomates, on imagine mal que les discussions n’aient porté que sur la guerre au Nord-Mali. Pour les observateurs, la rencontre s’inscrirait dans une dynamique de dialogue que nos partenaires seraient prêts à promouvoir. On se rappelle que certains d’entre eux avaient déjà tenu à marquer, de leur présence, le lancement officiel de l’initiative du président Messaoud, une manière très claire de soutenir toute proposition de sortie de crise.

Une date casse-tête

Mais, après ce qui s’est passé à Dakar en 2009, l’opposition se risquera-t-elle à se faire, à nouveau, rouler dans la farine ? La question mérite d’être posée dans la mesure où les mêmes occidentaux qui avaient « forcé la main au FNDD » n’ont rien fait pour pousser, d’une part, le pouvoir à respecter les termes de l’accord, à faire des concessions et, d’autre part, l’opposition à renouer le dialogue, après son rejet du résultat de l’élection présidentielle.
La date en fourchette proposée par la CENI semble poser un vrai casse-tête pour la classe politique. L’annonce chambarde tous les agendas des partis qui doivent lorgner, tout en s’engageant dans des concertations, sur le calendrier fixé par la CENI et éviter, ainsi, toute surprise. Car nous sommes presque à quatre mois des élections. Une période qui paraît courte, pour une élection sérieuse, débouchant sur la présidentielle de 2014. Même si les concertations engagées peuvent aboutir à consensus entre les différents pôles politiques, les uns et les autres sont, désormais, embarqués dans une véritable course contre la montre, ce qui pourrait, à terme et avec la médiation des partenaires au développement, conduire à repousser la date des élections. Une hypothèse difficilement jouable, dans la mesure où tout report entraînerait, de facto, la prolongation du mandat du Parlement dont la première cession doit s’ouvrir en novembre. Les municipales et les législatives ne pourraient, alors, être envisagées qu’après la présidentielle de 2014.
Au final, même si la décision de la CENI n’a pas fait l’unanimité autour d’elle, tant s’en faut, elle aura, tout de même, déclenché une dynamique sur la scène politique. En plus des concertations tous azimuts, elle a remis en selle les partenaires au développement qui ne supporteraient plus de soutenir « un régime démocratique sans élections ».

Dalay Lam

Source  :  Le Calame le 20/03/2013{jcomments on}

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