Foyers de tensions en Mauritanie : Survol d’un quotidien amer

(Crédit photo : Joaoleitao)

La Mauritanie bouillonne sous le déchaînement d’évènements inédits et inattendus.

L’insécurité est devenu le lot quotidien des habitants de ce pays, désormais hanté par le vent de violence qui souffre de Nouakchott à NBeïkatt Lehwach, non pas du fait d’agressions extérieures, mais de celui d’une furie de bandes de criminels secrétées par la société elle-même. Parmi les manifestations étranges de cette Mauritanie de 2013, des évènements qui font déchanter les plus conservateurs. Crimes, règlements de compte, gangs armés, alimentent un quotidien où l’incongru se mêle à la folie d’une société en pleine mutation.

Avant hier , Nouakchott a été réveillé par deux évènements majeurs, un incendie suivi de pugilat général à la prison civile d’un côté, et de l’autre, une fusillade à l’intérieur de la Direction de la sûreté, avec trois policiers tués par un collège fou, selon les sources qui rapportent l’information. Dans le premier cas, un incendie aurait éclaté dans l’aile occupée par des détenus de droit commun à l’intérieur de la prison sise à l’Etat-major de la Gendarmerie nationale. Pendant que certains parlent d’un court-circuit électrique pour expliquer l’origine du feu, d’autres évoquent le geste volontaire d’un prisonnier, rappelant qu’un détenu avait mis le feu dans sa cellule. Pour le moment, aucun bilan, même si certains évoquent quelques blessés qui auraient été transporté d’urgence à l’hôpital et une rébellion maîtrisée au sein de la prison.

Ce qui est sûr, c’est que les sirènes des ambulances n’ont cessé de déchirer l’air à Nouakchott sans qu’on ne puisse savoir, si elles transportaient des blessés de la prison civile ou les victimes de la fusillade qui avait éclaté à la Direction de la Sûreté. Là aussi, on parle d’un agent de police qui aurait déchargé son arme sur ses collègues, en tuant trois sur place et faisant des blessés. Une enquête serait en cours pour déterminer les dessous de cette affaire.

Toujours à Nouakchott, la gendarmerie vient de mettre la main sur des hommes armés qui avaient attaqué la nuit dernière un couple sur la Route Aziz, le seul espace de villégiature qui attire les amoureux des grands espaces mais aussi toute la racaille de la République. Meurtre, agressions armées et viols y sont devenus des incidents banals.

A la recrudescence des crimes à Nouakchott, s’ajoute le calvaire des habitants des quartiers précaires avec ses lots d’injustice, de spoliation et de déni de justice par des criminels à « col blanc ». Mais aussi, les habitants font face à des coupures incessantes d’électricité, des ruptures continues du réseau d’adduction en eau potable, la grève des malades du rein, victime de la crise de la santé en Mauritanie, la hausse vertigineuse des prix soumis à des spéculations, la démission de l’Etat et la nature hors contrôle de la conduite des affaires.

Là bas à Zouerate, ce sont des centaines de citoyens qui ont été délogés et leurs maisons détruites manu militari, à coups de grenades lacrymogènes, de matraques et de bulldozers. Comme leurs concitoyens de Fallouja, Toujouinie et Bouhdida à Nouakchott, qui ont été expropriés au profit d’autrui, les habitants déguerpis du quartier « Heth » de Zouerate disposaient de papiers de propriété dûment délivrés par l’administration, dont certains permis d’occuper portant la signature encore toute fraîche de l’actuel gouverneur. Fatima, une quinquagénaire pleure sa maison construite pierre par pierre au bout de plusieurs années de privation alors que son mari est à deux pas de la retraite à la SNIM.

A NBeïkatt Lehouach et à Termesse, deux villes modèles qu’Aziz avait créé ex-nihilo à coups de milliards et de promesses parties en fumée, la misère a déjà valu le suicide d’un enseignant coranique, alors que le reste des habitants multiplient les marches pour réclamer le minimum vital et l’eau. Quant aux habitants d’El Medah, commune d’Aoujeft en Adrar, ils sont atteints d’un mal mystérieux qui a déjà touché 115 personnes, avec le nombre qui gonfle de jour en jour. Le maire de la commune vient de lancer un SOS pour sauver ces administrés, craignant que la maladie en question ne soit une version pernicieuse de la fièvre de la Vallée du Rift. Celle-là même dont les autorités avaient annoncé la disparition après la mort de trois personnes qui avaient succombé l’année dernière de ses effets pervers.

A l’extrême pointe orientale du pays, a Fassala, un groupe non identifié aurait tué une personne et blessé deux autres, un homme et une femme. Là où un oncle avait tué il y a moins d’un mois son neveu pour avoir troublé son sommeil et là où a éclaté également il y a trois jours une manifestation des réfugiés touarègues contre la visite du président malien en Mauritanie.

Enfin, non content d’allumer des feux partout, contre ses propres citoyens traités comme des parias sur leur propre sol et contre ses opposants, le pouvoir à Nouakchott a décidé d’exporter ses crises à l’extérieur, expulsant à la pelletée des étrangers dont il entretient pourtant des liens dit privilégiés avec les pays d’origine. C’est dans ce cadre que plus de 200 sénégalais ont été déportés d’un coup de l’autre côté de la frontière, pour non détention de la carte de séjour. Une carte qui a fait l’objet d’une vraie arnaque, dans la mesure où l’Etat mauritanien qui en avait annoncé la gratuité est revenu sur sa décision lorsque tout le monde s’est inscrit sur ses registres d’enrôlement. Les Mauritaniens à l’étranger se préparent ainsi à l’enfer alors qu’ils vivaient jusque-là dans les pays africains d’accueil, en toute paix et tranquillité. Ces pays ont en effet juré de procéder à la réciprocité. L’incident de Dakar où un boutiquier mauritanien vient d’être traîné par les gendarmes et dont l’échoppe a été bazardé par la foule, ne serait que les prémisses d’une tension qui risque de rappeler les tristes évènements de 1989.

Cheikh Aïdara

Source  :  L’Authentique le 14/03/2013{jcomments on}

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