La Coordination de l’opposition démocratique (COD) s’apprête à organiser, la semaine prochaine, une cérémonie de « passation de commandement » entre l’actuel président, Ahmed Ould Sidi Baba (RDU) et Mohamed Jamil Mansour (Tawassoul), parti d’obédience islamiste qu’on accuse, à tort ou à raison, d’avoir cherché à entraîner l’opposition dans le sillage du « printemps arabe ».
Maintenant on peut s’interroger : pourquoi cette « ronde » sur la présidence, ces changements formels qui n’apportent rien de neuf ? Pourquoi, puisqu’il en est ainsi, ne pas rendre plus longue la durée de ce mandat présidentiel « codien » pour permettre à celui qui le remplit d’avoir le temps nécessaire pour la mise en œuvre de son programme. Un programme qui du reste tourne autour de manifestations, qui ont montré leurs limites, de conférence de presse reprenant les mêmes thématiques du « rahil » (départ), de la mal gouvernance du pays par le président Mohamed Ould Abdel Aziz et son gouvernement et la nécessité de revoir le processus engagé par le pouvoir et « opposition participationniste » pour mettre en place les conditions permettant l’organisation des élections municipales et législatives.
L’on peut cependant penser que ce changement de président à la COD, qui n’est pas synonyme de changement de cap, arrive à un moment plus trouble : Une polémique autour de la date fixée par la CENI pour les futures élections et l’affaire Bouamatou. Deux faits qui, quoi qu’on dise, ne sont pas à l’avantage du pouvoir et qui donne à la COD la possibilité de rebondir à nouveau. Surtout que, par ses actes « irréfléchis », aux yeux de bon nombre d’observateurs, le président Aziz ne fait que renforcer le front de l’opposition et provoquer une scission au sein même de la majorité et de sa tribu. Le coup porté au groupe BSA est là pour le prouver car la résistance » dont parle son président, dans son communiqué, s’organise d’abord au sein de soutiens du rais qui se sont désolidarisés de lui pour être du côté de Mohamed Ould Bouamatou. Pour l’instant, l’effet de cette nouvelle crise peut ne pas être ressenti par un pouvoir qui a toujours de la ressource, au propre et au figuré, pour contenir les velléités d’où qu’elles viennent mais il n’est pas sûr qu’il en sera ainsi quand toutes les « oppositions », politiques ou autres, auront décidé de liguer leurs efforts. C’est une perspective à ne pas exclure et qui pourrait, à l’approche des élections municipales et législatives, ouvrir sur deux hypothèses : Un front uni de l’opposition dont le but est de bouter dehors le pouvoir, ce qui amènera ce dernier à utiliser tous les moyens en sa possession pour faire capoter ce projet, ou un durcissement du régime qui fera douter de la démocratie mauritanienne et mettra sous hypothèque l’aide et l’accompagnement que les pays occidentaux nous accordent depuis le 3 août 2005.
La position délicate de la COD
Mais il ne suffit pas seulement que le pouvoir commette les erreurs, dont il n’a pas vraiment besoin, pour que la COD crie victoire. Celle-ci a, elle aussi, ses propres bobos, dont le moindre n’est pas celui d’être en conflit ouvert avec « l’autre opposition », la Coalition pour une Alternance Pacifique (CAP) mais bien d’être composée de partis politiques dont le seul point de convergence est cette volonté de faire partir Ould Abdel Aziz. Entre eux, tout le reste est agendas et visées politiques qui renvoient à des vieilles rivalités entre personnes et idéologies qui n’ont pas d’ancrage réel dans une société mauritanienne encore soumise aux diktats de la tribu, de la région, de la communauté et de la religion. C’est d’ailleurs sur ces aspects, existants depuis toujours au sein de la classe politique, qu’Ould Abdel Aziz sait pouvoir compter pour ne pas « laisser des plumes », comme on dit, dans son bras de fer avec la COD. La seule grande erreur qu’il se doit d’éviter est celle de ne pas provoquer une crise avec la CAP. Car, quoi qu’on dise vraiment, c’est le dialogue, avec tous ses défauts, qui permet au pouvoir aujourd’hui d’avoir un semblant de « normalité ». Bien qu’il faille, aussi, s’inscrire dans l’optique d’un rapprochement, sous forme de compromis politique, avec la COD. On ne peut, continuer à entretenir cette situation équivoque au niveau des conseils municipaux et du parlement, reculer toujours et toujours des élections qu’il faut bien organiser un jour, ignorer les cris de détresse des populations soumises à de fortes pressions par des conditions de vie de plus en plus difficiles. Il faut savoir s’arrêter pour faire le point. Voir les choses sous tous leurs aspects, négatifs et positifs, et ne pas devoir toujours marcher, foncer, en s’écoutant, sans entendre ce que disent les autres d’une entreprise de construction qui est loin d’être conforme à ce qu’était, en 2008-2009, le programme électoral du « président des pauvres.
Mohamed Ould Brahim
Source : Elhourriya le 06/03/2013{jcomments on}
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