Les Mauritaniens ne savent plus où donner de la tête. Les crises se succèdent et se ressemblent. Depuis l’indépendance du pays, à nos jours, nous traversons les crises, politiques, sociales, économiques, raciales et ethniques.
La preuve, on s’embourbe de plus en plus dans une crise politique et, comme pour nous rendre encore plus en phase avec ce qui est devenu notre nature, on ajoute à la crise économique ambiante, avec la flambée des prix, le chômage et les disfonctionnements dans bon nombre de secteurs d’activité, un imbroglio juridico-financier qui est devenu, maintenant, la crise dans la crise : L’affaire Bouamatou. Une affaire qui a atteint son summum avec la fermeture, dimanche, du fleuron du groupe BSA, la Générale de Banque de Mauritanie (GBM).
Pour l’instant, cela laisse indifférents tous ceux qui n’appréhendent pas encore la portée d’un tel acte. Qui ne voient en la décision que le prolongement du bras de fer entre le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz et son cousin, et plus important soutien à la présidentielle de juillet 2009, Mohamed Ould Bouamatou. Ils oublient que même quand l’Etat avait dans sa ligne de mire d’autres hommes d’Affaires (les groupes AON et MAOA), d’autres hommes politiques (l’ex Premier ministre Yahya Ould Ahmed Waghf, Ould Dadde, Commissaire aux droits de l’homme libéré il y a un mois après deux ans d’incarcération, Ahmed Ould Khattry, ancien directeur nationale de l’Agence de nationale d’Epargne et de Crédit), on n’envisageait nullement que ce qui était apparemment un règlement de comptes allait se transformer en drame pour plusieurs dizaines, voire des centaines d’employés qui se retrouvent, du jour au lendemain, dans la rue.
Une banque fermée, c’est le dérèglement de tout le système. C’est un vide qu’il faut combler et vite. Certes, on dira qu’il y a d’autres banques qui peuvent absorber ce que « dégage » la fermeture de la GBM mais la confiance ne sera plus dans un système qui agit sans règles (règlements) véritables. Tout est allé trop vite pour qu’on ne puisse pas croire qu’il y avait de la manipulation dans l’air. Tout est confus, politisé, personnalisé même, qu’il sera difficile de croire que la BCM a agi suivant des dispositions reconnues par les textes qui la régissent. Ce qui est sûr, c’est cette fatalité qui poursuit les Mauritaniens. Ils sont condamnés à vivre les crises comme une sorte de « normalité ». Il n’y a pas autre chose à attendre de ceux qui les gouvernent et de ceux qui s’opposent en attendant la première occasion pour s’emparer du pouvoir et reproduire les mêmes errements qu’ils fustigeaient pourtant ! Car alors que tout le monde se projette déjà dans des élections municipales et législatives qui accusent un sérieux retard, voilà qu’on nous serve une autre crise qui nous fait oublier les questions de survie, d’insécurité (dans les grandes villes et sur nos frontières avec le Mali), de ralentissement de l’économie nationale, de manifestations de l’opposition, de trahison des Chinois de Poly-Hondone, de marche arrière de l’Union européenne, en ce qui concerne les accords de pêche, de régression de la production de fer, d’or et de cuivre, d’implication, réelle ou supposée, de notre raïs dans un réseau international de trafic de drogue, qui prendrait ses sources en Amérique du sud, passant par la Guinée Bissau et la Mauritanie, pour finir dans le Vieux Continent.
Et la liste est longue, très longue, de ce qui préoccupe aujourd’hui les Mauritaniens et qui ne soit pas seulement ces guéguerres entre le pouvoir et l’opposition.
Et puis, le grand problème auxquels les Mauritaniens sont confrontés c’est cette indicible insouciance qui fait qu’ils regardent le temps et les choses passer sans volonté de réagir. Le président, le ministre, le wali, le directeur ou n’importe quel quidam ou parvenu, peut agir à sa guise, en étant sûr qu’il n’aura en face de lui que des « Consentants » ! Ce n’est nullement un appel à la sédition, à ce que les médias classent sous le vocable de « printemps arabe » mais il faut, au moins, savoir exiger de ceux qui nous gouvernent – ou qui ont choisi de s’opposer au pouvoir – de mettre en priorité les problèmes du citoyen.
Si une crise perturbe le fonctionnement de l’Etat ce sont les populations qui en subissent les conséquences. Que le gouvernement cherche à se donner les moyens de sa politique, en augmentant les impôts et taxes sur les entreprises est chose normale mais qu’il prenne le malin plaisir à fermer des entreprises, mettant dans la rude des dizaines d’employés, créant par ricochet des disfonctionnements énormes tout simplement parce que les responsables de ces sociétés refusent d’une autorité envahissante doit pousser à réagir. Ne serait-ce qu’au niveau de l’élite qui ne mérite ce nom que si elle fait preuve de courage et de responsabilité pour dire au pouvoir la vérité.
On s’attend, dans les heures qui suivent, à ce que la classe politique oublie la politique pour dire son avis sur les choses de l’économie. On ne voudrait pas que cette affaire de fermeture de banque, qui aura des répercussions incalculables sur d’autres structures, du groupe BSA ou des entreprises qui menaient des transactions avec lui, resurgissent sur le quotidien du mauritanien moyen et sur l’image même de l’Etat à l’étranger. Cela aussi compte beaucoup pour un pouvoir qui a à cœur de « vendre » sa démocratie, sa lutte contre la gabegie et son climat des affaires.
Sneiba Mohamed
Source : Mauritaniya Akhbar le 05/03/2013{jcomments on}
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