Jusque-là en marge des rencontres de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) sur la crise au Mali, le président Mohamed Ould Abdel Aziz a décidé cette fois-ci de prendre part au 42ème Sommet ordinaire des Chefs d’Etat et de gouvernement de ce regroupement régional, qui s’est tenu , mercredi 27 février 2013 à Yamoussoukro, capitale politique de la Côte d’Ivoire.
La Mauritanie qui avait marqué une neutralité par rapport à la guerre déclenchée dans le Nord Mali par la France et les forces africaines pour débusquer les islamistes armés, semble de plus en plus infléchir sa position. Après Yamoussoukro et la visite récente du commandant-chef des forces armées américaines pour l’Afrique (Africom) à Nouakchott, le général Carter Ham, quel pas marquera la Mauritanie ?
Depuis la crise armée dans le Nord Mali, il y a plus d’un an, la Mauritanie a toujours adopté un profil bas, que cela soit au plus fort moment de l’occupation jihadiste consécutive à une partition de fait du territoire malien, ou le déclenchement des hostilités en janvier 2013, lorsque Bamako sous la menace, fut sauvé par l’armée française. Depuis, les sommets de la CEDEAO se sont succédé, sans que la Mauritanie n’ait daigné prendre part aux préparatifs de la guerre qui avaient mobilisé les généraux ouest-africains. Malgré les appels du pied de ses partenaires, dont la France, le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz restera intransigeant sur sa position d’autodéfense. Certes, certaines troupes de renfort français qui étaient en position sur son territoire obtiendront le droit de transit vers le terrain des opérations maliennes. L’opposition ira jusqu’à soutenir que l’aviation française partait de bases aériennes à l’Est du pays pour frapper en plein cœur du Nord Mali, utilisant ainsi le ciel national, sans compter les échanges de renseignement militaire. Pour le reste, Nouakchott avait décidé de n’envoyer aucune troupe au combat.
Pourtant, la Mauritanie continuera à être courtisée aussi bien par quelques puissances amies, européennes et américaines, que par ses alliés africains qui avaient besoin de sa connaissance du terrain et de l’ennemi. Seulement, plusieurs facteurs empêchaient le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz d’engager ses hommes. Il faut dire que la Mauritanie, victime privilégiée du terrorisme islamiste à qui elle a déjà payé un lourd tribut, a été court-circuité par les évènements, alors qu’elle venait d’engager une stratégie de containment des jihadiste à travers des accords tacites avec les touarègues de MNLA. En contrepartie d’appuis diplomatiques pour la reconnaissance de l’Etat de l’Azawad et d’appuis logistiques et financiers, le MNLA devait se charger de contenir la menace terroriste. Mais l’avancée des groupes irréductibles comme Aqmi, Ançar Dine et le Mujao qui bouteront dehors les touarègues de MNLA allait bouleverser ce judicieux plan stratégique. En même temps était né au sein de la classe politique et sociale en Mauritanie un sentiment identitaire basé sur une équation simple, qui voudrait que la Mauritanie se range du côté des arabes et assimilés du Nord Mali contre les velléités des black du sud. D’où l’unanimité des voix qui s’est formée pour dénoncer toute implication militaire de la Mauritanie dans un conflit où l’ennemi tout désigné était la France « impérialiste et impie », contre les populations blanches du Nord Mali. Soutenu par une forte campagne menée par les islamistes locaux, peu ou prou solidaires des combattants jihadistes avec qui ils partagent certaines idées mais non la méthode pour la plupart, le refus de l’opinion publique mauritanienne à l’implication de l’armée dans le conflit constituait un obstacle majeur pour un pouvoir qui lorgne déjà vers des scrutins décisifs.
Aujourd’hui, la pression internationale et régionale semble plus forte que les considérations d’ordre interne. Et la Mauritanie qui vient de recevoir le chef de l’Africom, et peu avant, plusieurs conseillers militaires français et des délégations africaines, est en passe peut-être de participer à l’effort de guerre engagé par la communauté internationale pour dénicher les derniers combattants islamistes de leur sanctuaire montagneux. La présence de Mohamed Ould Abdel Aziz dans un sommet de la CEDEAO qui a déjà pris une option militaire pour résoudre la crise malienne ne peut avoir comme signifiant que le changement probable et prochain de la position mauritanienne. Cette tendance se dessine de plus en plus, d’autant plus que le discours officiel en prépare déjà le terrain. Les propos du ministre des Affaires étrangères Hamady Ould Hamady lors de la visite récente à Nouakchott de son homologue espagnol pourraient le suggérer. En effet, Hamady Ould Hamady est revenu sur le rôle pionnier de la Mauritanie dans la guerre contre le terrorisme au Sahel, félicitant au passage la France pour sa prompte intervention au Mali, dont la capitale était sous la menace des islamistes armés.
Outre le dossier malien, où les dirigeants ouest-africains devront débattre de logistique et de finance, notamment cette proposition des ministres des
Affaires étrangères de la CEDEAO réunis lundi dernier à Yamoussoukro portant sur l’augmentation des effectifs militaires à 800.000 homme et l’effort de guerre commun à 950 Millions d’Euros, le 42ème sommet de l’organisation débattra également de la situation en Guinée Bissau en bute à une transition non encore reconnue.
Cheikh Aïdara
Source : L’Authentique le 28/02/2013{jcomments on}
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