Exactement, comme au temps de la crise politique née du coup d’Etat d’aout 2008 contre le président élu Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, l’imbroglio juridico-financier relatif à l’affaire du groupe BSA appartenant à l’argentier Mohamed Ould Bouamatou, prend aujourd’hui des allures internationales, avec cette interpellation faite à la Rapporteuse spéciale des nations unies pour l’indépendance de la justice par le collectif des avocats du vice-président de ce puissant pool économique et industriel Mohamed Ould Nebagh,
toujours en détention préventive, au sujet de présumées violations des droits de la défense récurrentes en Mauritanie et l’instrumentalisation de cet appareil.
On ne présente pas aujourd’hui aux mauritaniens le célèbre accord de Dakar obtenu par la communauté internationale pour apaiser la tension politique nationale et engager un processus consensuel de la gestion du pays avec en premier la tenue d’ élections présidentielles ayant consacré la victoire de Ould Abdel Aziz face à ses challengers politiques, avant que ce même document ne se transforme par la suite en une coquille vide, instaurant une impasse qui continue de peser de son lourd poids jusqu’à ce jour.
Contrairement à l’affaire Chriv Ould Abdallahi-Noueiguidh et Abdou Maham, le dossier du groupe BSA semble buter devant toutes les solutions esquissées sur le plan intérieur pour fermer cette déplorable parenthèse, sans nécessité de la porter à l’arbitrage international. En entament les démarches pour la saisine de la Rapporteuse spéciale des nations unies pour l’indépendance de la justice Mme Gabriela Knaul au sujet des violations des droits de la défense récurrentes en Mauritanie et l’instrumentalisation de la justice, Maître Bouhoubeyni et des avocats français montrent combien cette affaire est devenue complexe et pourrie, mettant en confrontation, comme dans le conflit politique mauritanien entre le pouvoir et ses opposants, un véritable bras de fer entre le régime via l’appareil judiciaire et les collectifs de défense des personnes en litige avec la loi.
Cette procédure de portée internationale aurait pu être évitée selon le bâtonnier de l’ONA Me Bouhoubeiny si le commissaire directeur central de la lutte contre la criminalité économique et financière avait accepté, sur sa demande, de lui remettre une copie des vrais procès verbaux d’audition d’Ould Debagh en plus de la transmission d’une autre au procureur de la république pour figurer dans le dossier de la procédure. Mais devant le refus du commissaire de donner suite favorable à cette requête, l’affaire Ould Debagh qui prend jour après jour des proportions alarmantes se trouve désormais engagé dans les couloirs de l’ONU.
Selon Maître Bouhoubeyni deux des procès verbaux signés par Mohamed Debagh ont disparu de la procédure, remplacés par des faux portant la mention « Monsieur Mohamed Ould Debagh président du conseil d’administration de Mauritania Airways pour des raisons qui lui sont propres à refuser de signer ». Le bâtonnier indique également que les dépositions de son client ont été dénaturées qualifiant ces irrégularités de violation manifeste des droits de la défense, précisant que « la police ne doit pas cautionner ce genre de comportements » mais au contraire s’en démarquer pour éviter de jeter un grand discrédit sur le travail honorable de ce corps.
« Cette partie de la défense de Mohamed Ould Debagh sera la défense de tous les Mauritaniens car la question concerne tous les citoyens, En effet si les autorités chargées d’établir les procès verbaux se livrent dans l’impunité totale à du faux l’arbitraire règnera dans le pays » indique l’avocat, qui attend de voir comment la justice traitera sa plainte contre le commissaire et tous ceux qui ont contribué à cette honteuse pratique tout en mettant en garde dores et déjà contre toute négligence dont elle pourra faire l’objet.
Nouakchott sera-t-elle sommée de s’expliquer ?
Devant cette saisine et en situation normale, le Rapporteur spécial doit réagir sur les violations alléguées de l’indépendance et de l’impartialité du système judiciaire et de l’indépendance des avocats soulignées par Me Bouhoubeiny. Il doit en conséquence adresser des lettres d’allégations sinon des appels urgents aux autorités nationales afin d’obtenir des éclaircissements et de porter cette affaire du groupe BSA s à son attention. Reste donc à savoir si cette procédure ira à ce rythme et si la Mauritanie, déjà accidentellement bien cotée au sein du conseil onusien des droits de l’homme, sera sommée de s’expliquer ou si elle usera de ses rouages internationaux pour discréditer la saisine introduite par le bâtonnier et les avocats français auprès du Rapporteur spécial des Nations Unies pour l’indépendance des juges.
Md O Md Lemine
Source : Le Rénovateur le 20/02/2013{jcomments on}
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