La Misère Morale des Femmes d’émigrés : Spéculations ou rhétoriques ?

tribune-libre-etiquetteLe malheur d’une femme dans un ménage est à la hauteur de sa perception et de ses attentes socioculturelles du bonheur dans un mariage.

Les causes d’une misère morale et la manière de les vivre et de les extérioriser varient d’une femme à une autre, selon des critères dont parmi les plus déterminants on peut retenir le milieu et le niveau de vie. Nous fixons souvent la plupart de nos femmes dans l’attente d’épouser des hommes pour la promesse de sécurité matérielle et la procréation d’une progéniture bénie. L’homme dans son statut de prédateur patenté s’autorise à résumer drastiquement sa motivation à la recherche d’un bonheur qui se confond aux plaisirs sexuels et petits soins corporels (promesse de jouissance supplantant les raisons sociales et les valeurs familiales). Mais nos sœurs ont vu leurs propres mamans trimer sous le poids des valeurs de renoncements et de soumission pour une projection sur les enfants qui se révèle illusoire dans bien des cas. Ayant décidé de s’associer à « la cueillette des fleurs de la vie » dès « la saison des maris » par un mariage par amour et pour le plaisir en lieu et place des mariages par lignage et pour la filiation, elles se choisissent désormais leur Prince charmant avec comme seuls critères sa situation administrative et son pays d’émigration. Le reste se passe par internet et les GSM.

Sur le sillage de Boris Cyrilnuk, je dirais que, sous nos tropiques aussi, la rencontre des névroses a supplanté les arrangements familiaux des destinations matrimoniales préfabriquées grâce à l’inter-culturalité des migrations internationales.

Les Impactes structurels et socioculturels des migrations internationales sur la famille sénégalaise font l’objet de beaucoup de spéculations, aucune étude scientifique-en notre connaissance- n’ayant encore abordé cette problématique. Toutefois le rôle des migrations sur nos conjugalités n’est plus à démontrer et le changement opéré se mesure à l’aune de la misère des femmes désabusées de leurs ménages avec les émigrés.

Deux territoires fertiles en informations, le FOUTA et le NDIAMBOUR, nous ont servi de cadre d’observations. Côtoyer au quotidien les femmes qui rasent les murs, se camouflent en «pieuse sous voile» pour aller s’informer et alléger leurs consciences auprès des travailleurs sociaux nous a poussé à cette réflexion.

La saisine des services sociaux se fait sous de nombreux prétextes qui dévoilent au fil des dépositions des troubles qui requièrent une thérapie familiale systémique. La monoparentalité de luxe des femmes combinée à leur marasme affectif conduit à des conflits avec les enfants devenus adolescents en l’absence du père qui symbolise le pôle de l’autorité familiale. Le porteur de symptômes, l’enfant récalcitrant, n’est pas en définitif le malade. C’est la maman, noyée dans son confort matériel, sa riche nourriture et son argent de poche, surinvestissant sur des enfants étouffés, qui souffre de sa solitude au milieu de sa famille nombreuse régentée sous le tyrannique commandement en chef de la belle-mère ou des belles sœurs.

De par son statut social surfait et hors normes, le migrant a rendu les cadres de mariage plus flexibles et plus élargis. Il a souvent une « épouse » d’une autre race au pays d’accueil bien connue de sa famille. Il peut aller chasser des alliances matrimoniales dans d’autres groupes socioculturels. De fait il a la« License » de marier qui il veut et de se marier où il veut sans beaucoup de formalités ayant acheté la résignation, la complicité et l’approbation de tous et de toutes. Il prend ainsi sa revanche sur lui-même, sur sa famille et sur la société. Son mariage est souvent une passerelle ascendante (pour un statut) ou descendante (pour la jouissance) entre classes sociales de niveaux différents. Ses épouses importées d’autres groupes sociaux modifient considérablement les structures et les dynamiques familiales. Elles sont parfois à l’origine des ruptures entre l’homme et sa famille. Le comportement atypique de ce dernier qui devient méconnaissable leur est toujours imputé. L’émigrant se « tape » dès fois des mariages à durée déterminée(le temps des six voire trois semaines de vacances). Il brise sans soucis des liens de sang ou d’amitié en mettant sous le même toit des coépouses de mêmes grands parents ou alors de pères et mères liés par des relations qui semblaient à toute épreuve. Ce sont-là quelques transferts sociaux à côtés de ceux économiques des émigrants.

Dans ces conjugalités travesties, la gestion des états d’âme des « épouses par intérims » se complique avec les dispositions du code la famille sénégalais qui impose l’humiliation d’un divorce judiciaire même pour les mariages coutumiers. Le mari répudie la femme, lui dénie la garde des enfants qu’il fait séquestrer, lui refuse toute pension alimentaire, l’obligeant à faire recours au tribunal pour faire respecter ses droits. La femme victime de répudiation, d’abandon, de violences morales et économiques, se soumet au parcours du combattant afin de légaliser son mariage non reconnu par la loi avant d’être autorisée à demander le divorce.

Le migrant se méfie de contracter un mariage civil au Sénégal. Aux contraintes administratives et légales locales s’ajoute sa situation de chercheur de « carte de séjour » au pays d’accueil où souvent seul un mariage officiel, donc sous le régime de la monogamie, avec une indigène permet d’obtenir le titre convoité.

Nanti de son pouvoir économique et de l’aisance matérielle qu’il offre à sa famille, l’émigré transfert, par la magie du multimédias, argent, angoisse et caprices. L’homme croit qu’il peut se passer de témoigner de l’affection qu’il rationne et ne distille sous réserve à l’épouse que chaque fois qu’elle donne des gages de soumission et de fidélité dans son rôle de préposée aux tâches domestiques et à l’enfantement.

La femme est ainsi sujette au stress dû à une sur-sollicitation sociale dans un contexte où elle est condamnée à l’évitement continuel et une abstinence prolongée et trop pressante. Les pieuses s’imposent un jeun mensuel d’une semaine du 11ème au 17ème jour de leur cycle ovarien et utérin afin de brider les pulsions sexuelles concomitantes. Les plus téméraires se réfugient dans la consommation des films X et autres gadgets érotiques rapportés par le mari dans ses bagages. La pression de l’homme absent mais qui exerce un chantage économique et qui impose son contrôle à distance par téléphone« fixe » et skype met les nerfs de la pauvre femme à fleur de peau. Les insinuations et la mise à l’épreuve permanente de la belle famille, la révolte des enfants devant la résignation humiliante de leur mère et surtout l’attente certaine d’une coépouse voire de plusieurs ou même de perdre sa place dans la hiérarchie du ménage si par chance elle n’est pas répudiée amènent la femme à développer toutes sortes de maladies psychosomatiques.

Deux types de mariages s’imposent à l’émigré : celui qu’il a commandité pour son propre plaisir et celui arrangé ou imposé par la famille ; l’un précédant l’autre ou vice et versa. Et c’est là la source de toutes les misères des premières femmes. En effet si la première épouse est le choix social ou familial, le migrant, quelque soit la durée de son absence, dès son retour au bercail part à la chasse à sa revanche pour son bonheur personnel. Si la première était son Amour de jeunesse, c’est la famille qui va lui imposer l’épouse qu’il voulait ignorer. A côté de la peur souvent feinte du mari d’être maudit par ses parents en cas de refus, le meilleur argument restera les rondeurs et la jeunesse de la petite qui a souvent l’âge de l’aînée de la première épouse. Certains hommes ayant atteint les limites de la polygamie légale fixée aux quatre épouses pratiquent le jeu des pions qui avancent en poussant d’autres hors de l’échiquier. Ainsi aucune des quatre femmes n’aura connu une semaine d’amour même physique avec ce mari dont les absences peuvent dès fois durer plus de cinq ans. La Reine-mère peut perdre son statut de première mais s’impose et reste dans le ménage grâce à l’âge de ses enfants et son statut mythique de « porte-bonheur » du mari. D’ailleurs elle reste plus pour la sauvegarde de son « investissement », enfants et confort matériel, que pour ce fantôme de mari. N’est-ce pas elle seule, avant tous et rien, qui a vécu la période des vaches maigres où il fallait courtiser le diable pour lui tirer sa queue. Alors ce sont les coépouses suivantes qui font les frais des divorces saisonniers.

La femme victime se cloitre dans sa honte et son auto -flagellation. Elle se culpabilise de son échec ou alors de sa naïveté. Elle avait dit qu’elle réussirait là ou d’autre ont échoué à apprivoiser l’homme. Confortée par les gris-gris de son marabout, elle faisait trop confiance à son charme et sa sensualité. Elle avait traité celles qui la mettaient en garde de mauvaises langues et de jalouses. Le mariage à grandes pompes a pourtant eu lieu comme prédit par sa voyante attitrée : grande réception à l’Hôtel, cadeaux nombreux en or et argent, les liasses de numéraires aux parents, reportage fixé sur photos et vidéos. Malheureusement tout s’est soldé par une solitude qui se prolonge par un silence téléphone total, une grossesse et un ultimatum de quitter le domicile conjugal.

La prolifération des services sociaux de protection, les comités de luttes contre les violences faites aux femmes n’y ont rien changé à la misère de ces femmes victimes. Il ne leur reste plus qu’à mettre sur pied des groupes de paroles comme les alcooliques anonymes ou les porteurs sains et affectés du VIH. Dans ces Groupes de Paroles pour femmes d’émigrés, sous forme de « TOUR » de week end, les auto- apitoiements et chapelets de bondieuseries leur permettront de supporter les chagrins en faisant de leurs misères des récits un peu comme lors des deuils où les histoires de morts permettent de supporter la mort en répartissant la douleur par« n » dans une ritournelle sans fin.

 

 Oumar Ndiaye

Source: Seneweb.com

www.kassataya.com

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