Comme nombre de ses voisins maghrébins, la Mauritanie a décidé de renforcer la protection de ses frontières, à la lumière des récentes évolutions de la situation au Mali.
Les habitants des villes mauritaniennes frontalières avec le Mali se disent de plus en plus inquiets.
Après les combats très durs contre le Mouvement national pour la libération de l’Azaouad (MNLA), Ansar al-Din, affilié à al-Qaida, a pris fin novembre le contrôle de la ville malienne de Léré, à 70 kilomètres seulement de la ville mauritanienne stratégique de Fassala Néré.
Alors que la guerre se profile et au vu de l’incertitude entourant une éventuelle participation de la Mauritanie aux opérations, al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) a décidé d’occuper cette ville frontalière pour envoyer un message à la Mauritanie.
« Depuis plusieurs mois, une trêve tacite est observée entre AQMI et l’armée mauritanienne », a expliqué Eli Ould Maghlah, spécialiste des questions militaires. « La Mauritanie a en effet décidé de ne pas intervenir contre les terroristes tant que ces derniers se gardent d’établir leurs camps à moins de 200 kilomètres de ses frontières à l’intérieur du territoire malien. Pour sa part, AQMI a cessé ses attaques contre la Mauritanie. »
Il a ajouté que des unités de l’armée mauritanienne avaient commmencé à intensifier leurs actions et à mobiliser des troupes le long de la frontière. « Elles ont également renforcé leurs opérations de recherche et de contrôle de ceux qui franchissent cette frontière », a ajouté cet expert.
« La population locale s’est habituée à ses activités militaires, et ne semble plus dérangée par ces opérations de routine », a expliqué Abdullah Ould Sid al Mokhtar, l’un des notables locaux dans la ville frontalière de Bassiknou, à Magharebia. « Les gens sont conscients qu’ils ne se trouvent qu’à quelques jets de pierre d’un ennemi féroce, un ennemi représenté par des terroristes capables de s’infiltrer à tout moment par la frontière. »
Khaled Abou El-Abbas, le terroriste également connu sous le pseudonyme de « Laaouar », a mis en garde contre une éventuelle intervention lors d’un entretien avec le quotidien al-Akhbar publié le 27 novembre. « On peut éviter le déclenchement de la guerre, mais qui pourrait contenir ses conséquences ou empêcher son élargissement à d’autres zones ? », avait-il affirmé.
Pour le politologue Mohamed Ould al-Aqel, « si la Mauritanie et l’Algérie réussissent à protéger leurs frontières, les groupes terroristes se trouveront alors assiégés de toutes parts. »
« Traquer leurs éléments sera alors facile, parce qu’ils seront chassés sur plusieurs fronts. Mais j’estime probable que ces deux pays interviendront indirectement en répondant aux tentatives d’intrusion commises sans aucun doute par des terroristes attaqués depuis le sud par les forces africaines », a-t-il ajouté.
L’impact d’AQMI sur la jeunesse mauritanienne continue néanmoins de croître, car les perspectives d’emploi demeurent rares.
« A l’issue de leur formation, beaucoup de jeunes Mauritaniens se retrouvent au chômage », explique le journaliste mauritanien Moussa Ould Hamed. « Leur principal recruteur reste AQMI, qui par ailleurs leur promet un avenir dans l’au-delà. C’est ce qui explique la massification des rangs d’AQMI par les jeunes Mauritaniens. »
Mohamed Vall Ould Oumère, directeur du journal La Tribune, souligne que les premiers recrutements par AQMI remontent à 2003, lorsque « quelques jeunes Mauritaniens, souvent perdus pour le pays, et ayant fait de la prison après avoir été accusés d’appartenir à la mouvance islamiste, avaient gagné les camps d’entraînement du GSPC dans le Sahara malien ».
Ce phénomène s’est renforcé avec l’arrivée d’un pouvoir civil en 2007, qui a libéré les principaux éléments du mouvement islamiste, ajoute-t-il.
Jemal Oumar et Bakari Gueye
Source : Magharebia le 28/12/2012{jcomments on}
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