Juste à la veille de son retour en France, voilà que le Président reçoit cinq journalistes, dans les jardins de son palais, pour leur parler de tout et de rien.
Sans réserve, sans restriction, sans tabou. Manifestement, il voulait paraître bien portant ou en voie de l’être. « Il faut abandonner l’argument d’une santé qui ne me permettrait plus d’accomplir convenablement ma mission », dit-il expressément à ses adversaires de la COD. « Cherchez autre chose pour me disqualifier ». Depuis le tarmac, Macha Allah, il n’a jamais eu le moindre temps de repos : Conseil de ministre dès dimanche, reconseil jeudi, inaugurations, audiences. Mon vieux, c’est la forme ! Macha Allah, encore : soyons prudents, il ne faudrait pas qu’on puisse imputer une rechute du président à mon « œil », je n’en ai que deux et j’y tiens beaucoup. Les journalistes étaient juste cinq dont, au moins, quatre doyens. Les autres ont été éliminés sans qu’on sache pourquoi. Depuis l’arrivée au pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz, suite au coup d’Etat du 6 août 2008, les sites les plus visités, les journaux les plus lus et les plus réguliers sont systématiquement mis en quarantaine et « privés » de toutes les activités officielles. Une même brochette de journalistes, choisis pour copinage, allégeance ou toute autre raison beaucoup plus douteuse, est continuellement sollicitée, pour accompagner les voyages présidentiels, couvrir les fameuses « rencontres avec le peuple » ou bénéficier des avantages, sonnants et trébuchants, auprès d’institutions publiques auxquelles on les recommande. Une sorte de dosage maladroit prévaut dans le choix de ce groupe dont les éléments sont généralement les protégés d’un haut placé civil ou militaire. Les autres, pour ne pas avoir accepté de jouer à l’indicateur ou de s’aplatir, sont traités de journalistes d’une certaine opposition ou d’une certaine obédience.
Jeudi soir, le Président était seulement face à cinq journalistes. Visiblement dégourdi, il parlait, parlait, parlait. Effectivement de tout : du tir, de sa santé, de la démocratie, de la situation économique du pays, du dialogue et des deux oppositions, des accords de pêche, de Senoussi, d’argent, du Trésor, des salaires et de leur prochaine augmentation. Vraiment de tout. En essayant même d’y mettre un certain humour. L’homme semble même s’être assagi, après coup. La balle perdue de Toueïla lui aurait-elle porté conseil ? Selon lui, les militaires sont revenus à leur mission régalienne, telle que définie par la Constitution. Plus de militaires directeurs généraux de sociétés, plus de militaires ministres. Un seul colonel au poste de wali, c’est insignifiant par rapport à ce qui se faisait. Pas de militaire Président. Inal, Sory Malé : personne n’osait y aller, avant 2005. Là, le Président a failli se fâcher ! Attention ! Tout n’a commencé qu’à partir du premier changement. Passablement. Ce n’est qu’avec « moi » que les choses, les bonnes, ont débuté. Pour les déportés, il reconnaît, quand même, que « son prédécesseur », selon son expression, a fait « quelque chose ». En disant : « Mais, moi, j’ai indemnisé certains », c’est la confusion, totale, entre sa personne et l’Etat. Louis XIV ? Prétendre n’être là que par les urnes n’est pas totalement vrai. Un débat classique. Rien d’inédit. Déclarations fortuites et prétentions et vœux pieux. Je vais bien. Je dirige bien. Je contrôle bien. Je suis démocrate. J’ai été élu. Je réforme. Je construis. Je suis le sauveur. Je suis le providentiel. Je suis l’aimé. Pas de problème. Regardez les manifestations de joie et de solidarité. Toute la Mauritanie me soutient. Un million à Nouakchott. Des marches populaires à travers le pays. L’armée s’est définitivement rangée. Il n’y a que les urnes pour accéder au pouvoir. Et patati et patata. Mais au pays des hommes bleus, spécialistes du retournement de boubou, il ne faut jurer de rien.
Sneiba
Source : Le Calame le 05/12/2012{jcomments on}
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