Depuis le10 juillet 1978, date du coup d’Etat fondateur de l’ère du militaire homme politique, les mauritaniens n’ont cessé de pester contre l’armée de leur pays.
Gouvernés d’abord par un parti unique, à l’image de ce qu’il y avait de « mieux » en Afrique depuis les indépendances, ils pensaient le Système non pas en termes d’amélioration possible pour tendre vers cette « démocratie » à l’occidentale, mais par opposition à une sorte de division du travail où les rôles ne sont pas bien définis. Appelée à préserver la sécurité du territoire mauritanien et de le protéger contre toute agression extérieure qui mettrait en péril la vie de ses citoyens, l’armée s’essaie, depuis plus de trente ans, à la politique. Mais ce que l’on feint d’ignorer, c’est qu’elle est loin d’agir seule. Les civils sont toujours là pour donner une orientation, dans un sens ou dans un autre, à une action militaire dont le résultat, sous d’autres cieux (la Turquie, par exemple), est un moindre mal pour la démocratie.
C’est pour dire qu’aujourd’hui les mauritaniens ordinaires commencent à se rendre compte de la nature du drame qu’il traverse depuis trente ans : ce sont les hommes politiques qui maintiennent le statu quo. Dépossédés du pouvoir le 10 juillet 1978, ils n’ont cessé de chercher la formule magique qui leur permettrait de revenir aux commandes et, justement, de se servir de l’armée pour être à l’abri de la critique. C’est même une de ces vérités universellement reconnues que de dire qu’en Mauritanie, l’armée a toujours été victime de cette illusion de croire, comme le disait Plutarque, que «le temps des armes n’est pas celui des lois ». Certes, l’un des plus grands penseurs de l’Antiquité oppose, dans cette phrase, l’usage des armes à l’usage des lois, mais il est loin de donner raison à ceux qui pensent qu’une démocratie peut tirer sa force de la mise à l’écart (totale) de l’armée ou même par son affaiblissement. « L’armée est l’un des éléments constitutifs de l’Etat et incarne, avec la police, la puissance publique dont il est le détenteur exclusif. Les Etats modernes se sont construits d’abord sur la conquête du monopole militaire avant de s’octroyer le monopole politique. » En Mauritanie, on est encore au stade où les hommes politiques n’ont pas encore compris qu’ils ne peuvent gouverner en démocratie s’ils ne reconnaissent pas le rôle constituant de l’armée dans ce système. Et même s’il faut bien que les militaires s’en tiennent à leur mission de préservation de la sécurité du territoire mauritanien et de protection contre toute agression extérieure qui mettrait en péril la vie de ses citoyens, les civils qui nous gouvernent ne sont pas exempts de penchants dictatoriaux plus abjects que ceux qu’ils attribuent aux hommes en tenue. Et rien qu’à voir le zèle que certains hommes politiques mettent à défendre leurs privilèges, dont certains remontent à l’indépendance de la Mauritanie, l’on comprend mieux la vraie nature du « combat » qu’ils livrent à l’armée. Ce n’est pas pour mieux faire, une fois arrivé au pouvoir, mais pour durer autant que possible.
Sneiba Mohamed
Source : Mauritaniya Akhbar le 06/12/2012{jcomments on}
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com
Les opinions exprimées dans la rubrique Tribune n’engagent que leurs auteurs. Elles reflètent en aucune manière la position de www.kassataya.com