Défaillance du féminisme islamique

(Crédit photo : anonyme)

La notion selon laquelle la femme serait inférieure à l’homme a été perpétuée pendant plusieurs siècles, non seulement dans le monde arabe mais dans le reste de la planète.

Cependant, j’ai choisi de traiter de la situation de la femme dans les pays Arabes pour des raisons d’appartenance ethnique (Syndrome d’égoïsme nationaliste, oui).

Etant donné le fait que la condition féminine n’est pas uniforme dans l’étendue de la région, il est de raison commune d’évaluer -d’un point de vue anthropologique- les éléments communs, qui maintiennent le statut de la femme dans un rang plus ou moins marginalisé et contrôlé par une communauté majoritairement patriarcale : À savoir l’impact que la relation entre l’Islam et la Culture exerce sur la femme.

Il faut d’abord faire la distinction entre l’Islam et la culture/tradition qui était prépondérante avant l’avènement du prophète Mohammed, car la grande excuse des juristes musulmans est souvent que la femme était moins respectée durant la période de la Jahiliyah (Epoque de l’ignorance). Seulement, je tiens à signaler que cela est une idée reçue qui rejoint le palmarès des opinions endoctrinées en faveur d’un Islam apologétique.

Cela devient de plus en plus désagréable d’entendre ces discours sournois rabâchés à tort et à travers de la part d’Occidentaux islamophobes qui attribuent l’état de la femme dans le monde arabe à l’oppression qu’exerce l’Islam sur celle-ci. Il est important de savoir faire la différence entre le prisme au travers duquel le monde Occidental examine ce phénomène et celui au travers duquel les femmes du monde Arabe le perçoivent selon leur culture. Ces deux là sont deux sociétés différentes à références ostensiblement distinctes, ce qui nécessite un recul pour percevoir les limites de notre jugement, car comme vous le savez, nous ne pouvons admettre le fait que le niveau de satisfaction ou d’insatisfaction de la femme soit homogène non plus.

Les sociétés arabes se basent sur un mode de vie purement théocratique. Cela veut dire que la perception qu’ont les individus face à leur situation est implacablement liée à la région géopolitique et culturelle où ils résident.

Maintenant, si les individus sont musulmans ou pas, cela importe peu ; le système est applicable à tout le monde (la liberté de conscience est un tout autre débat, hors de question dans la plupart des pays arabes, si ce n’est tous). Toutefois, nous serions dans le tort de considérer un monde islamique naturellement apparenté au monde arabe en tant qu’une même entité, car il n’y a aucune signification politique pour une telle perception, à l’exception de la représentation qu’ont les Occidentaux (que j’accuse d’illettrisme) qui avertissent le monde d’un potentiel danger islamique. Le monde Arabe ne peut être tenu pour représenter le monde islamique puisque la plupart des musulmans ne sont pas arabes.

Le Coran donne à la femme et à l’homme un statut d’égalité sur les plans métaphysique et eschatologique certes -c’est-à-dire une égale dignité spirituelle-, cependant il comporte dans la plupart des cas des enseignements valorisant le statut masculin et marginalisant la femme. Cela dit, il faut avoir l’honnêteté intellectuelle d’accepter cette critique après s’être livré à une inspection honnête du Livre-Saint… Si l’on continue à se référer au Coran pour justifier la position de la femme dans la société, nous en resterons là pour encore quelques siècles avant que quelqu’un ne tranche sur la justesse de cette référence dans ce débat.

Nul discours féministe sous le couvert de l’appartenance religieuse musulmane ne peut être considéré comme tel. En principe, le nombre de versets que les féministes musulmanes défendent en disant qu’ils sont sujets à une mauvaise interprétation est probablement inférieur au nombre de versets que les juristes mâles dans le pays arabes brandissent pour prouver leur supériorité à la gente féminine. En d’autres termes, une féministe qui se réclame musulmane est en constante contradiction avec elle même. Les propos féministes qui s’apparentent à la religion musulmane n’ont donc pas lieu d’être puisqu’ils sont substantiellement contradictoires.

J’entends souvent des arguments relatifs au comportement du prophète Mohammed (SAAWS) vis à vis de ses femmes, pour montrer à quel point celles ci occupent une place importante dans la société, mais on ne peut facilement négliger les versets coraniques explicitement misogynes mis à part leur contextualisation.

Pour certains d’entre vous qui me conseilleront de vérifier le contexte historico-politique de l’époque et de contester mon avis, c’est vrai que cela marche parfois, mais pas tout le temps. L’approche de tout texte est très souvent subjective selon les intentions de l’exégète.

En d’autres termes, comme un pacifiste musulman trouvera ce qu’il lui faut pour prouver la paix promue par l’islam dans le Coran, un terroriste ne se privera pas non plus de se référer à toutes sortes de versets pour légitimer ses actes.

Ce que je propose cependant, c’est d’adopter une approche du féminisme tout à fait indépendante du contexte religieux (ou plutôt apparentée à ce dernier mais sous usant d’une autre perspective, parce que je ne suis pas sûre que tout le lectorat ait une croyance particulière).

La situation critique des femmes est devenue un problème majeur dont L’Occident profite pour discréditer et stigmatiser toute la culture de la religion Islamique. Je pense qu’il faudrait arrêter de blâmer l’Islam pour toute attitude qu’a le monde arabe envers la femme. L’Islam ne définie pas entièrement la culture de notre communauté. Il y contribue pour une part certes, mais il a également été influencé par la tradition.

Selon l’essai de Leila Ahmed, « Women & Gender in Islam », il y a assez de preuves pour suggérer que des attitudes islamiques aux femmes aient été empruntées aux cultures précédentes et aux éléments de la culture dominante en Arabie Saoudite, qui avait une certaine diversité de cultures et des religions, et qui a manqué de l’uniformité dans les conditions sociales et économiques. Autrement, l’Islam a accepté quelques pratiques misogynes, mais en a rejeté d’autres en contrepartie.

Je ne prône pas une égalité entre homme et femme. Je crois fermement qu’il existe une différence fondamentale entre les deux genres qu’il faut savoir reconnaître et respecter. C’est ce que j’appelle un féminisme modéré, voire rationnel.

Samia Haimoura

Source  :  Qandisha (magazWine collaboratif féminin / Maroc) le 28/11/2012{jcomments on}

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