YEMEN. Amputations, crucifixions : les exactions d’Ansar al-Charia

(Crédit photo : Reuters)

Un rapport de l’ONG Amnesty internationale décrit la terreur qu’a fait régner ce groupe islamiste affilié à Al-Qaïda.

« Ils m’ont accusé de vol… Ils m’ont tabassé à répétition… Après cinq jours, ils m’ont fait une injection et j’ai dormi… Quand je me suis réveillé, ma main n’était plus là. » Ce témoignage fait partie de ceux recueillis par Amnesty international dans la région d’Abyan, dans le sud du Yemen, alors que la révolution pour renverser Saleh était en cours à Sanaa, la capitale.

Dans un rapport intitulé « Conflit au Yemen, les heures sombres d’Abyan », l’ONG décrit les violations flagrantes des droits de l’Homme menées par Ansar al-Charia – les Défenseurs de la loi islamique » – alors que le groupe armé islamiste affilié à Al-Qaïda avait pris le contrôle de la région, de février 2011 à juin 2012 : exécutions sommaires, des crucifixions, des amputations et des flagellations en place publique.

Ansar al-Charia avait rapidement pris le contrôle de la petite ville de Jaar, dans le gouvernorat d’Abyan au début de l’année 2011, à une période où les autorités yéménites réprimaient avec brutalité les manifestations réclamant le départ du président Ali Abdullah Saleh, avant de rapidement gagner du terrain dans la région. Mi-2011, il contrôlait la plupart des villes et des villages d’Abyan, y compris la capitale du gouvernorat, Zinjibar, décrit Amnesty.

Le cauchemar des tribunaux islamiques

Et en une année et demi, la mainmise sur cette région par l’organisation va s’avérer être un cauchemar.

« Le gouvernorat d’Abyan a été le théâtre d’une véritable catastrophe en termes de droits humains lorsqu’Ansar al-Charia et les forces gouvernementales se sont affrontés pour contrôler la région, en 2011 et durant les six premiers mois de 2012 », explique Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

Etablissant des tribunaux religieux, Ansar al-Charia décide de « sanctions cruelles, inhumaines et dégradantes – exécutions sommaires, amputations et flagellations notamment – prononcées contre des criminels présumés, de présumés « espions » travaillant contre Ansar al-Charia et des personnes qui transgressaient les normes culturelles, » décrit Amnesty après une enquête sur le terrain en juin et juillet 2012. La mission s’était alors entretenu avec des habitants, des militants, des journalistes, des victimes et des proches de victimes originaires du gouvernorat d’Abyan, principalement à Aden et Jaar.

L’ONG relate notamment la mise à mort de Saleh al-Jamli, accusé d’avoir permis la mort de quatre hommes lors d’un tir sur un véhicule effectué par un drone américain. Non seulement Saleh al-Jamli fut condamné à mort mais aussi à être crucifié. « Les témoignages des habitants de Jaar et les vidéos obtenues par la mission d’Amnesty et diffusées sur Youtube confirment cette crucifixion en public afin que tout le monde le voit », écrit Amnesty dans son rapport. L’ONG y publie notamment une photo du corps de l’homme accroché en hauteur, les bras écartés, la tête tombant sur la poitrine, une pancarte clouée au-dessus de lui.

Jugements et réparations

L’organisation internationale décrit également la façon dont les droits des femmes et des filles en particulier ont été piétinés, des codes vestimentaires très rigoureux imposés, ainsi qu’une séparation stricte des hommes et des femmes, et des restrictions sur le lieu de travail et à l’école. Un enseignant a ainsi expliqué à Amnesty International qu’Ansar al-Charia plaçait une de ses représentantes dans chaque école pour superviser l’application de ses instructions.

Les combats, ajoutés aux atteintes aux droits humains ont amené quelque 250.000 personnes à fuir les gouvernorats du sud du Yémen, notamment d’Abyan, souligne Amnesty qui recommande :

« Les autorités yéménites doivent veiller à ce que la commission d’enquête annoncée en septembre se penche sur les terribles violences signalées. La tragédie d’Abyan hantera le Yémen pendant des décennies si les responsables ne sont pas jugés et les victimes et leurs familles ne reçoivent pas de réparations ».

explique Philip Luther. Amnesty met en garde : « Si Ansar al-Charia a été délogé des villes et des villages qu’il contrôlait en juin 2012, le danger persiste qu’il réapparaisse et reprenne les armes ».

Céline LUSSATO

Source  :  Le Nouvel Observateur le 03/12/2012{jcomments on}

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