Dans notre pays au «million de poètes», j’en suis encore à me demander comment nous, si bavards en temps normal, pouvons survivre dans ce grand silence qu’est la communication gouvernementale, en ce qui concerne le sort de notre Raïss. Je ne me suis pas remise de la photo n°1 où nous avons pu voir notre sultan sur son lit, à l’hôpital militaire du Ksar.
Et je me demande toujours qui est le chef des communiquants offciels, celui qui s’éreinte au travail, afin de communiquer pour notre pouvoir, tête pensive et pleine, mine harassée de celui qui bosse comme un dingue, yeux battus de celui qui dort peu et qui pense beaucoup…Je ne connais rien en com politique, rien de rien. Mais, si le but de la photo n°1, équivalent azizien du très fameux et savoureux communiqué n°1, était de me traumatiser, le but de la cellule « communication et verbiage » du gouvernement a été atteint. Quand une erreur de com augure mal d’une communication politique…
Alors, très respectueusement, très modestement, je me permets de m’adresser, via votre journal, aux Monsieur/messieurs/mesdames des relations publiques des Nous Z’Autres. Je me permets, toujours très respectueusement et toujours aussi modestement, de leur adresser quelques conseils, histoire d’éviter une schizophrénie collective et un pétage de plombs des populations concernées (à savoir les Nous Z’Autres).
Première erreur : on ne montre JAMAIS, au grand JAMAIS, un président de la République en chemise d’hôpital ; ça ne sied pas à la grandeur du personnage, ça fomente une incrédulité fort peu productive, ça traumatise. Hormis Fidel Castro et Hugo Chavez, je n’ai pas le souvenir de président ainsi exhibé sur un lit d’hôpital, en position de faiblesse. Cette photo-là sentait le crime de lèse-Sultan, vu que quiconque a fait un séjour à l’hosto pour y être opéré connaît cette fameuse chemise qui couvre devant mais qui laisse le derrière à l’air. Vous conviendrez, avec moi, que les associations d’images véhiculées par cette photo numéro 1 méritent la pendaison sur la place des « blocates ».
Je comprends la panique des « communiquants et consorts ». Mais il faut éviter la communication compassionnelle. Tout le monde sait que notre sultan est humain ; mais c’est un humain sultanesque. Il est le garant de notre sécurité ; il est la force ; il est le père, notre modèle, notre rectificateur, notre guide… Même gravement blessé, il est très peu recommandé de le montrer en état de faiblesse. Deuxième erreur : ne pas avoir potassé ses bouquins de com. Communiquant officiel, ça s’apprend. Il y a des écoles pour ça. Ce n’est pas parce qu’on est le service de com de notre république dattière qu’on doit faire l’économie de l’apprentissage et des études.
Mes conseils – rappelez-vous : très respectueusement, très modestement, etc., etc. – pour l’entourage de notre président blessé et malade : il vous faut, d’abord, vous débarrasser des clichés et des stéréotypes, dès lors que vous vous adressez à vos concitoyens de tout en bas, les Nous Z’Autres. Souvenez-vous : le Mauritanien n’est pas plus bête qu’un autre et peut comprendre bien des choses. Supputer que le Mauritanicus lambda est un âne est la première erreur fatale.
Secondement, il ne vous faut pas partir du principe que vous serez automatiquement compris. Ok, je sais que cette démarche est très confortable mais elle vous emmène droit dans le mur. Dites-vous que le Mauritanien et sa Mauritanienne ne vous comprendront pas ; ainsi vous triturerez-vous les méninges et justifierez le salaire que vous percevez. Utilisez des mots simples, quand vous vous adressez à nous : tout le monde n’a pas eu son bac au bled, ça se saurait. Et des phrases courtes. Surtout, surtout – SURTOUT ! – on évite de montrer notre roi abruti par les calmants, encore sous le choc, tentant d’aligner trois phrases, la bouche pâteuse, le regard dans les vaps.
Rappelez-vous les principes fondamentaux d’une bonne stratégie de communication à l’usage des bourricots respectueux que nous sommes. Pensez à vous souvenir des questions-clés. Une stratégie de communication se pense, elle se base sur un plan. Il y a un mantra à apprendre par coeur : Qui dit quoi, à qui, par quel canal, avec quel effet, où, quand, comment… Pas question de les faire à l’envers. C’est simple, vous suivez la progression. Allez, je vais vous mâcher le boulot.
SMART : cette abréviation n’est pas le com d’une célèbre lilliputienne voiture française. Non, SMART ce sont les objectifs des communicants : S pour spécifique, M pour mesurable, A pour acceptable, R pour réaliste, T pour temporel. Je reprends : Spécifique veut dire « quel sujet ; que voulons-nous démontrer ; à qui ? ». Mesurable : que dire ; que garder ; que choisir ; qui cibler ? Acceptable : que dire de concret, sans tomber dans l’imaginaire et les mensonges ? Réaliste : ne nous prenez pas pour des imbéciles ! Temporel : l’effet A doit pouvoir se mesurer, avoir des retombées dans le temps, amener à l’effet B, qui amènera à l’effet C. Vu les rumeurs et tous les blablas sur la santé de notre monarque, vous ne connaissiez, visiblement pas, SMART.
Et dernier conseil : notre président a disparu de la circulation. Ok. Mais cela n’est pas une excuse pour ne pas nous offrir des conseils de ministres. Il est loin et nos ministres sont près. A l’heure d’Internet, ça ne veut plus rien dire. Alors, pensez à des conseils de ministres New Age, histoire de nous montrer, qu’hormis la sécurité, le gouvernement gouverne et travaille à peaufiner la Rectification. Vous pouvez, au choix, organiser un conseil des ministres délocalisé (pour une fois, nous ne vous tiendrons pas rigueur de voyager aux frais de la République, c’est à dire à nos frais). Pour faire moins cher, on peut couper la poire en deux et décider d’un lieu à mi-chemin entre Paris et NKTT. Vous pouvez, aussi, faire un conseil des ministres en vidéoconférence. Le dernier des hommes d’affaires de chez nous connaît ça. Apparemment, pas la cellule de com. Si c’est juste une question de khalis, il existe Skype, c’est gratuit, vous pouvez parler à plusieurs. En dernier recours, il y a les pigeons voyageurs… Mais je reconnais que c’est très long et peu sûr. Imaginez le ministre du temps qui passe faisant sa communication relative aux activités de son ministère : « Monsieur le Président, mes services ont oeuvré à la propagation du bonheur ; ils ont fait, ils ont dit, ils ont compté… Votre excellence agrée-t-elle le travail rendu à la Patrie par votre misérable serviteur ? ». Et hop, voilà notre pigeon voyageur en route pour Paris. Faut pas qu’il se trompe de route ; faut pas qu’il survole le nord du Mali ; faut pas qu’il survole l’Algérie, faut qu’il arrive à prouver qu’il n’est pas un pigeon clandestin qui essaie d’envahir la France… Enfin, notre président lit, réfléchit, répond et, retour à l’envoyeur…. environ deux mois pour ça. Mais, me direz-vous, à la guerre comme à la guerre !
Bref… Il semble donc que, dans notre pays des sables et des merveilles, la cellule communication n’ait pas encore tout à fait trouvé ses marques. Allez, courage ! Je vous ai donné des pistes. Je n’ai, moi, aucun stéréotype envers vous : je ne dis pas que vous êtes légèrement bêtes ou des ânes. Je suis sure que vous allez rectifier les erreurs. Salut.
Mariem mint DERWICH
Source : Le Calame le 15/11/2012{jcomments off}
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