A M’Béra, le principal centre d’accueil pour les exilés maliens en Mauritanie, les transistors marchent non-stop. On suit avec une attention particulière l’actualité et les pourparlers internationaux sur la résolution de la crise dans le nord du Mali.
Aujourd’hui, tous attendent le plan d’action proposé d’ici à quarante-cinq jours par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union africaine pour récupérer ces territoires occupés des groupes islamistes armés, selon une résolution onusienne prise le 12 octobre dernier.« Se débarrasser des salafistes »
Erigé par le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) à quelques encablures de la frontière entre les deux pays, cet amas infini de tentes est devenu « la deuxième ville » de Mauritanie, accueillant près de 107 000 personnes en septembre. Depuis son ouverture en début d’année, près de 400 Maliens arrivent chaque jour à M’Béra. Au départ, ils ont fui les affrontements entre l’armée malienne et la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Mais depuis le printemps, ils tentent surtout d’échapper aux groupes liés à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) qui sèment la terreur au nom de la charia dans le nord de leur pays.
Viols, saccages des lieux saints, justice expéditive et partiale qui tranche les mains des présumés voleurs de poules, lapidations publiques des couples non mariés… Face à l’horreur de la situation, « la grande majorité des réfugiés du camp est favorable à une intervention miliaire ouest-africaine, pour débarrasser le pays des salafistes », affirme l’un des responsables parmi les déplacés.
La surpopulation, ajoutée à la grande chaleur, rend les conditions de vie très difficiles dans le camp. A la faveur d’un thé de menthe, des petits groupes se forment. « Cette guerre est un mal nécessaire », lance Abdul Aziz Ag Mohamed. Président du Collectif des jeunes réfugiés, qui représente 65% de la population de M’Béra, il estime « qu’en tant que réfugiés, nous n’avons aucun autre moyen de regagner nos terres. Mais nous voulons une action digne, au sol et surtout sans aucune frappe aérienne qui nuise à notre environnement. »
La plupart de ces exilés sont éleveurs. Ils veulent préserver leur gagne-pain après un retour encore hypothétique, mais que tous ont en tête. Ils redoutent qu’une lourde intervention aérienne n’ait des conséquences désastreuses sur un milieu naturel déjà fragilisé. Depuis plusieurs années déjà, leur situation sur place s’est détériorée, entre de faibles pluies, la raréfaction des pâturages et les invasions massives de criquets.
Des bémols
Pacifier le nord du Mali, sans dégâts, est également un casse-tête pour Hamada El-Mostafa, un autre réfugié. D’après cet observateur avisé des enjeux, la priorité des exilés est d’obtenir des garanties non seulement pour eux mais aussi pour leurs familles restées sur place. « L’intervention, si elle assure que la population ne sera pas touchée, mettra hors d’état de nuire les terroristes et permettra de créer le climat de réconciliation nécessaire à un retour de la paix », affirme-t-il.
Une vision naïve, selon Ahmad Ag Hamama, un haut dignitaire de la région de Tombouctou très écouté à M’Béra. « Moi aussi je fais la guerre lorsqu’il n’y a vraiment plus aucune alternative, mais il n’est pas certain qu’une balle ne tue pas un innocent. » Inquiet, ce sage souligne aussi la gravité d’un éventuel conflit ethnique que pourrait provoquer une intervention ouest-africaine, dans tout le Sahel : « Alors, on ne parlera plus d’islamisme, ni d’indépendance, ça sera de l’ethnicisme, de la couleur de peau qu’il sera question. »
Autre bémol à cette intervention armée, soulevé par Hamadi Ag Mohamed Abba, un cadre qui a aussi fui Tombouctou : l’option militaire serait plus coûteuse qu’une solution politique. « Trouver une solution adaptée, prenant en compte la revendication de développement de ces régions, serait plus raisonnable que d’aller bombarder les dunes, les villes, les espaces pastoraux, et les champs sous couvert d’une chasse contre les islamistes. »
Selon Ahmad Ag Hamama, la communauté internationale doit surtout impliquer plus fortement les sociétés civiles, car « il est essentiel d’aller vers un dialogue entre communautés ». Une condition sine qua non pour la résolution définitive de ce conflit récurrent depuis les années 1960 entre Bamako et la rébellion touareg au nord. Et d’ajouter, sceptique : « Nous étions déjà venus dans ce même camp, vingt ans plus tôt… Combien de fois l’Histoire se répétera-t-elle ? ».
Source : InfoSud le 19/10/2012{jcomments on}
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