Nord Mali : Les dangers collatéraux de la guerre sur la Mauritanie

(Archives. Armée mauritanienne au Mali. Crédit photo : anonyme)

Chaînon jusque-là fort d’un front du refus à toute escalade militaire dans la région de l’Azawad, la Mauritanie semble avoir changé de fusil d’épaule et décidé, même indirectement, de prendre part au conflit qui se prépare à ses frontières.

La guerre dans le Nord Mali, encore mal ficelée, risque d’être meurtrière et déstabilisatrice pour les pays du champ. La Mauritanie est dans le collimateur.

Selon le Nouvel Observateur, la Mauritanie pourrait abriter une partie du dispositif militaire français destiné à appuyer les forces militaires françaises au sol (quelques 200 militaires répartis entre le Mali et le Burkina Faso) et servir de logistiques de renseignement pour les troupes de la CEDEAO (Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest) mobilisées pour la reconquête du Nord Mali, tombé depuis plus de six mois aux mains de groupuscules islamistes armés. En effet, le périodique français indique que Paris aurait retiré plusieurs de ses drones de l’Afghanistan pour les transférer sur des bases en Mauritanie et au Niger. Il s’agit d’un acte de guerre délibéré de la part de la Mauritanie, qui deviendra à coup sûr une cible ennemie aux yeux des combattants islamistes, même si Nouakchott décide de ne pas s’engager au sol.

Le dilemme mauritanien

Certes, la Mauritanie a combattu Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique) pour repousser la menace terroriste de ses frontières pour certains, pour plaire aux puissances occidentales pour d’autres. Faire la guerre à Aqmi fut une chose et participer à une bataille pour livrer de nouveau l’Azawad au Mali en est une autre, même si le discours officiel insiste sur la nécessaire réunification de ce pays. L’ambigüité reste entretenue par ce soutien inconditionnel que la Mauritanie avait apporté aux combattants du MNLA, lesquels avaient d’ailleurs pignon sur rue à Nouakchott. La Mauritanie avait également servi de plateforme de discussion pour les populations de l’Azawad lorsqu’il fut question à Nbeïket Lehwach de regrouper les populations arabes pour discuter de l’avenir du Nord Mali. Le revirement de Nouakchott serait-il dicté par la défaite cuisante des alliés touarègues sur le terrain et la mainmise des groupuscules islamistes terroristes ? Il est étonnant sur ce point de mesurer combien la position mauritanienne a évolué, passant de celui d’un acteur actif dans la redéfinition politique de ce qu’aurait pu devenir l’Azawad, aux tergiversations entretenues et totalement alignées sur la thèse algérienne prônant la philosophie du flou et de l’indécision, à l’engagement timoré constaté ces derniers jours. Même si la Mauritanie ne pouvait en aucun cas échapper aux retombées d’une guerre à ses frontières, et cela quelle que soit sa position dans le conflit, aujourd’hui qu’elle est dedans, sa position devient davantage plus dangereuse.

La guerre et ses retombées

La situation géographique de la Mauritanie par rapport au Nord Mali et à l’Algérie, en fait le maillon faible de cette région, et offre des possibilités d’infiltration énorme pour les groupes armés en cas de conflit. En effet, la Mauritanie partage avec le Mali une frontière de 2237 Km, une zone désertique inaccessible comparable à un no man’s land, alors qu’avec l’Algérie, elle partage une frontière de 463 Km, une ligne droite entérinée par les deux pays depuis 1983.

La guerre qui se prépare dans l’Azawad, et qui risque d’être meurtrière, offre aux combattants islamistes armés des portes limitées de sortie. Certes, ces groupes possèdent un territoire de 822.000 kilomètres carrés hostiles et impénétrables où ils pourront se fondre facilement, vu leur grande connaissance du terrain. Mais il est également probable qu’ils essayent de jouer à la diversion en portant les hostilités sur plusieurs fronts. Lourdement équipés d’armes de pointe, volées dans les arsenaux libyens, les islamistes qui détiennent le Nord Mali utiliseront certainement toute leur puissance de feu, ce qui pourrait à coup sûr avoir des retombées sur les villes mauritaniennes situées à la frontière avec le Mali, du Guidimagha au Sud jusqu’aux confins du Tiris Zemmour au Nord. Si l’on y ajoute les risques d’enlisement qui font croire à certains spécialistes que la reconquête du Nord Mali pourrait s’éterniser dans le temps, c’est tout le trafic commercial et les échanges entre la Mauritanie et le Mali qui pourraient s’en trouver compromis, sans compter les menaces d’infiltration à l’intérieur du pays.

En effet, beaucoup de Djihadistes du Nord Mali sont soit des mauritaniens de souches ou des maures du Mali qui pourraient se fondre facilement dans le pays. Aux risques sécuritaires et économiques, s’ajoutera indubitablement le volet humanitaire. Le nombre de réfugiés actuellement estimé à plus de 25.000 en Mauritanie pourrait doubler ou tripler. Ce qui posera un sérieux problème d’intendance pour un pays qui a déjà du mal à satisfaire ses propres besoins.

Aujourd’hui que le choix stratégique du dialogue pour lequel elle a toujours œuvré à côté de l’Algérie semble avoir échoué au profit de la guerre, la Mauritanie n’a d’autre choix que de se préparer aux retombées d’un conflit qui s’annonce long et compliqué.

Cheikh Aïdara

Source  :  L’Authentique le 03/10/2012{jcomments on}

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page