Mohamed Yahya Ould Horma, 1er vice-président de l’Union Pour la République (UPR) :

(Crédit photo : anonyme)

’Le processus électoral actuellement en vue est le fruit d’un dialogue national que la COD a cru devoir déserter pour des raisons incompréhensibles’’.

 

Le Calame : Si vous permettez, démarrons cette interview par une question d’actualité. Que pensez-vous de la remise d’Abdallah Senoussi aux autorités libyennes, alors que la Mauritanie affirmait qu’il allait être jugé en Mauritanie ?

Mohamed Yahya Ould Horma : S’agissant de la remise de monsieur Abdallah Senoussi aux autorités libyennes, il est utile de rappeler que cet ancien responsable des services de sécurité est entré dans notre pays avec de faux papiers d’identité et qu’il a fait l’objet de trois demandes d’extradition (France, CPI et Libye). La Libye, pays dont il est ressortissant, avait réitéré des demandes à ce sujet et au plus haut niveau. Il faut espérer, comme cela a été promis et affirmé par le gouvernement libyen, qu’il ait droit à un procès, juste et équitable, garantissant ses droits à la défense.

– Dans sa dernière rencontre avec le peuple, à Atar, le président de la République a déclaré avoir réalisé 70% de son programme électoral. Ce qui, selon vous, est une grosse performance, dans un contexte international marqué par la récession, alors que, pour l’opposition, il ne s’agit que de chiffres loin de la réalité. Comment expliquer que ces performances ne se sont pas traduites, sur le terrain, par une réduction de la pauvreté et une diminution du chômage ?

– Le programme, ambitieux pour le pays, sur la base duquel le Président Ould Abdel Aziz a été élu, comporte, comme vous le savez, quatre axes : la refondation de l’Etat ; des politiques économiques favorables à la croissance et à la lutte contre la pauvreté ; des politiques sociales et culturelles ; une diplomatie de conciliation et de défense des intérêts des Mauritaniens établis à l’étranger. Entre autres préalables, sa mise en œuvre efficiente est tributaire de réformes structurelles et transversales : gouvernance institutionnelle et politique, amélioration du climat des affaires (réforme fiscale et code des investissements), rationalisation de la dépense publique, réforme de la commande publique et stratégie nationale de lutte contre la corruption.
Ces réformes majeures ont été exécutées et ont permis une mobilisation, sans précédent, de ressources financières, intérieures et extérieures, pour le financement du développement ; la réalisation d’infrastructures structurantes, notamment en matière de transport (routes, ports, aéroports), d’eau et d’énergie (centrales électriques), sans lesquelles le développement économique est inconcevable. L’appréciation (doublement et parfois plus) des prix de nos produits d’exportation (produits de la pêche et des industries extractives) a été d’un apport salutaire, pour les recettes fiscales et pour notre balance des paiements. La mobilisation, effective, de plus de 2,8 milliards de dollars de financements extérieurs a été déterminante, dans l’exécution de grands projets de développement. L’attractivité pour les investissements et le développement d’avantages comparatifs dépendent du dispositif d’incitation et du coût des facteurs de production mais aussi de la stabilité et de l’environnement juridique. Le programme de développement et de modernisation de la SNIM, pour un coût global d’un milliard de dollars va quasiment doubler sa capacité de production et la porter à 20 millions de tonnes par an, avec des retombées importantes sur l’emploi et l’économie.
C’est le plus grand projet économique jamais réalisé dans le pays. Tout cela a, naturellement, un impact positif sur la lutte contre la pauvreté et le chômage, à travers la croissance, l’investissement public et privé.

– Pour apaiser la tension entre les deux camps, le président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheïr, dont le parti a signé un accord avec le pouvoir, a lancé l’idée d’un gouvernement d’union nationale, pour organiser des élections auxquelles prendront part l’ensemble des partis politiques du pays. L’UPR, estimant qu’il n’y a pas de crise politique, a rejeté cette initiative. Peut-on en connaître les raisons ? Ne pensez-vous pas que la tension intérieure et les derniers développements de la crise malienne commandent, à tous, un consensus national, pour enfin organiser des élections incontestées ? Ou bien envisagez-vous d’y aller sans la COD ?

– L’UPR n’a pas rejeté l’initiative du président Messaoud Ould Boulkheïr. Notre Président l’a reçu et écouté avec intérêt. Nous venons de mettre en œuvre les réformes traduisant l’accord signé à l’issue du dialogue national avec lui et ses partenaires, Cette initiative aurait pu avoir toute sa place, dans le cadre de ce dialogue, mais, enfin, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Cependant, il y a lieu de lire, attentivement, la charte de la COD, en date du 3 août, et d’observer les atermoiements, au sujet de cette initiative, pour se rendre compte que le pronostic sur son aboutissement, côté COD, est plutôt réservé.

– Ne pensez-vous pas qu’en rejetant l’initiative du président de l’Assemblée nationale, le pouvoir ne risque-t-il pas perdre un allié de poids ?

– J’ai déjà indiqué les éléments de réponse à cette question.

– Dans une interview récente, accordée à notre journal, le président de l’UFP, Mohamed Ould Maouloud, a déclaré que la COD rejette tout processus électoral unilatéral et le considère même comme une provocation et une escalade dans la crise. Qu’en pensez-vous ?

– Tout est de savoir quand un processus électoral doit être qualifié d’unilatéral. Le processus électoral actuellement en vue est le fruit d’un dialogue national que la COD a cru devoir déserter, pour des raisons incompréhensibles. L’agenda de la COD n’est pas lisible et ne procède, à tout le moins, pas de la recherche de consensus. Par ailleurs, il est urgent que les élections législatives et municipales puissent se tenir dans les plus brefs délais.

-Que répondez-vous au président du parti El Wiam, Boydiel Ould Houmeïd, l’un des signataires de l’accord politique d’octobre dernier, qui vous accuse d’être entré en campagne électorale, à travers les missions d’explications envoyées à l’intérieur du pays, à la veille de la « Rencontre avec le Peuple », à Atar ?

– Le président Boydel Ould Houmeïd, partenaire au Dialogue National, est, néanmoins, l’un des leaders de l’opposition. Je ne sais de quelles missions il s’agit. Le gouvernement – je subodore que c’est de lui qu’il a dû parler – explique, dans ses missions, le travail accompli et se met à l’écoute des attentes des citoyens. C’est son travail.
L’UPR, à l’instar de tous les partis, envoie, périodiquement, des missions de contact et de sensibilisation. Cela rentre dans le cadre de l’activité normale de tout parti. On ne peut donc parler de campagne électorale prématurée, à ce sujet.

– L’UPR n’a toujours pas installé ses structures de base, dans le département de Maghama, lors de sa campagne d’implantation, les tendances locales n’ayant pu s’entendre. Pourquoi le parti hésite-t-il à trancher entre la tendance du président du Sénat et celle de l’ancien colonel Sogho ?

– La campagne d’adhésion et d’implantation des structures, à Maghama, a été émaillée d’incidents regrettables, ayant conduit la direction du parti à ajourner, sine die, la mise en place des bureaux de section et de sous-section. Cependant, grâce à l’esprit d’ouverture et de responsabilité des leaders politiques locaux mais, aussi, à la mission effectuée par le secrétaire exécutif, monsieur Thiam Diombar, et monsieur le secrétaire fédéral, Ba Amadou Abou, les choses sont en train de rentrer dans l’ordre, à l’issue de trois réunions. Nous nous en réjouissons et espérons pouvoir mettre en place les structures dans les meilleurs délais.

– Lors de sa première implantation, l’UPR a eu du mal à donner le nombre exact de ses adhérents. On a même parlé de millions. Combien d’adhérents compte, à ce jour, votre parti ?

– C’est la question récurrente dans toutes les interviews avec les responsables de l’UPR. Vous remarquerez, avec moi, qu’elle n’est jamais posée aux autres dirigeants de parti. Qui a parlé de millions ? Sur cette question, l’UPR dispose de la meilleure base de données que vous pourrez visiter et consulter, à l’occasion. Elle fait ressortir un nombre d’adhérents supérieur à 600 000.

– La COD estiment que le président de la République, par les incursions de nos forces armées au nord du Mali porte une lourde responsabilité dans la partition de ce pays-frère. Que répondez-vous ?

– La partition du Mali est le résultat de la situation agitée du septentrion malien, sur fond de revendication identitaire ethnoculturelle. Depuis 1963, quatre rébellions ont éclaté et deux accords – Pacte national et Accord d’Alger – ont été conclus. Ces accords n’ont été respectés ni par les parties ni par la Communauté internationale. L’exode de milliers de ressortissants maliens, vers la Libye, est en partie dû à la récurrence de ces problèmes. Ce sont ceux-là mêmes qui sont revenus, après le pillage des arsenaux libyens, organisés en mouvements indépendantistes armés, décidés à prendre une revanche sur une armée malienne qui n’était pas au meilleur de sa forme.
Par deux fois, les révoltes du Nord ont été à l’origine de changement de régime à Bamako. Par ailleurs, le nord du Mali héberge, depuis 2002, des parrains d’une économie criminelle et des « katibas » de terroristes qui attaquaient, régulièrement, la Mauritanie. L’armée mauritanienne s’est limitée, dans le cadre d’accords bilatéraux et à travers quelques opérations, à poursuivre ou prévenir l’entrée de groupes terroristes sur notre territoire. Il eût été plus juste de constater que les résultats de ces actions ont été conformes à l’objectif circonscrit qui leur était assigné et qu’aucun pays du champ n’a obtenu de tels résultats. La Mauritanie est attachée à l’unité du Mali. Elle a condamné la déclaration unilatérale d’indépendance des mouvements autonomistes du Nord. Elle a également condamné le coup d’Etat.

– Pour faire face à la sécheresse et à la flambée des prix, le gouvernement a recouru, pour la seconde fois, à un programme d’urgence d’un montant de 45 milliards d’ouguiyas, ce qui, il faut le reconnaître, permet de soulager, un tant soit peu, les familles les plus démunies. Or, ces opérations « coup de poing » ne peuvent pas perdurer ; elles grèvent, lourdement, les recettes de l’Etat et ne couvrent que certains produits. A votre avis, que doit faire le gouvernement, pour résoudre, de façon durable, le problème de la hausse des prix et la détérioration du pouvoir d’achat ?

– Pour juguler l’impact de la hausse des prix et préserver le pouvoir d’achat, les mesures habituellement utilisées par les gouvernements sont universelles : baisses des droits et taxes pour les produits importés (céréales, huiles végétales, sucre et produits laitiers, en l’occurrence), subvention des prix à la vente et hausse des salaires. Ces trois types de mesures ont été pris en Mauritanie :
• Hausse des salaires minima et des pensions
• Exonérations tarifaires des produits concernés.
• 1/3 du budget de l’Etat, au titre de l’année 2012 – plus de 100 milliards y compris le programme Emel – pour subventionner les prix.
La hausse des prix des produits alimentaires (voir l’indice FAO) et des prix des produits pétroliers ont enregistré des records historiques. Pour mettre le pays à l’abri de telles crises, il faut développer la production locale et consommer mauritanien, notamment pour ce qui est des produits alimentaires. Des projets en ce sens sont en train d’être exécutés.

– Biram Ould Dah Ould Abeid a quitté, ce mardi, la prison, suite à une mise en liberté provisoire. Est-ce une mesure de clémence ou, comme le disent ses amis, le pouvoir n’avait rien à lui reprocher, depuis que le juge à décelé un « vice de procédure », dans le dossier ?

– C’est tant mieux qu’il en soit ainsi. L’affaire étant en cours d’instruction, l’intéressé pourra vous répondre en personne.

– Selon l’opposition et les associations de défense des droits de l’homme, les forces de sécurité continuent, en dépit de la signature, par la Mauritanie, de conventions interdisant la torture, à réprimer violement des manifestations pacifiques, à pratiquer la torture, comme ce fut le cas à Maghama, au début de l’enrôlement, et, plus récemment, à Ould Yengé. Les auteurs de telles exactions n’ont, à aucun moment, été sanctionnés. Que doit faire le pouvoir pour mettre fin à cette impunité ?

– Le droit de manifester est strictement réglementé ; en particulier par une loi et un décret de 1973. Les organisateurs de manifestations sont tenus au respect de ces textes dont l’objectif est d’assurer l’ordre et la quiétude publics. Dans tous les pays du monde – voyez ce qui se passe, ces jours-ci, dans les pays arabes – il arrive qu’il y ait des débordements et des ripostes qui conduisent à des incidents regrettables.

Propos recueillis par Dalay Lam

 

Source : Le Calame le 19/09/2012

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