Les chercheurs du Sahel affirment que la corruption, l’injustice et des projets de développement en échec font partie des facteurs ayant entraîné la radicalisation de la région.
Des chercheurs mauritaniens et français se sont réunis lors d’un séminaire àorganisé la semaine dernière à Nouakchott pour évoquer les ramifications de la crise au Mali et son impact sur la sécurité au Sahel.Cette conférence, qui a eu lieu le 29 août, avait été organisée par Mauritanie Perspectives, un groupe de réflexion situé à Nouakchott. Selon le président de ce groupe, Abdelaziz Ould Dahi, l’objectif principal du séminaire était de favoriser l’échange d’idées et d’expériences entre les experts africains et européens sur les sujets de l’anti-terrorisme, de la sécurité et de l’Islam radical.
Il a déclaré qu’il espérait que le centre pourrait profiter des conclusions, atteintes grâce à des recherches menées durant de longues années, aux expériences vécues par ces experts auprès des populations du nord du Mali et par leur connaissance des politiques anti-terroristes adoptées par l’Union européenne comme par les pays du champ.
Jérôme Pigné, qui prépare son doctorat sur le terrorisme au Sahel, a déclaré que l’objectif poursuivi par son groupe de chercheurs européens était « d’explorer le point de vue de la Mauritanie sur le terrorisme et les dangers que fait planer le problème malien sur la Mauritanie ».
Il a qualifié le terrorisme dans la région de dynamique, ajoutant « qu’il varie également selon l’endroit où il se développe, le terrorisme au Maghreb arabe étant différent du terrorisme appréhendé sous la forme d’un phénomène général ».
« Cela exige, pour le contrer, une coopération de tous les états, et en particulier de l’Union européenne, qui est un acteur fort au Sahel, que ce soit au niveau de la sécurité ou du développement, et c’est le cas spécialement de l’état français qui a des relations historiques avec la région », a-t-il ajouté.
« Mais on ne peut pas ignorer le grand rôle tenu par les États-Unis, qui ont commencé à se concentrer sur la stratégie sécuritaire », a-t-il expliqué.
Pour sa part, Ferdous Bouhel, qui a étudié le statut de l’Islam au cœur des populations du nord du Mali pendant trois ans, a évoqué ce qu’elle qualifie de facteurs susceptibles de favoriser la présence du terrorisme dans la région.
En résumé de ces éléments, le mécontentement causé par l’absence de l’état sur le terrain lors des dernières années du mandat de l’ancien président Toumani Touré, l’indignation extrême suscitée par le retrait des projets de développement, l’échec des efforts de développement, la corruption rampante et l’absence de justice, a-t-elle expliqué.
En résultat, a-t-elle affirmé, « les trafics sous toutes les formes ont constitué une alternative naturelle en l’absence de dévleoppement local ».
La population locale n’a également pas « accueilli favorablement les manifestations militaires qui ont accompagné les projets de développement, en raison de ce qu’elles étaient susceptibles d’apporter en termes de chantage et de corruption », a-t-elle ajouté.
« Ceci en plus de la création par l’état de milices locales pro-gouvernementales, de son encouragement de la discorde entre les tribus locales … et de son mépris de la région nord », a indiqué Bouhel.
Bouhel a conclu que l’adoption de l’Islam radical par certaines populations du nord du Mali est le résultat inévitable de l’échec de l’état.
« Pour leur part, certains ne savent pas quoi faire face à deux options : choisir la loyauté envers l’état ou la loyauté envers l’idéologie extrémiste d’Al Qaida et, parce qu’ils haïssent l’état, ils se trouvent contraints de choisir l’autre option », a-t-elle ajouté. « La question de l’identité a également été un facteur menant à l’extrémisme dans la région ».
Jemal Oumar
Source : Magharebia le 03/09/2012
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