Pêche pélagique: L’arrêté qui fâche

(Bateau de pêche espagnol. Crédit photo : anonyme)

Pour être en phase avec le dernier protocole d’APP (accord de partenariat de pêche) avec l’Ue, invitant à exclure toute discrimination entre partenaires, le ministre des pêches et de l’économie maritime a rendu public un arrêté imposant les mêmes restrictions aux armements de pêche pélagique, évoluant sous le régime de licences libres ou d’affrètements.

La mesure derrière laquelle les armateurs soupçonnent la continuation du bras de fer avec l’ex-délégué à la surveillance des pêches au contrôle en mer, Cheikh Ould Baya, actuel conseiller du ministre, suscite beaucoup d’inquiétudes. Non pas chez les armateurs, eux-mêmes, mais chez de milliers de marins mauritaniens embarqués sur ces navires et qui risqueraient d’être laissés en rade. Ils se demandent de quoi demain sera-t-il fait?

C’est apparemment officiel. A partir du 1er septembre 2012, tous les navires de pêche pélagique industrielle seront astreints aux mêmes conditions imposés aux navires européens. Au lieu de payer des licences ou des droits d’affrètements, l’Etat par le biais de l’arrêté du ministre des pêches et de l’économie maritime (pmem), rendu public le 28 août 2012 (voir fac-similé), procèdera dorénavant par système de quota. La redevance est fixée par l’arrêté à 320 euros la tonne de pélagique en plus de 9 euros par tonnes prélevés au profit du département des pêches. Et pour parer aux incapacités de débarquements du poisson, en raison d’insuffisance des structures d’accueil, les transbordements (transferts d’un navire à un autre) ne pourraient se faire au-delà de la N°10, dans la rade du port de Nouadhibou.

Où iront les travailleurs du pélagique?

Les menaces d’abandon des eaux mauritaniennes par les bateaux du pélagique pèsent comme une véritable épée de Damoclès suspendue sur les têtes des milliers de contrôleurs, officiers et marins embarqués…dans cette galère. Les navires pélagiques qui devraient obéir aux désidératas des derniers aménagements portés au protocole de l’APP (recul de zone de pêche) craindraient un déficit de rentabilité des outils. A Nouadhibou, port d’attache des navires, le sentiment d’inquiétude est surtout partagé par les milliers de nationaux embarqués sur une moyenne de cinquante navires lituaniens, russes, hollandais ou de Belize qui forment l’essentiel des 23 nationalités étrangères opérant dans cette pêcherie. Beaucoup d’ailleurs voient dans l’urgence de la mesure et l’absence d’un régime transitoire, comme cela est accordé à une vingtaine de bateaux de l’UE, en attendant l’adoption probable du nouveau protocole avec l’UE, la signature de l’ancien délégué à la surveillance des pêches et au contrôle en mer, Cheikh Ould Baya. «Les armateurs auraient-ils vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué?». Malgré donc son départ, les observateurs voient encore dans « les velléités » de l’ancien délégué –qui n’aurait de compte à rendre qu’au président en personne- la continuation de son bras de fer avec les principaux hommes d’affaires impliqués dans le secteur pélagique. Les mauvaises langues prétendent même que malgré son départ de la Dspcm, Cheikh Ould Baya, continuerait de télécommander la Dspcm au grand dam de son actuel locataire. Comme on peut le constater, les différends sont attisés et surtout trop personnalisés. Mais quoiqu’il en soit aujourd’hui, la situation appelle une énorme vigilance face à la grogne qui se prépare inéluctablement si les milliers de travailleurs ne sont pas recasés. Une masse salariale de près de 2,5 milliards d’ouguiyas chaque année au profit de travailleurs à bord ou restés à terre. Cette dernière catégorie constitue souvent des cas sociaux concernant de vieux pères de famille que les consignataires aident en leur procurant une source de revenus. Ajouter à cette donne, l’incapacité de la Smcp à écouler près de 10.000 tonnes de céphalopodes produits par la pêche artisanale, ces derniers mois, et vous avez les ingrédients d’une instabilité annoncée.

Un sous-secteur peu appréhendé

Le dernier rapport de l’Institut mauritanien de recherches océanographiques et des pêches, en dépit de statistiques approximatives, fait état d’évolution rapide de ce secteur. Il souligne que 2000 à 2010, les captures de petits pélagiques dans la ZEE mauritanienne ont été enregistré « un accroissement de plus de 80 % des prises dont +26 % contre +415%. Sur 1.200.000 tonnes de petits pélagiques pêchés indique ce récent rapport citant les sources de la Dspcm elle-même : « les captures des petits pélagiques ont représenté 95 % du total des prises réalisées par la pêche industrielle dans la ZEE mauritanienne en 2010 dont 16% par la flottille artisanale (mauritanienne et sénégalaise). Une forte demande nationale (farine de poisson, conserves…), sous-régionale et internationale expliquerait ce haro sur la ressource pélagique. Les auteurs du rapport estiment, dans ce cadre, que qu’une production de 25 à 30 % au minimum ne serait pas déclarée. La pêche artisanale et
Côtière (mauritanienne et sénégalaise), à elles seules, captureraient 60 % des sardinelles notamment la sardinelle ronde, objet de grandes convoitises. Le même engouement pour la sardinelle ronde se manifesterait aussi au Sénégal et au Maroc voisin. D’où la nécessité de concertation entre les pays ayant en partage de tels stocks.
La tension sociale qui prévaut à la veille de l’entrée en vigueur de cette mesure augure probablement d’un malaise qui risquerait de faire des vagues si les questions d’emplois de ces milliers de mauritaniens du pélagique ne trouvent pas réponse urgemment.
Nous y reviendrons

Jedna DEIDA
Envoyé spécial à Nouadhibou

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 02/09/2012

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