Le bloc ouest-africain a décidé d’empêcher le Mali d’obtenir des armes de pointe, suscitant d’âpres critiques de la part des autorités transitoires maliennes.
Nouveau signe de la dégradation des liens existant entre la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’état malien : certains membres du groupe ouest-africain ont intercepté des cargaisons d’armements de pointe qui s’acheminaient vers le Mali.« La Guinée-Conakry bloque actuellement 10 véhicules militaires blindés dans le port de Conakry, tandis que le Sénégal retient des équipements lourds et des boîtes de munitions, ainsi que de grosses quantités d’autres matériels militaires », a déclaré, le 10 août, Bakary Mariko, porte-parole de la junte militaire.
Cette initiative vise à empêcher l’armée malienne d’obtenir des armes de pointe qui lui permettraient de contrer les groupes terroristes qui contrôlent les zones du nord du pays depuis plusieurs mois, selon Mariko.
Il a ajouté que le gouvernement guinéen avait donné aux soldats maliens déployés pour recevoir les armements quarante huit heures pour quitter le territoire.
« Tandis que la CEDEAO œuvre avec détermination pour procéder au déploiement d’une force militaire en mesure de contrer les groupes terroristes armés dans le nord du Mali, nous constatons que certains de ses membres agissent d’une manière qui vient contredire ses intentions, en empêchant l’armée malienne de renforcer ses capacités militaires, ce qui lui permettrait de libérer son territoire des terroristes », a expliqué Mariko.
Le journal malien l’Indépendant a toutefois rapporté, le jeudi 16 août, que le gouvernement guinéen avait accepté de livrer des armes au Mali ces derniers jours.
« Mais cette démarche a été considérée comme insuffisante et n’a pas satisfait les maliens, dans la mesure où la quantité d’armes qui a été remise ne comprenait pas toutes les armes qui ont été bloquées », aurait déclaré, selon le journal malien, des sources proches du dossier. « Les armes ont également fait l’objet de sélection et n’ont inclus aucune arme offensive. Cela signifie que le gouvernement de Conakry ne s’est pas montré sérieux dans cette livraison, et que tout cela reflète le désir de la CEDEAO de maintenir l’état malien sous son commandement ».
Selon Dahirou Dembélé, chef d’état-major malien, la crise croissante entre le Mali et la CEDEAO est également évidente dans le « refus de l’armée malienne de déployer des soldats de la CEDEAO dans la capitale de Bamako pour sécuriser les institutions constitutionnelles ».
« Elle a fait savoir que toute intervention régionale ne devrait avoir lieu que dans le nord du Mali, actuellement occupé par les islamistes, et que l’armée malienne est là pour sécuriser les institutions du pays », a indiqué, le 15 août, le colonel malien dans le sillage d’une réunion d’urgence entre les chefs d’état-major des pays de la CEDEAO, organisée à Bamako.
Un responsable issu du bloc ouest-africain a expliqué à RFI la motivation de ce blocus.
« L’objectif de ce blocage des cargaisons d’armes, c’est de mettre un terme aux ambitions militaires qui pourraient pousser le Premier ministre Modibo Diarra et le leader du coup d’état Sanogo à s’engager dans une aventure militaire sans avoir reçu l’approbation internationale et régionale », a-t-il expliqué.
Cet officiel africain a déclaré que l’arrivée des armes au Mali dépend de l’établissement de la stabilité politique dans le pays, par la consolidation des institutions constitutionnelles, à travers un gouvernement d’unité nationale intérimaire capable de prendre des décisions collectives.
La période transitoire, confiée aux soins du président actuel Dioncounda Traore, s’est achevée le 30 juillet. La CEDEAO l’a toutefois prolongée de dix jours supplémentaires afin de permettre au président, revenu de France où il a suivi un traitement médical, de former un gouvernement de consensus national.
« La formation d’un gouvernement d’unité nationale n’est pas une demande des Maliens seulement, mais elle émane aussi de toutes les communautés internationales et régionales », dit à Magharebia Saido Maiga, analyste et journaliste malien. « Elle sera essentielle à la résolution de crises nombreuses et permettra d’ôter des obstacles, notamment ceux qui viennent entraver les relations avec la CEDEAO et avec la communauté internationale, dans la mesure où cette dernière pourrait être convaincue par les appels de la CEDEAO réclamant un soutien à son intervention militaire attendue ».
Cette demande est partagée par de nombreux Maliens, inquiets de ce conflit prolongé.
« On attend la formation d’un gouvernement d’unité nationale depuis un long moment, afin de venger nos proches qui ont été tués par les rebelles », dit Boubey Kounaté, veuve d’un officier mort au cours d’affrontements avec les rebelles Touaregs, à Magharebia. « Sanogo nous a trompés quand il a fait ce coup d’état, et nous avons pensé que nous pouvions exiger notre vengeance. Mais le temps nous a prouvé le contraire ».
« J’appelle malgré tout la CEDEAO à fournir à notre armée les armes nécessaires pour la rendre plus forte », ajoute-t-elle.
Jemal Oumar
Source : Magharebia le 20/08/2012
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