Alternance au pouvoir : Qui, pour être calife à la place du calife?

(Crédit photo : Noor Info)

Depuis des mois la coordination de l’opposition démocratique (COD) manifeste dans la rue pour «qu’Aziz dégage». Mais qui dans l’opposition a la carrure et la légitimité pour lui succéder ? Passage en revue des potentiels candidats.

Si Mohamed Ould Abdel Aziz devait « dégager » maintenant, qui pourrait objectivement lui succéder ? La plupart des éditorialistes, même parmi les plus farouches opposants au Président, estiment que «malheureusement» les choix ne sont pas pléthoriques.

Le premier des opposants, Ahmed Ould Daddah, passe pour le personnage de bandes dessinées, Iznogoud, plus obnubilé par l’accès au pouvoir, que par son exercice lui-même. C’est pourtant lui qui a donné un blanc-seing à la «rectification» d’Aziz, persuadé que les clés du palais ocre lui seraient remis, comme le CMJD était suspecté de l’avoir «remis démocratiquement» à Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Dans une Mauritanie en quête de sang neuf, et qui veut tourner une page politique, sa candidature fait douter, du fait d’un récurent changement de veste, dans un jeu avec les militaires où la récompense serait le fauteuil suprême.

Messaoud Ould Boulkheir, ou «le vieux lion édenté»
comme se moque une partie de la rue, «injustement» arguent certains éditorialistes, est un des candidats naturels. De par sa carrière politique, mais aussi de par sa mesure dans la tentative de gestion de la crise politique à travers son initiative qui aurait pu être salutaire, mais qui, dans beaucoup d’esprits, est dépassé aujourd’hui, remplacé de plus en plus dans le conscient mauritanien par l’activiste Birame Ould Abeid, qui porte aujourd’hui le combat contre l’esclavage.

Mohamed Ould Maouloud, revenu d’une longue convalescence,
pourrait être une réponse, et un candidat naturel autant qu’indiqué pour la pondération et la mesure de son histoire politique. Mais sa santé bancale, et le peu de soutien dont bénéficie l’UFP auprès des mauritaniens, marginalisent de trop sa fiche.
«Son parti est certainement celui qui recèle le plus de cadres, d’intellectuels et de ressources humaines qui pourraient présenter des plans alternatifs, mais ils ne sont pas populaires dans le pays» estime un journaliste.

Jemil Mansour, président du parti islamiste Tawassoul,
espère tirer son épingle du jeu, en continuant à espérer un départ précipité d’Aziz, avant la fin de son mandat en 2014. «Les islamistes veulent surfer sur la vague verte du printemps arabe, qui se confirme dans tous les pays où ce printemps et des élections ont eu lieu» estime un vieux de la vieille parmi les éditorialistes. Mais leur aptitude à gouverner, et tenir des responsabilités nationales, n’a jamais été vraiment mise à l’épreuve. Une grande inconnue donc.

Bâ Mamadou Alasanne, président du PLEJ, connu pour la constance de son engagement
, est âgé aujourd’hui. L’ancien ministre de Mokhtar Ould Daddah activiste toujours, et fervent militant pour une unité nationale sur la base d’une égalité communautariste «sans faille», pourrait bien siéger à un conseil des sages et faire bénéficier de son expérience, mais le fauteuil suprême n’est plus une perspective.

Saleh Ould Hanena, actuel président tournant de la coordination de l’opposition démocratique
, tout autant que celui du parti Hatem, est un des héros de la chute de Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya. «Les cavaliers du changement ont montré les failles du système. D’autres s’y sont engouffrés » résume un directeur de publication connu de Nouakchott. Mais si on le connaît comme un officier hors-pair, son talon d’Achille réside dans le manque d’informations à propos des perspectives que son parti a, concernant les questions essentielles comme l’économie, la justice, l’égalité citoyenne, le règlement du passif humanitaire, son parti était régulièrement accusé d’être un repaire de Baathistes.

Et enfin, notre sphinx national, l’ancien chef du CMJD, Ely Ould Mohamed Vall, qui s’affiche de plus en plus durant les manifestations de la COD, et qui, s’il n’est pas exempt de tout reproche, a tout de même affiché une façon de gouverner basée sur une forte responsabilisation et délégations des compétences; ce qui supposait de s’entourer réellement des meilleurs aux places sensibles, ce qu’il avait entamé. L’optimisme avait été de rigueur un temps. En tout cas l’optimisme d’une Mauritanie plus égalitaire, et méritocratique.

Au-delà de ces leaders classiques de l’opposition politique, des têtes émergent, parfois dans les mêmes partis de ces leaders précités. Pour autant, certaines n’évoluent pas forcément dans la sphère politique.

Une femme notamment, qui a pris une certaine envergure ces deux dernières années. Kadiata Malick Diallo, une des cadres de l’UFP, pourrait faire figure, pour le futur, de sérieux outsider. «Elle parle couramment toutes les langues nationales. Elle symbolise en quelque sorte ce vers quoi devrait tendre l’homme mauritanien. Et elle a montré durant ses joutes à l’assemblée nationale, connaître les dossiers. Ce qui en soi est relativement rare dans la sphère politique.» évoque un diplomate mauritanien à la retraite.

En dehors du monde binaire de la politique mauritanienne, des Rais potentiels peuvent être dénichés dans le monde du militantisme, ou de l’activisme des droits humains. On pourrait ainsi bien avoir notre Moncef Marzouki national.

Dans ce faisceau d’idées, des personnalités peuvent susciter pêle-mêle la réflexion d’une candidature, au moins d’une concertation nationale, comme le fut Moncef Marzouki en Tunisie, opposant historique en exil de Ben Ali.

C’est le cas d’un Boubacar Ould Messaoud ou d’un Moustapha Ould Limam Chavi’i par exemples (non exhaustifs).

A côté de ces rangées de personnalités, une petite armée silencieuse de compétences et d’engagements qui n’attendent qu’un signal de l’actualité pour montrer une volonté ferme de changer le pays. C’est le rôle dévolu et attendu d’une jeunesse engagée, comme on l’a vue en Egypte ou en Tunisie, ou encore au Sénégal, mais qui en Mauritanie est encore bassement encore trop imbriquée avec la politique du ventre.

En attendant la venue de ce messie mauritanien, et jusqu’aux prochaines élections présidentielles, dans deux ans, gardons et sourions avec notre cerbère national, qui, paraît-il, aux yeux des occidentaux, est le «dernier rempart contre l’invasion terroriste».

Mamoudou Lamine Kane

Source  :  Noor Info le 29/07/2012

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page