{jcomments on}Mardi dernier, je suis allé à mon lieu d’enrôlement pour me procurer un passeport nouvelle génération. Toujours une centaine de personnes devant la porte qu’on filtre au compte-gouttes afin de ne pas encombrer l’intérieur des lieux.
Je me faufile jusqu’au portail bien gardé par trois policiers qui finissent par me laisser passer en saisissant que je ne viens pas pour m’enrôler mais pour un passeport. Mais à peine ai-je mis les pieds dans la cour que les mêmes policiers me demandent le reçu pour récupérer un passeport que je n’avais pas encore fait !
J’essaie d’expliquer que je viens pour me procurer un passeport et ne puis donc présenter un reçu avant d’avoir fait les formalités d’usage. Rien n’y fait ! « Reçu tov ! » me lance l’un,« tu n’as pas de reçu, tu sors » me dit l’autre en français. J’insiste pour qu’ils comprennent que les gens qui veulent comme moi se faire faire un passeport ne peuvent arriver avec un reçu !
Rien n’y fait ! Le ton monte de part et d’autre quand vint un policier maure, apparemment le chef de la place, de carrure respectable machallah, à qui j’ai expliqué la situation. Il m’indiqua sans délais l’endroit où aller payer les 30.000 un en question avant d’aller faire le reste des formalités.
Jamais service des passeports ne fut plus efficace. Vous arrivez à l’ouest de l’agence de médina ; là vous tendez votre fiche d’enrôlement à une charmante dame qui fait le nécessaire et vous tend un papier après versement des 30.000 un. Ensuite, vous allez à l’intérieur faire la queue devant une porte en face de celle de l’enrôlement.
Il n’y avait pas foule pour les passeports. A peine 20 minutes et me voilà assis de nouveau pour une autre photo alors que je pensais qu’ayant été enrôlé mon numéro eût suffi pour faire sortir le dossier avec la première photo prise au moment de l’enrôlement. Pas du tout, il faut refaire la photo, reprendre les empreintes, impossible donc d’envoyer quelqu’un faire le passeport à votre place…
Tout cela va très vite. Puis on vous remet le fameux reçu avec lequel vous aurez votre passeport 48h après. Pour le retirer, vous arrivez avec le reçu l’après-midi vers 17H et on reprend vos empreintes mais cette fois que de l’index. C’est ainsi que me voilà avec mon passeport tout frais.
Quant à notre ami, le fameux policier maure pas grand mais costaud. Il vint dans la pièce des passeports à un moment en me disant en hassanya« éwa tu as pu entrer » le tout en me mettant la main à l’épaule. Il ajouta quelques formules gentilles en expliquant à la charmante femme devant l’ordi que ce monsieur était bloqué à la porte par les policiers et qu’il m’a sorti d’affaire.
En bon mauritanien jadis habitué à ce genre de discours, j’ai compris qu’il était temps de faire un geste mais n’ayant pas l’habitude de l’exercice, je n’ai trop su comment lui glisser un souvenir palpable de ma reconnaissance vu qu’apparemment le voilà à insister sur le fait d’avoir fait quelque chose pour moi.
Impossible de trouver une issue pour un geste délicat vu le monde autour de nous. Comment faire ? L’appeler dans un coin du bâtiment ? Où trouver la discrétion ? Il ne s’agit pas là de corruption vu qu’il ne m’a rien demandé pour me tirer d’affaire. Il s’agit juste d’un innocent geste sans prétention pour participer au bilan de la journée d’un homme honnête.
Le temps de ces méditations pour savoir que faire entre ne rien lui donner et risquer qu’il se souvienne de moi comme un ingrat ou un avare ou faire un geste au risque hypothétique qu’il refuse, j’étais dans la voiture. Finalement, pris de remords, j’y suis retourné. J’ai pris un billet de 5000 que j’ai plié dans ma main et je suis retourné à la porte des passeports. Au moment où la porte s’est ouverte, notre ami regardait vers l’extérieur et m’ayant reconnu, il vit ma main aller vers la sienne qu’il me tendit aussitôt.
Là, au contact du papier, il comprit aussitôt qu’il s’agissait d’un billet. Cela a duré le temps de sa réponse. Il me dit les yeux dans yeux d’un ton glacial « la ! la ! wodaetac moulane »ce qui signifie « non ! non ! au revoir que Dieu te garde ». Honteux comme jamais je ne l’ai été dans ma vie, j’ai ramené ma main vers ma poche sans regarder si un œil averti avait saisi l’échange respectable d’un côté et malheureux de l’autre et j’ai pris la fuite.
En revenant récupérer mon passeport, au milieu de la colère de citoyens venus récupérer leur carte d’identité, j’ai cherché notre héros partout pour vous dire son nom. Hélas, je ne l’ai pas trouvé.
Voilà.
Vlane A.O.S.A.
Source : Chez Vlane le 16/07/2012
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