Crise politique :  » Dégage Aziz !  » contre « Reste Aziz ! « 

(Crédit : photo)

Finalement, les Mauritaniens renouent avec la situation d’avant l’initiative du président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, qui avait commencé par donner une lueur d’espoir quant à la possibilité de trouver une solution à la crise politique qui secoue le pays depuis trois ans.

L’enthousiasme du début a cédé la place à la lassitude qu’engendre toute perspective de devoir vivre un inquiétant statu quo.

Les discussions menées avec les différents pôles politiques avaient revêtu le caractère de ces fameuses  » moujamelat  » (politesse feinte) dont les mauritaniens ont le secret. Une sorte de  » oui mais…  » qui consacre le refus d’une approche qui n’est pas perçue comme à l’avantage de celui qui l’a rejette, sans savoir pourquoi, préférant rester sur une position qui a le mérite, au moins, de lui préserver ce qu’il pense être un  » acquis « .

Sur ce plan là, la Coordination de l’opposition démocratique croit, dur comme roche, avoir ébranlé les assises du pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz, en organisant, de manière régulière, des meetings et marches populaires qui ont permis à chaque fois d e battre le rappel des militants à Nouakchott. Certes, le président Aziz est toujours là, malgré les  » dégage  » que fredonnent ses détracteurs, qui ont choisi de diversifier leurs mouvements de protestation (COD, Jeunes, femmes), mais il est incontestable qu’il a pris la mesure du danger qui guette son pouvoir. Si rien n’est fait dans le sens d’une prise de décision pour approcher – rapprocher – l’opposition radicale sur une solution consensuelle qui passerait, nécessairement, par l’organisation d’élections municipales et législatives inclusives, ou, autrement, en prenant avec plus de sérieux le slogan de campagne de  » changement constructif  » qui permettrait d’asseoir, véritablement, les bases d’un développement efficient. Inutile donc pour le pouvoir de continuer à ruser, les populations ayant maintenant une idée claire de ces  » réalisations  » dont elles n’ont vu que les débuts.

Car qu’il s’agisse de la restructuration des quartiers précaires ou de la lutte contre la gabegie, en passant par la réforme de la justice, la fourniture des services de base (eau, électricité, éducation, santé, etc), les défauts structurels d’une approche propagandiste à outrance commencent à apparaître aux populations elles-mêmes.

C’est comme si le pouvoir s’apprête à appliquer la même recette qu’en 2008 et 2009, quand il s’est lancé, avec grand tapage médiatique, dans une offensive de charme destinée à couper l’herbe sous les pieds de l’opposition. Et qu’on avait commencé à parler, à juste raison, d’une sorte de  » dépossession  » des thèmes porteurs que les adversaires de l’ancien président Taya avaient toujours mis en avant pour s’en prendre à un pouvoir qui ne s’est jamais soucié des souffrances du peuple.

Pour rejouer ce coup à une COD privilégiant apparemment la confrontation à la recherche d’un compromis politique, sous forme d’une adhésion pleine et entière à l’initiative de Messaoud Ould Boulkheir, le pouvoir a besoin de moyens conséquents pour relancer la machine. Les 45 milliards du plan d’urgence  » Emel 2012  » n’ont pas permis au gouvernement de tirer profit d’une action d’éclat qui, finalement, a été surtout vue comme un acte de gabegie, comme en voyait du temps de Maawiya. Pire, la comparaison – de raison – faite par la COD avec les plans d’urgence du même type sous celui que l’on s’évertue, dans les deux camps, à présenter comme le  » dictateur  » montre que l’efficacité n’a pas été au rendez-vous avec le gouvernement du Premier ministre Moulay Ould Mohamed Laghdaf. La traçabilité des opérations de vente et de distribution des produits a été mise à rude épreuve par les relents de scandales ayant éclaté au Hodh Chargui, au Guidimakha, au Brakna et au Trarza. Un disfonctionnement qui rappelle à tous que, malgré le volontarisme d’Aziz, le Système tout entier continue encore à fonctionner comme avant et même à emprunter les voies sinueuses d’un  » tieb-tieb  » politique non dépourvu de visées électoralistes.

Cap sur les élections Il est pourtant plus qu’évident que la situation actuelle du pays n’est différente en rien de celle d’avant le dialogue entre le pouvoir et quatre partis d’opposition (APP, Al Wiam, Sawab, Hamam). Sauf que la mise en œuvre des clauses du dialogue contribuent à creuser le gouffre qui sépare ceux qui y ont participé de ceux qui ont choisi le boycott. Et la difficulté première, dans les prochains mois sera de trouver le bon angle pour concilier entre ceux qui croient travailler à la solution de la crise politique et les autres qui pensent qu’un dialogue sans eux n’est qu’une manière de prendre le large dans ce qui ressemble bien à une fuite en avant. L’objectif étant non pas de ramener  » à la raison  » une COD qui s’obstine à poursuivre un agenda construit autour de la destitution à l’irrégulière d’un président (même mal) élu mais à pousser celle-ci dans ses derniers retranchements, en l’obligeant à accepter le fait accompli (participer à des élections qu’elle n’a pas préparer, comme en juillet 2009) ou à privilégier un boycott qui serait pour elle une sorte de suicide politique.

En cela, la mise en œuvre de la partie du dialogue relative aux élections n’est plus évoquée que comme une échéance ordinaire où les nouveaux  » amis  » politiques discuteront de préalables à la tenue d’un scrutin qui doit sortir le Parlement actuel d’une situation équivoque. Car, en fait, tout tourne autour de ces municipales et législatives qui doivent redéfinir le rapport des forces entre, d’une part la Majorité et l’Opposition (celle qui a accepté de participer) et, d’autre part, entre les partis eux-mêmes. Des considérations de politiques politiciennes qui sont plus proches des intérêts des formations et des individus que de ceux des citoyens. On fait comme si la démocratie, bien ou mal menée, était une fin en soi, non un moyen pour que les populations jouissent, pleinement, des ressources de leur pays et de l’aide que la communauté internationale est en mesure de leur apporter. Personne ne semble avoir remarqué, dans ce cadre, que l’Occident, à travers la réunion périodique du G8, a eu plus d’égards pour les pays en mouvement (Egypte, Tunisie) ou susceptibles de connaître des troubles (Jordanie, Maroc) que pour d’autres comme la Mauritanie où les gouvernants sont fiers de leur  » démocratie  » et de la tranquillité qu’ils s’assurent non pas par leur action mais par le fatalisme de leurs peuples.

Majorité et Opposition doivent comprendre maintenant qu’elles jouent désormais à découvert. Le peuple souverain en Tunisie, en Egypte et en Libye n’a certes pas encore fait des émules en Mauritanie mais l’on sait, au moins, qu’il y a une autre voie possible (pas nécessairement la meilleure) que celle suivie depuis l’indépendance du pays par une classe politique coulée, en réalité, dans le même moule. Les hommes politiques mauritaniens ne se gênent pas d’être avec le pouvoir – ou contre lui – en fonction des circonstances et des intérêts du moment. C’est l’essence même de notre  » bolletig  » plus proche de la perfidie que de l’exercice raisonné d’une action qui s’accomplit au nom de la nation.

Sneiba Mohamed

Source :  L’Authentique le 05/07/2012

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