La plage des pêcheurs à Nouakchott, est le point de rencontre des pêcheurs artisanaux, et des revendeurs de leur manne halieutique. Reportage.
A proximité du marché des poissons de Nouakchott, des embarcations bariolées de peintures et auréolées des drapeaux mauritaniens et sénégalais. «Ce sont les drapeaux des pays dont sont originaires les pêcheurs», précise Cheikhani un armateur. Si les pêcheurs sont pour la plupart des Sénégalais, les armateurs, les propriétaires des pirogues sont tous Mauritaniens.À peine une pirogue accostée, qu’une foule accourt. Les premiers la tiennent par une longue corde alors que les autres équipés de caisses rattrapent la pirogue. À la main, celles-ci sont vite garnies, une à une, que les arrivants emportent sur leur tête. Au passage, les poissons qui tombent sont aux femmes et aux enfants.
Une file d’embarcations occupe l’horizon. «Il y a à peu près une centaine de pirogues et de barques sur cette plage», précise Modou Fall, porte-parole des pêcheurs artisanaux de Nouakchott.
«La plupart voguent et vont pêcher le temps d’une aurore» continue-t-il. Comme celles encore visibles à l’horizon. «D’autres vont encore plus loin au large, et leur travail peut durer six jours».
Cela dit, les pêcheurs ne gagnent pas grand-chose par rapport aux armateurs et aux vendeurs. Surtout les détaillants qui peuvent marchander une partie du produit.
Ablaye M’Bodji, un pêcheur touché par la position de l’Etat envers le pêcheur artisanal livre ses impressions. «Nous souffrons de la concurrence des pêcheurs sénégalais qui viennent pêcher dans nos zones avec des licences octroyées par la Mauritanie et vendre même leurs captures ici» dit-il.
«Nous faisons face à un bon nombre de problèmes : achat de pirogues à 2.500.000 UM, de moteurs 1.444.000 UM, avec un carburant à 345um le litre. Sans oublier les filets 600.0000 Um, les taxes de la mairie 3000 UM, et les taxes annuelles pour la petite pirogue à 10000 UM et pour la grande pirogue à 45000 Um» liste M’Bodj.
«Pour une marrée, il nous faut 10 bidons de 20 litres d’essence. Sans compter parfois les pannes accidentelles qui perturbent nos économies» développe Cheikhna Ali N’Diaye pêcheur aussi.
Macoumba Boye, qui pêche avec Ali N’Diaye, abonde en ce sens : «Les accidents, mais aussi ponctuellement les faibles ventes, peuvent rendre compliquées l’achat du précieux carburant» explique-t-il.
Le circuit des vendeurs
Retour du côté des étals. Les couloirs de passage sont encombrés. Des clients regardent, tâtent les produits, négocient les prix, les vendeurs accostent les passants. Tout le monde est un client potentiel. On demande les prix, les noms des poissons, on estime quelques pièces. Des clients, beaucoup de femmes, bien habillées font leur marché. “On voit parfois des cadres et de hauts responsables acheter ici surtout le week-end ” dit Fall, un vendeur.
Fatimetou, mère de famille, vendeuse de poissons à la plage et au marché de Sebkha, raconte son calvaire : « j’achète une caisse ou un seau de poissons yaboy, avec les pêcheurs mauritaniens, parfois à 4000,5000, 6000UM et d’ailleurs, il faut quelqu’un qui te connait pour avoir du bon poisson. Et je vends par tas de 2 et 3 poissons entre 40 et 60UM. Si le poisson est rare, je peux vendre le tas à 120 Um. Si la vente n’est pas importante, je paie de la glace pour congeler mon poisson pour le revendre le lendemain, au marché de poissons de Sebkha» explique-t-elle longuement.
Souleymane, marchand de poissons, évoque sa manière d’écouler sa marchandise. «Je vends la dorade et le tioco; j’achète le kilogramme de dorade entre 500 et 600 Um et je le cède entre 750 et 880UM celui du tioco, je l’achète le plus souvent à 800UM et je le prépare pur le vendre à 2200UM aux étrangères, c’est un poisson qui n’est pas aimé par beaucoup de mauritaniens» dévoile Souleymane.
La pêche artisanale qui ravitaille le marché local fait face à de nombreux problèmes qui restent encore ignorés par les autorités du pays. «Elle continue à marcher à pas de tortue» affirme Cheikhany qui détient des pirogues à la plage de Nouakchott, une usine de traitement de poissons, et un camion frigorifique.
En parallèle aux propos des pêcheurs et des vendeurs, un cadre du ministère des pêches et de l’économie maritime, nous a confié que l’Etat est entrain de faire des étudies pour revaloriser et amener des réformes au secteur de la pêche artisanale, qui selon lui rapporte beaucoup pour l’Etat.
D’ailleurs dit-il, les services du ministère des pêches, chargés de l’appui à la pêche artisanale seraient sur le point de mobiliser des financements pour ce secteur.
Ici à la plage des pêcheurs, la pêche, c’est comme une cueillette où on ne trouverait ni crustacés, ni gros poissons, de plus de 80 kilos. Pour cela, il faut aller plus loin, en haute mer. Ce sont les pêcheurs étrangers qui en ont les moyens, mais les Mauritaniens y tiennent toujours.
Aboubecrine Sidi
Source : Noor Info le 17/06/2012
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