Mauritanie /L’ONU:Paix à Nouakchott ou guerre dans l’Azawad ?

(Crédit photo : RMI)

Qu’est ce qui fait courir l’ONU ? Qu’est ce qui fait bouger le représentant du secrétaire général, en Afrique de l’Ouest, de cette institution. Pourquoi son séjour Nouakchottois ? Pour lancer un deuxième dialogue, plus inclusif, entre le pouvoir et l’opposition ? Pour d’autres raisons ?

Lesquelles. Mauritaniennes, seraient-elles, ces raisons ? Ou bien, d’autres plus importantes. Plus importantes qu’une lutte autour du pouvoir en Mauritanie ? Une crise locale, très locale qui ne s’exprime qu’à travers des armes verbales. Pacifiquement verbales. Des armes sympathiques, tellement sympathiques, qu’ils n’inquiètent ni l’Occident, ni l’Orient ! L’émissaire serait-il un messager de paix locale ? Ou celui d’une guerre au-delà du local ?
Le représentant du secrétaire général de l’ONU, Saïd Djinnit, a séjourné, pendant quarante heures, il y a quelques jours, à Nouakchott. Déjà très connu de la classe politique et l’opinion publique mauritaniennes, pour avoir été un élément clé du dispositif onusien en charge de trouver une solution pour la crise politique née du putsch de 2008, Djinnit rappelle, toujours cette époque-là. Sa rencontre avec le chef de file de l’opposition démocratique, Ahmed Ould Daddah, a amené l’espace médiatique mauritanien, pour trouver une raison facile à cette visite onusienne, à songer, d’abord, à la crise socio-politique actuelle, faisant rage depuis entre la Coordination de l’Opposition Démocratique et Mohamed Ould Abdel Aziz.
C’est une médiation. C’est Dakar. Et, ses accords, dit-on. Et, puis arrive cette déclaration de Boidiel Ould Hoummeid, patron du parti d’El Wiam, qui, dans la foulée, rappelle, pour la première fois, lui, l’opposant participationniste, qui était peu enclin à un re-dialogue, à la nécessité d’ouvrir un dialogue inclusif où toutes les parties seraient impliquées. Un autre élément qui renvoie au même registre de médiation dans la crise interne.
Djinnit a, d’abord, rencontré, en premier, l’ambassadeur de France, à Nouakchott. Ensuite, il a fait le tour de tous les acteurs politiques, ou presque, opposition, ses deux tendances, et la majorité. Ce dernier périple chez le monde politique mauritanien avait tendance à circonscrire l’objet de sa visite dans la sphère de la politique locale. Alors que sa rencontre avec le président de la République a décliné d’autres intérêts, d’autres soucis, d’autres préoccupations.
La déclaration qu’il a faite, à l’agence mauritanienne d’information, à la sortie de son audience présidentielle ne fait, pourtant, pas mention de la situation politique locale que d’une manière très marginale, au détour d’une dernière phrase.

Une guerre sur demande…
‘’ C’est dans le cadre de mes rencontres avec les dirigeants de la région, que je suis venu pour rencontrer le Président de la République, déclare Djinnit. ‘’ Une belle entrée en matière pour replacer le cadre, le vrai, de ce déplacement.  » J‘ai souhaité, poursuit Saïd Djinnit, recueillir les sentiments du Président de la République sur la situation de la sous-région « , et notamment son avis sur la situation au Mali ». Exit la situation politique mauritanienne. Et, toutes les rencontres antérieures avec les autres partenaires politiques mauritaniens n’étaient, visiblement, que mise en scène. ‘’ J’ai examiné avec le président de la République, précise-t-il, comment, ensemble, soutenir les efforts des pays de la sous-région et ceux de la CEDEAO, en collaboration avec l’UA et l’ONU.’’ Et d’enchaîner : ‘’ On peut tous soutenir le Mali dans ses efforts visant d’abord à asseoir une transition démocratique acceptable pour tous et ensuite donner les moyens à ce pays pour faire face aux différents défis qui se posent à lui , notamment celui de la restauration de l‘unité et de l‘intégrité territoriales et surtout celui de faire face au défi de la menace extrémiste et terroriste au nord du Mali », soulignant, au passage que ce défi « constitue aussi bien une menace pour le Mali que pour les pays de la sous-région ». L’objectif de la visite se précise, quand Djinnit dit, qu’il était venu solliciter les conseils du président de la République, et surtout, c’est bien cela qui importe à l’émissaire et à ceux qui l’ont investi d’une telle mission, entendre de la bouche de celui-ci sa disponibilité. ‘’ Un président dira-t-il qui a pris tout le temps qu‘il fallait pour donner ses sentiments sur la situation et réaffirmé sa disponibilité de soutenir les efforts collectifs visant à aider le Mali « . Soutenir les efforts collectifs. La communauté ne cherche que cela, bien entendu. La disponibilité du président d’un pays frontalier. Dont, le président a été engagé depuis son élection à combattre l’aqmi, dans ses ultimes retranchements. Une guerre préventive ou par procuration, c’est selon.
Mais, l’AQMI ne se résume plus à des camps au fond de nulle part. Elle est désormais maîtresse de la situation malienne. Elle régente et tient d’une main de fer l’Azawad, tout l’Azawad, dont les rêveurs du MLNA, soutenus aussi par bien d’autres rêveurs, chacun et son agenda, le pouvoir de Nouakchott, espérant, peut-être, voir naître un état-rempart entre lui et l’aqmi, et Paris de Sarkozy, pour bien d’autres raisons, sont réduits, aujourd’hui, à leur taille la plus réduite. Le MLNA n’était, alors, qu’un rêve. Un cauchemar s’avérera-t-il, plutôt, pour tous les pays qui ont eu à bénir sa rébellion. Il n’y a qu’une force qui vaille dans ce territoire. L’AQMI. C’est elle qui fait bouger l’ONU, l’Europe et l’Afrique, aujourd’hui.
Dans une déclaration faite aux journalistes de TV5, le journal le Monde et RFI, Mohamed Ould Abdel Aziz n’écartait pas la possibilité de s’engager, militairement, dans le cadre d’une coalition internationale, pour mener une guerre dans l’Azawad.
Ne serait-on pas en train d’œuvrer pour une collation afin de monter une opération. Tout porte à le croire, si on devait donner un sens à la déclaration faite, à l’AFP, par le président Béninois, Thomas Boni Yayi, président en exercice de l’Union Afrique, à la suite de sa rencontre avec le président français, François Hollande.
‘’Yayi s’est dit favorable à ce que l’UA africaine saisisse le Conseil de sécurité de l’ONU sur la situation au Mali et a évoqué l’envoi d’une « force africaine qui opère avec le soutien des Nations Unies ». C’est à la suite du conseil du président français, François Hollande, que Thomas Boni Yayi s’est montré prêt au renforcement de la position de l’UA par celle de l’ONU. « Nous proposons que l‘UA renforce sa position pour que le Conseil de paix et sécurité (de l‘UA) puisse saisir le Conseil de sécurité de l‘ONU » concernant la situation au Mali, a-t-il dit. Le président français avait en effet souhaité mardi que les institutions africaines saisissent « le plus tôt possible (…) le Conseil de sécurité ». Toutefois, la mission militaire serait une étape qui viendrait après le dialogue. ‘’ Un dialogue, qui dit-il, ne doit pas durer. Nous ne voulons pas d’un Afghanistan ouest-africain. La question de la stabilité n’est pas négociable. ‘’

Prêcher un convaincu
Il faut souligner que la question malienne a été jusqu’ici circonscrite dans la sphère de la CEDEAO. La solution onusienne serait, peut-être, une tentative d’élargir le cadre d’implication pour que d’autres pays voisins soient concernés, notamment l’Algérie et la Mauritanie. En tout cas Mohamed Ould Abdel Aziz, pense, il l’a dit, dans un enregistrement, en off de sa fameuse interview avec les journalistes de TV5, Le Monde et RFI, disponible sur le site d’information noorinfo.com, que seule l’armée mauritanienne saurait s’aventurer dans le désert malien. Seuls les Mauritaniens connaissent ces contrées, disait-il. Convaincre Mohamed Ould Abdel Aziz à s’engager dans une guerre équivaudrait, peut-être, bien à défoncer un porte ouverte.
On sait d’ores et déjà que plusieurs rencontres entre autorités mauritaniennes et personnalités de l’Azawad ont eu lieu. La dernière est celle avec les arabes de l’Azawad, survenue, dans la nouvelle mouqataa de Nbeykett Lahwach. L’armée mauritanienne est déjà sur le front, depuis bientôt deux années. La Mauritanie dispose, également, d’un vaste territoire à même d’accueillir bien des structures opératoires.
Et, son président a été d’abord, imposé, ou presque, par les occidentaux, l’Espagne et la France, pour sa propension guerrière. ‘’ Un va-t’en guerre disent ses détracteurs. Sous une pression socio-politique accentuée par des incertitudes liées à la sécheresse et l’atermoiement des échéances électorales, Mohamed Ould Abdel Aziz pourrait bien répondre à l’appel belliqueux de la communauté internationale. Surtout, qu’une telle posture lui permettrait de congédier les problèmes locaux et mettre l’opposition devant le fait accompli d’enjeux au-delà du local.
Il est aussi probable, pour le bon sens, pour passer une onction morale, que la communauté internationale, afin de parvenir à un consensus national autour de l’engagement mauritanien, en faveur de sa préoccupation de ‘’l’heure’’, opération au Mali, fasse privilégier, comme préalable à toute entreprise, la priorité de ramener le pouvoir et l’opposition radicale à la table des négociations. Un Dakar–bis. Remake. Pas pour engager le pays dans la voix d’une stabilité politique et une vie démocratique apaisée. Où prévaudrait un climat électoral serein. Mais, pour, peut-être, question de trouver une signification pertinente à ce qui fait bouger l’ONU, à travers son représentant dans l’Afrique de l’Ouest, engager le pays dans une opération militaire dans l’Azawad.

A.V.T

Source : RMI  07/06/2012

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