« j’ai encore appris récemment à un jeune couple français installé en Mauritanie, qui s’était marié sans contrat au consulat de France à Nouakchott, que son régime matrimonial était régi par la charia… »
Deux jeunes Belges se marient à Bruxelles en 1995 sans faire précéder leur union d’un contrat de mariage. Aussitôt après, ils s’installent à Londres. Quelques années plus tard, ils déménagent en France où ils se trouvent encore aujourd’hui, quinze après. Quelle est la loi applicable à leur régime matrimonial ?La loi belge désignera la loi anglaise, pays où le couple a établi son premier domicile après le mariage. La loi anglaise désigne, elle, la loi belge, loi nationale des époux. La loi française, enfin, distingue dans le temps en précisant que le régime matrimonial de ce couple aura d’abord été régi par la loi anglaise, loi de leur sa première résidence commune après leur l’union, puis par la loi française (depuis cinq ans) pour avoir résidé en France depuis plus de dix ans ! Cas d’école ? D’après la Commission européenne, il y aurait, au sein de l’Union, 16 millions de couples concernés par un élément d’extranéité, soit 1 couple sur 7. Deux millions de Français vivent à l’étranger (dont 50 % ont la double nationalité), 3 millions d’étrangers vivent en France.
Etudes, déplacements professionnels, retraites : les occasions ne manquent pas pour vivre dans un Etat autre que celui de sa nationalité d’origine ou pour se lier à une personne ayant une autre nationalité que la sienne. C’est ainsi que j’ai encore appris récemment à un jeune couple français installé en Mauritanie, qui s’était marié sans contrat au consulat de France à Nouakchott, que son régime matrimonial était régi par la charia…
• La nécessité d’établir un contrat
En droit français, la seule solution efficace pour parer à ces difficultés est d’établir un contrat, que ce soit avant ou pendant le mariage. Depuis l’entrée en vigueur, le 1 er septembre 1992, de la convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, les conjoints peuvent désigner, dans le contrat, la loi applicable à leur régime matrimonial. En cas d’option pour la loi française, ils peuvent choisir le régime matrimonial sous l’empire duquel ils souhaitent être mariés : régime séparatiste ou régime communautaire.
La convention de La Haye limite toutefois la liberté de choix des époux. Ils ne peuvent opter que pour les lois suivantes :
– la loi d’un Etat dont l’un d’eux a la nationalité ;
– la loi d’un Etat sur le territoire duquel l’un d’eux a sa résidence habituelle ;
– la loi du premier Etat sur le territoire duquel l’un d’eux établira sa nouvelle résidence habituelle après le mariage ;
– enfin, il est possible, pour les immeubles, de choisir la loi de l’Etat sur le territoire duquel l’immeuble se trouve. Le contrat sera alors dépecé : une loi s’appliquera de façon spécifique à cet immeuble, et une autre au reste des biens du couple.
• Un règlement européen à l’étude
Afin de pallier l’hétérogénéité des législations nationales en matière de régime matrimonial, la Commission européenne prépare un règlement unifiant les règles de droit international privé, qui devrait être définitivement adopté dans les prochains mois. Ce projet s’inspire fortement de la convention de La Haye actuellement en vigueur en France : il propose que la loi de l’Etat où les époux ont établi leur première résidence commune après le mariage régisse l’ensemble de leurs biens (le dépeçage ne sera plus permis).
Il réserve aussi aux conjoints la possibilité de désigner la loi applicable à leur régime matrimonial : celle d’un Etat dont l’un d’entre eux a la nationalité ou celle d’un Etat sur le territoire duquel l’un d’entre eux aura sa résidence habituelle.
FRANÇOIS TRÉMOSA, membre du Groupe Monassier
Source : Les Echos le 08/06/2012
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com