Offensive diplomatique de la Gambie avec la visite officielle de trois jours du président Yaya Jammeh en Mauritanie. Un déplacement important à Nouakchott pour le numéro un gambien après que les autorités de Nouakchott aient décidé d’exiger la carte de séjour aux étrangers vivant dans le pays.
Pour les observateurs c’est un premier test pour le président Ould Aziz avant de se rendre à Dakar pour expliquer in situ sa nouvelle politique d’immigration africaine sur fond de la grogne de l’opposition mauritanienne et de la crise malienne. Une rencontre des deux chefs d’Etat qui coïncide avec le renforcement du dispositif militaire à Bassikounou près de la frontière malienne après d’importantes manoeuvres militaires et la visite de travail de quatre jours du chef d’Etat major le général Ould Ghazwani en France.Cartes sur tables. La visite du président gambien en Mauritanie vient à point nommé au moment où le Sénégal a fermé à moitié ses frontières terrestres comme première réponse aux exigences de la carte de séjour par les autorités de Nouakchott. Yaya Jammeh va-t-il faire plier Ould Aziz sur sa nouvelle politique d’immigration africaine ? Tout laisse croire que la présence à Nouakchott aussi rapidement est un signal fort et qu’il entend bien faire parler la raison et non le coeur pour obtenir au moins des délais raisonnables et des frais moins onéreux pour ses ressortissants qui font partie des migrants privilégiés avec le Sénégal et le Mali par Nouakchott. Le président gambien sait qu’un défaut d’assouplissement des règles ne ferait que détériorer les relations entre les deux pays et c’est la Mauritanie qui risque d’en pâtir plus eu égard le nombre important de commerçants à Banjul. Ould Aziz devra jouer la carte de la transparence parce qu’il a d’autant plus intérêt à assainir les relations bilatérales. Entre Banjul et Nouakchott les relations sont toujours au beau fixe mais cette nouvelle donne de l’immigration africaine pourrait assombrir le ciel entre les deux capitales. Deuxième raison pour le chef de l’Etat mauritanien se montrer plus coopératif et plus réaliste envers son hôte pour ne plus penser à ce vent de fronde intérieure soufflé par l’opposition qui réclame à cor et cri son départ à défaut d’un dialogue politique réel que les salafistes du parti Tawassoul entendent exploiter en brandissant le retour de la charia dans la gouvernance politique du pays. Une mauvaise posture d’ Ould Aziz au moment où la Mauritanie est menacée dangereusement par une éventuelle fermeture des frontières terrestres au Sud avec le Sénégal et un regain de tension aux frontières à l’Est avec le Mali occupé au Nord par les forces islamiques d’Ansar Dine et ses alliés de l’AQMI et les combattants du MNLA qui viennent de fusionner pour former une république islamique de l’AZAWAD. Nouakchott qui sert de refuge aux indépendantistes touaregs est entrain de se préparer à la guerre en testant depuis quelque temps ses forces militaires à Bassikounou et à Néma. Des manoeuvres militaires qui visent à prévenir toute attaque surprise et toute infiltration des islamistes et des narco trafiquants dans le pays. C’est tout le sens de la visite du chef d’Etat major Ould Ghazwani en France pour quatre jours qui cache bien une négociation avec Paris sur un meilleur encadrement de l’armée mauritanienne et surtout un réarmement pour faire face à ce nouveau défi dans cette bande sahélo-saharienne très vaste et de plus en plus fréquentée par Al Qaïda du Maghreb Islamique en position de force grâce à un arsenal très varié acquis récemment par les rebelles venus de la Libye et probablement du Nigéria et avec le soutien du Qatar pour les envahisseurs islamistes à Gao et à Tombouctou. Ce danger permanent nécessite donc d’autres moyens sophistiqués pour la Mauritanie et une autre stratégie pour déjouer les ruses des fondamentalistes barbus qui attendent le moment propice pour en découdre avec les occidentaux qui se mêleraient de leurs affaires. Les projecteurs sont maintenant braqués sur cette nouvelle »Afghanistan » du Sahara qui pourrait embraser toute la région si l’Algérie pièce maîtresse de ce puzzle est mise à l’écart de toute médiation. Le président mauritanien doit s’y préparer et relever ces trois défis dans l’immédiat pour sauver son régime aux abois.
Bakala Kane
(Contribution reçue à Kassataya le 28/05/2012)
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