Notre démocratie va mal ! Très mal même. On s’attendait à l’enrichissement de notre expérience démocratique, mais hélas le vécu quotidien, montre que nous sommes dans une impasse politique. Pourquoi ? Pour répondre à cette question il bon de faire un retour en arrière.
Au départ, il y a eu un changement de l’ordre constitutionnel intervenu en août 2008. Ould Abdel Aziz tombeur de Sidi Ould Cheikh Abbellahi, s’installait aux commandes avec le titre de président du Haut Conseil d’Etat (HCE). La suite nous la connaissons. Ahmed Ould Daddah du RFD applaudit le putsch tandis que Messaoud Ould Boulkheïr leader de l’APP et président de l’Assemblée nationale, l’UFP de Mohamed Ould Maouloud, le PNDD (Adil) de Yahya Ould Ahmed Waghef alliés à d’autres formations politiques hostiles au coup de force militaire, créent le Front National de Défense de la Démocratie (FNDD) et le camp du HCE. Leur ambition : mener une lutte sans merci contre les auteurs du putsch en vue du rétablissement de l’ordre constitutionnel. Faut-il le souligner, ce coup d’état intervenait dans une période de tension politique aigue marquée, on s’en rappelle, par l’appel à la démission lancé au président déchu par Mohamed Abdellahi Ould Dellahi président des Partis de la convergence nationale (PCN), une coalition de 7 partis politiques mauritaniens. Pour ces partis politiques, Sidi Ould Cheikh Abdellahi se serait « révélé incapable de mettre en œuvre le programme pour lequel il a été élu ». Aussi, les Mauritaniens, soutenaient ces partis dans leur déclaration, « continuent de souffrir de misère, de marginalisation, de chômage, et des effets néfastes de la hausse des prix des denrées ». Mohamed Abdallahi Ould Dellahi accusait également le pouvoir qui était en place à l’époque d’avoir détourné les deniers publics, notamment « les fonds de solidarité destinés aux sinistrés de la ville de Tintane (suite aux inondations de septembre 2007) » et ceux « consacrés au Programme spécial d’intervention (PSI), destiné à atténuer les effets de la hausse des prix des denrées alimentaires ». Mais avant Dellahi, des raisons similaires avaient été évoquées par les 25 députés et 23 sénateurs qui avaient démissionné du Pacte national pour la démocratie et le développement (PNDD), parti au pouvoir. Les parlementaires avaient notamment affirmé leur intention de créer une autre formation politique à même d’apporter « le changement escompté ». En juillet 2008, le chef de l’Etat avait menacé de dissoudre le Parlement suite à la motion de censure déposée contre le gouvernement par 39 députés de la formation présidentielle. La plupart des députés frondeurs étaient proches à la fois de l’ancien président Maaouya Sid Ahmed Taya et de la junte militaire qui l’a renversé en 2005. Le Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) de Ely Ould Mohamed Vall avait dirigé le pays jusqu’en 2007. Deux de ses anciens membres, les généraux Ould Cheikh Mohamed Ahmed et Ould Abdel Aziz, respectivement chef d’état-major de l’armée et chef d’état-major particulier du président mauritanien, étaient accusés dêtre à l’origine du bras de fer entre les parlementaires et le pouvoir. Leur limogeage par Sidi Ould Cheikh Abdellahi venait d’être annoncé à la radio nationale. Selon le communiqué du ministre de la Communication, ces nominations ont été déclarées « sans effet » par les nouveaux maîtres de Nouakchott réunis au sein d’un « conseil d’Etat » à la tête duquel se trouve le général Mohamed Ould Abdel Aziz élu pour cinq ans.
Mais beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis les élections présidentielles à nos jours. Ould Daddah qui avait soutenu le coup d’Etat, s’est ravisé huit mois après pour changer son fusil d’épaule en reconnaissant et intégrant le FNDD. Non sans avoir mis à mal son parti déchiré par la participation ou non aux élections présidentielles du 6 juin 2009. Le leader du RFD n’en voulait pas alors que la seconde personnalité du parti défendait le contraire. Au finish, les deux hommes ont divorcé. Une bonne partie de l’aile négro-africaine a quitté le parti avec le député « frondeur ». Pourtant Ahmed Ould Daddah, après la signature des accords de Dakar, se décidera à participer aux élections présidentielles dont la date est repoussée au 18 juillet 2009. Deux candidats négro-africains, Kane Hamidou Baba et Ibrahima Moctar Sarr seront sacrifiés sur l’autel de cet accord qui repousse le scrutin présidentiel.
Quant à Messaoud Ould Boulkheïr qui filait jusque là le parfait amour avec le président du RFD au sein de Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), il a finit par quitter ses amis politiques du fait des divergences de plus en plus profondes au sujet du dialogue initié par le chef de l’Etat en direction de l’opposition. Mais ce n’est pas tout : Ahmed Ould Daddah et Messaoud Ould Boulkhheïr se sont toujours crêpé les chignons. Apparemment ils ne se supportent pas longtemps, compte tenu de la personnalité que chacun d’entre eux veut incarner. Résultat : ils sont opposés aujourd’hui. Messaoud Ould Boulkheïr est allié à un adversaire qu’il a toujours combattu. Lequel d’ailleurs n’éprouve aucune gêne à défendre le bilan du despote Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya. Position qui heurte bien des consciences négro-africaines. Ould Abdel Aziz qui a combattu tout ce beau monde en maniant la carotte et le bâton, s’est fourvoyé dans une autre politique du diviser pour régner. Or, ce qui était attendu de lui était qu’il mène des actions à même d’instaurer un climat de confiance entre les acteurs politiques mais pas de les diviser les mauritaniens. Si à terme il peut en tirer bénéfice, à plus long terme cette politique comporte beaucoup trop de risques. D’autant que la situation sécuritaire du pays est incertaine dans ce monde agité. Mieux vaut tard que jamais. Les politiques doivent se parler, c’est cela l’intérêt du peuple mauritanien. Pas autre chose !
Moussa Diop
Source : Le Quotidien de Nouakchott le 17/05/2012
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