France : Jean-Marc Ayrault, un Premier ministre à la fibre africaine

(Jean-Marc Ayrault a été nommé mardi 15 mai Premier ministre français. Crédit photo : AFP)

La France connaît le nom de son nouveau Premier ministre. Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale et maire de Nantes, remplace François Fillon à Matignon. Anti-bling-bling, timide, il est désormais le bras droit d’un François Hollande qui se veut « normal ».

Ses atouts : sa germanophilie et, peut-être, ses relations avec l’Afrique de l’Ouest.

La surprise n’est pas bien grosse tant on s’attendait à sa nomination : Jean-Marc Ayrault est le nouveau locataire de l’Hôtel de Matignon, résidence du Premier ministre français. Seul des trois favoris à ce poste à ne pas avoir affronté François Hollande, dont il était un soutien, lors de la primaire socialiste, ce natif du Maine-et-Loire était pourtant moins populaire (à l’échelle des sondages), que Martine Aubry et Manuel Valls, ses deux principaux concurrents.

Élu maire de Nantes à quatre reprises depuis 1989, député sans interruption depuis 1986, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale depuis quinze ans, l’homme, sans avoir été ministre, a beaucoup côtoyé le pouvoir. Sous François Mitterrand d’abord puis, surtout, sous Lionel Jospin, de 2002 à 2005. Il est d’ailleurs à cette époque un régulier des petits-déjeuners du mardi à Matignon où il bavarde, déjà, avec un certain Premier secrétaire du Parti socialiste, aujourd’hui devenu ce que l’on sait.

Germanophile. Et Africain ?

Plus jeune conseiller général de France à 26 ans, sa formation de professeur d’allemand a sans doute pesé dans la balance alors que le nouveau président de la République réserve, mercredi 15 mai, sa première visite officielle à l’étranger à la patrie d’Angela Merkel. Germanophile et germanophone, Jean-Marc Ayrault a pourtant d’autres atouts, africains ceux-là, dans sa manche.

En tant que maire de Nantes, il a noué de nombreuses affinités sur le continent, notamment au Bénin. Il y a rencontré en septembre 2011 le chef de l’État, Boni Yayi, et l’ancien président Nicéphore Soglo, actuel maire de Cotonou, avec lequel sa ville a signé un accord de partenariat.

Premier port négrier de l’Hexagone à l’époque de l’esclavage, Nantes s’est dotée sous son mandat du plus grand mémorial d’Europe, inauguré le 25 mars 2012. Une priorité « au travail de mémoire », expliquait Jean-Marc Ayrault à Fraternité Matin en mars 2012, qui a poussé à multiplier les jumelages notamment avec les villes de Rufisque au Sénégal, de Dschang au Cameroun mais également d’Agadir au Maroc ou de Durban en Afrique du Sud.

« L’Afrique mérite une nouvelle politique »

Parfois critiqué pour faire partie d’un trop grand nombre de cercles à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault ne dédaigne clairement pas les sujets internationaux. Comme député, il a fait partie de bon nombre de groupes d’amitié ou d’études, concernant, au côté de la Géorgie et de l’Irlande du Nord, des pays comme l’Afrique du Sud, le Sénégal, le Maroc, le Cameroun ou encore l’Algérie.

En sa fonction de président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, le nouveau Premier ministre s’est même essayé le 3 mars 2011, en plein printemps arabe, à un semblant de discours de politique étrangère appliqué à l’Afrique. Il y avait formé un certain nombre de propositions à l’adresse d’Alain Juppé, alors ministre des Affaires Étrangères. « Il revient à la France de soumettre des programmes d’aides spécifiques, destinés à stimuler la productivité agricole africaine […]. La France doit avoir le courage de proposer un moratoire des subventions européennes aux produits agricoles exportés vers l’Afrique, afin de rendre compétitives les denrées africaines », avait-il notamment déclaré avant de critiquer la politique migratoire française à l’origine d’une fuite des cerveaux dommageable au continent africain. « Une nouvelle Afrique émerge », avait-il conclu. « Elle mérite une nouvelle politique. » De belles paroles qu’il a désormais les moyens de transformer en actes.

Mathieu Olivier

Source  :  Jeune Afrique le 15/05/2012

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