Un arrêté conjoint du ministre des Finances et celui des Transports en date du 14 février 2012 fixe le montant des redevances que les transporteurs terrestres mauritaniens devront dorénavant verser à l’Autorité de régulation. Le texte, d’une incohérence absolue, fixe des montants qui de prime abord semblent fantaisistes. Pour le moment, nul ne sait où va la cagnotte.
Les transporteurs mauritaniens qui croyaient avoir définitivement vaincu un cauchemar nommé Bureau National des Transports (BNT) et son omnipotent patron d’alors, Sejad Ould Abeidna, se voient obligés aujourd’hui de reprendre les armes. Et de recommencer à zéro. La libéralisation du secteur des transports terrestres, fruit d’années de lutte et de partenariat avec l’Union européenne, qui lui avait consacré presque 90% de son 10ème FED (environ 86 Millions d’Euros), est aujourd’hui entièrement remise en cause.Un nouveau BNT, dénommé Autorité de régulation et un nouveau Séjad super glouton, le colonel Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba, ont été chaperonnés par les plus hautes autorités de l’Etat, pour faire l’arnaque sur le juteux marché du transport. Quand est-ce que d’ailleurs une Autorité de régulation se substitue-t-elle aux services du Trésor public pour percevoir des redevances publiques, sur des feuilles volantes et sans cachet ? Le plus ridicule, est qu’on découvre même des redevances à crédit, comme si l’impôt peut être subdivisé en recettes et en dettes.
D’ailleurs, les syndicats des transports ont déposé un recours auprès du Conseil constitutionnel pour attaquer l’arrêté dont il est question et dont les dispositions contredisent celles du Décret 2007/007 fixant les modalités de délivrance de l’autorisation et des licences de transport. Alors que ce décret, toujours en cours, attribue cette prérogative au Directeur général des transports terrestres, voilà qu’un arrêté l’en dispense pour l’attribuer au président de l’Autorité de régulation.
D’autre part, les taxes fixées découragent le plus vaillant des chauffeurs, car représentent des valeurs cent fois plus élevées que celles instituées en son temps par le BNT.
Les redevances
L’arrêté stipule, pour les transports de marchandises de Nouakchott vers toutes les destinations, une taxe de 2500 UM par rotation pour les camions de 5 à 10 tonnes ; 2700 UM pour les camions de 10 à 20 tonnes ; 3500 UM pour les camions de 20 à 30 tonnes. Comme indiqué, les camions de 10 et de 20 Tonnes peuvent s’aligner dans une grille comme dans l’autre.
Pour les minibus inférieurs à 5 tonnes, ils payeront 1000 UM, tandis que pour les transports de minerais, les camions de 10 à 20 tonnes versent 2700 UM ; les camions de 20 à 30 tonnes, 3500 UM et les camions supérieurs à 30 tonnes, 4.000 UM.
Ces redevances sont payées à chaque sortie et chaque entrée.
Les camions de sable, coquillage, eau potable, vidange, gasoil payent une redevance de 10.000 UM par mois et une redevance journalière de 500 UM. Au niveau du Port, la redevance est de 300 UM par tonne et par chargement.
Au temps du BNT, qu’est-ce qu’il y avait ?
Les camions de 10 tonnes payaient entre 1500 et 1000 UM par entrée ; les 20 tonnes entre 2000 et 1500 UM et les 30 tonnes et plus, entre 2000 et 3500 UM.
Les véhicules légers ne payaient que 200 UM et les bus 400 UM. Aujourd’hui, les voitures de moins de 5-6 places versent 1000 UM par voyage ; les 6-9 places 1200 UM et les véhicules de 9 à 15 places 2000 UM. Les Toyotas Pick up, les doubles cabines, les stations wagons payent 2500 UM ; les bus 16-20 places 2500 UM ; les bus 20-30 places 3000 UM ; les bus 30-52 places, 4000 UM.
Pour les véhicules de transport desservant l’étranger (Mali, Sénégal, Maroc) ils payent selon le tonnage et le nombre de places : véhicules 5-6 places 3000 UM par voyage ; véhicule 6-9 places 3600 UM ; véhicules 9-15 places 6000 UM ; Toyotas 6000 UM ; Bus, entre 7500 et 12.000 UM par voyage. Pour les transports urbains de personnes, les taxis versent 200 UM par jour ; les minibus de moins de 25 places 500 UM et les bus de plus de 25 places 1000 UM par jour.
En violation du Décret 2007/007 qui attribue la délivrance des autorisations et licences de transport au Directeur général du transport terrestre, l’Autorité de régulation par la force de l’arrêté du 14 février 2012 s’est arrogé cette prérogative et fixe des redevances pour chaque type de licence accordé. La licence P1 (véhicules de 1 à 4 personnes), 1500 UM par passager ; la licence P2 (entre 5 et 9 passagers) 1200 UM par passager ; la licence P3 (entre 10 et 15 voyageurs) 1000 UM par passager ; Licence P4 (entre 15 et 24 voyageurs) 800 UM par passager ; Licence P5 (entre 24 et 30 passagers) 600 UM par passager ; Licence P6 (plus de 30 passagers) 500 UM par passager.
Pour les véhicules de transport public ou pour compte propre de marchandises solides, la redevance est, pour la Licence MS1 de 1500 UM par tonne (voitures de 3,5 tonnes à 6 tonnes) ; la Licence MS2 -entre 6 et 10 tonnes) 1200 UM par tonne ; Licence MS3 (entre 10 et 16 tonnes) 1000 UM par tonne ; Licence MS4 (entre 16 et 20 tonnes) 800 UM par tonne ; Licence MS5 (entre 20 et 30 tonnes) 700 UM par tonne ; Licence MS6 (supérieur à 6 tonnes) 500 UM par tonne.
Pour les voitures de transport public à compte propre de marchandises liquides, les redevances vont de 1500 UM le mètre cube à 700 UM le mètre cube selon les capacités.
La destination de toutes ces redevances n’est pas encore fixée. L’arrêté se contente de promettre qu’un arrêté de répartition sera pris incessamment, sans date fixe.
Un partage du gâteau
Dans son partage du gâteau national à ses amis officiers, il fallait au président général Mohamed Ould Abdel Aziz un morceau à donner au colonel Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba. Ce dernier n’avait pas en effet eu sa part dans la distribution des prébendes qui ont profité à certains de ses anciens camarades d’armes, lesquels ont hérité qui, du juteux marché du gardiennage, qui d’une association de retraités fortement subventionnées par l’Etat. Pour le colonel Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba, ce sera donc le gros morceau du transport urbain et la cagnotte des transporteurs. Un arrêté plein de contradiction et démesurément astreignant pour les pauvres chauffeurs lui a été ainsi concocté sur mesure.
Alors que l’Union européenne et la transition de 2005 étaient parvenues à libérer le transport terrestre urbain du joug du Bureau National des Transports (BNT) et de son omnipotent patron Sejad Ould Abeidna, voilà que le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz vient jeter tout ce travail à l’eau. A la place du BNT, ce sera une Autorité de régulation, doublement plus vorace, qui s’érige sur le cadavre encore chaud de la libéralisation du secteur des transporteurs terrestre en Mauritanie. Une œuvre pour laquelle pourtant la Mauritanie et ses partenaires au développement s’étaient saignés jusqu’à la dernière goutte d’énergie. La nomination à la tête de cette structure, dont la mission a été détournée, d’un ancien officier de l’armée, réconforte la thèse d’un pouvoir militaire adjacent qui tire les ficelles du jeu dans l’ombre, et que l’opposition ne cesse de dénoncer.
Cheikh Aïdara
Source : L’Authentique le 09/05/2012
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