Mauritanie : le président de l’ IRA franchit le Rubicon

bakala_kane_rim« Profanation d’ouvrages islamiques, autodafé ou acte hystérique, blasphème à l’islam… ». C’est ainsi que l’opposition mauritanienne et toute la classe politique, la société civile, associations et syndicats de presse ont qualifié l’incinération de livres du rite malékite cette semaine à Nouakchott par le président de l’IRA Ould Abeid et arrêté au lendemain des faits par la police.

 

 

Les observateurs s’interrogent sur les motivations  de ce geste du leader haratin anti-esclavagiste qui ne justifie pas pour autant tout ce tollé général. Cet acte irréfléchi  relance au moins le débat actuel sur la poussée de l’intégrisme religieux derrière lequel se cachent les salafistes du parti islamique Tawassoul qui viennent de faire une démonstration de force avec la manifestation récente des femmes voilées dans la capitale mauritanienne demandant l’application de la charia dans le pays.

Même son de cloche chez les activistes Oulémas se réclamant d’un islamisme politique sous la houlette de Ould Dedew qui ne cache pas son anti-Azizisme. Il est clair que Ould Abeid a mal choisi son moment et la référence de ses longues années de lutte contre l’esclavage en brûlant des ouvrages religieux surtout du rite malékite adopté par la majorité des mauritaniens et musulmans du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest et bien d’autres du monde arabo-musulman.

Le président de l’IRA franchit le Rubicon parce que ces écrits représentent des croyances et des pensées fondamentales islamiques qui font du rite malékite des préceptes de foi musulmane à ne pas confondre avec le Coran auquel il fait référence comme les autres courants islamiques à savoir le Hanbalisme, le Hanafisme et le Chaféisme. Et pourtant dans le sillage des révoltes de l’IRA, Ould Abeid et ses militants ont montré maintes fois leur capacité de lutte contre l’esclavage  contre le régime de Ould Aziz et de mener plusieurs fronts à la fois en s’attaquant au racisme d’Etat dont sont victimes également les négro-mauritaniens comme en témoigne son dernier voyage à Inal en souvenirs des martyrs militaires assassinés lâchement par la soldatesque de l’ancien régime Ould Taya.

Pour les observateurs cette incinération de livres islamiques est un geste maladroit et condamnable certes parce qu’il manque de respect à des millions de croyants dans le monde et par conséquent ne peut en aucun cas prétendre combattre les droits de l’homme et du citoyen. L’acte de combat est dans les idées que véhicule tout écrit religieux ou pas. Au de-là c’est une atteinte au courant malékite et à tous ses fidèles. Mais Ould Abeid n’a pas brûlé le Coran. Il a commis une grave erreur d’appréciation et d’interprétation de l’islam. De la même manière l’IRA lui a confié une responsabilité celle d’être à la tête et de la même manière il se devait être clairvoyant et patient.

Mais son arrestation musclée par la police pourrait être interprété comme un prétexte du régime en place pour le mettre hors d’état de nuire pour de bon d’autant plus que les dissidents du mouvement l’ IRA bis créée de toute pièce par Ould Aziz n’ont pas encore donné tous les résultats escomptés.

Cet épisode de condamnation généralisée apporte de l’oxygène aux salafistes  mauritaniens  qui jouissent déjà d’une oreille attentive des populations surtout analphabètes et lettrés arabes qui voient dans cette incinération un blasphème à l’islam et Ould Abeid comme un mécréant alors qu’il n’ a exercé que son droit d’expression.

Dans cette mouvance islamique, la radicalisation d’une partie de Tawassoul est une donnée politique à ne pas minimisée parce qu’elle risque de conduire le pays à d’autres extrémismes  religieux et pourrait entraîner une scission plus grave de l’opposition mauritanienne et la renaissance d’autres idéologies nationalistes. C’est le prix à payer si le régime en place s’en mêle et continue de mettre tout sur le dos du président de l’IRA et  surtout quand il s’agit de durcir le ton pour avoir le soutien notamment des chefs religieux.

Plutôt que de s’acharner sur  le leader de la conscience haratine, les autorités de Nouakchott ont intérêt à le libérer pour qu’il s’excuse publiquement .C’est certainement une maigre consolation pour les jeunes qui ont manifesté à Nouakchott vers la présidence ou dans les régions à Atar et à Tidjikja pour demander justice et toutes les autres voix qui se sont élevées contre. Mais attention à toutes les dérives  qui pourraient entraîner d’autres conséquences et d’autres erreurs irréparables. Le feuilleton ne fait que commencer.

Bakala Kane{jcomments on}

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