Avant d’entamer ma chronique hebdomadaire (mot qui vient, comme tout le monde le sait, de dromadaire, notre camélidé national et extraordinaire…), je redemande, en passant, l’air de rien, au cas où… «Z’Avez toujours pas vu la libéralisation des ondes?». Non? Toujours rien? C’est à désespérer.
Alors passons…
Comme vous tous, j’ai donc appris que nous avons un printemps. Et moi qui croyais que nous n’avions, dans notre République dattière, que 2 saisons : la saison sèche et la saison des pluies ou hivernage.
D’aussi loin que remontent mes souvenirs, il ne me semble pas que nous ayions subi autre chose que ces 2 foutues saisons.
Tout était « carré » : pendant la saison sèche on se pelait, pendant la saison des pluies on cuisait au court bouillon. Point.
Entre les 2, des tentatives de coups d’état météorologiques : parfois la saison des pluies tentait une percée triomphale, pluies, moiteur et compagnie envoyés en commandos.
Mais ce putsch là ne durait pas bien longtemps et les nuages de pluie étaient renvoyés dans leurs casernes à coups de grands vents de sable et d’ère glaciaire. C’était de la démocratie constitutionnelle avant l’heure.
Pendant la saison sèche ma mère sortait le fourneau (l’équivalent national de la cheminée ou du radiateur) et le plantait au milieu du salon et nous tournions autour. On ressortait les couvertures du placard, pas simplement pour dormir mais aussi, parfois, pour se les enrouler autour du corps. On avait le nez qui goutte, l’oeil larmoyant, la mine congelée de ceux qui, en dessous, de 20°, parlent de Pôle Nord.
Pendant l’hivernage nous trainions nos matelas dans la cour, parfois dans la rue, les petits malins les propulsaient sur le toit, nous étouffions avec politesse, la mine abattue de ceux qui mijotent dans la marmite. Nous affrontions des périls démentiels : hordes de cafards, nuées de moustiques, multiplication miraculeuse de puces, maladies diverses et variées, suées impressionnantes…. Nous, heureux habitants de Nouakchott-plage, passions nos soirées au bord de la mer, encore heureux proprétaires que nous étions d’un littoral où ne pullulaient pas les bandes de voyous. Nous piquions les poulets du voisin, nous leur coupions la tête et nous les faisions cuire dans les dunes. Ceux qui habitaient à l’intérieur du pays subissaient la fournaise, le rotissage en règle, la combustion instantanée.
Mais c’était leur problème : z’avaient qu’à vivre au bord de la mer!
Nous enviions les stéphanois qui bénéficiaient d’un climat doux.
J’avais appris que pendant la saison sèche on bouffait ce qu’il y avait dans les stocks et que, pendant la saison des pluies, on plantait.
La vie était si simple avant!
De temps à autre, une petite sécheresse de derrière les fagôts, histoire, surement, de réguler l’accroissement trop rapide de nos populations. Quelques malheureux agriculteurs et éleveurs se suicidaient dans leurs champs. Les gouvernements s’agitaient, envoyaient des vivres, pondaient des plans d’urgence, convoquaient le raout de nos imams pour des prières pour obtenir la pluie, toute la Mauritanie s’unissait le front dans la poussière, la TVM filmait et filmait encore, les ministres affaichaient des mines longues comme un jour sans thé, nos présidents appelaient au secours la communauté internationale.
Le train train quotidien, quoi…
Et voilà que l’on nous balance une nouvelle saison : le printemps.
Et on le case où ce truc? Avant la saison sèche ou avant l’hivernage?
Il commence quand?
Il ressemble à quoi?
« Aziz dégage » semble être le nom donné à ce « printemps » squatteur et assassin des traditions.
Cela voudrait donc dire que nous avons donc les 3 saisons suivantes ? : le printemps Aziz Dégage, la saison sèche Rien du Tout, L’hivernage Rien de Rien. Hummm…. Ca sent le traitement de faveur ce truc là.
Ce « printemps » nouveau serait marqué par des manifestations. Ni pluie, ni vent de sable. Non. La caractéristique de cette saison est LE manifestant qui court, suivi de près par LE policier qui court, eux mêmes suivis de près par LE journaliste qui court. Parfois c’est dans cet ordre, parfois c’est l’inverse. Ca dépend du sens des vents.
Autre caractéristique : le vol de cailloux, de grenades lacrymogènes, le maniement artistique de la matraque, le ballet gracieux des fourgons de police, l’agitation de banderoles, l’occupation de la voie publique, les arrestations et les bastonnages en tous genres….
En ce beau et nouveau printemps tout fraîchement enrolé, point de barrières : les noirs manifestent, les blancs manifestent, les blancs et les noirs en même temps manifestent, les métis aussi…
Pareil pour les catégories sociales : les taximen, les étudiants, les chômeurs, les fonctionnaires, les militaires retraités, les rapatriés, les esclaves, les affranchis, les docteurs, les femmes, les lycéens, les collégiens, les ânes, les charrettes, les salafistes, les femmes de salafistes, les retraités tout court, les anciens président, les députés, les anciens députés, les garants de l’ordre moral, les anciens ministres, les bandits, les bloggeurs, etc…. Ce “printemps” là est aussi marqué par des « Jours de Colère », à géométrie variable. Chaque catégorie sociale décrétant son « Jour de la Colère », nous avons ainsi plusieurs jours de colère qui, parfois, se téléscopent, comme ils se téléscopent avec les forces de l’ordre. Ces dernières, apparemment, sont là pour faire respecter les traditions séculaires des Nous Z’Autres, à savoir, entrer dans la tête de tous ces printaniers shootés au renouveau de la nature, etc…., le basic : il n’y a que 2 saisons chez nous.
Alors qui des passéistes ou des novateurs/créatifs gagnera?
Allons nous assister à une nouvelle bataille des « Modernes et des Anciens »?
Le sentez vous ce printemps?
Salut.
Mariem Mint Derwich
Source : Le Calame le 25/04/2012
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