France. Présidentielle : les 5 leçons du premier tour

(Avec 28,59% des voix, François Hollande réalise le meilleur score jamais obtenu par un candidat socialiste au premier tour de la présidentielle, à l'exception de François Mitterrand en 1988. Crédit photo : Christophe ENA/AP/SIPA)

De la victoire prévisible de François Hollande au score « surprise », de Marine Le Pen : ce qu’il faut retenir du premier tour de la présidentielle 2012.

François Hollande, grand vainqueur du premier tour

Avec 28,59% des voix, François Hollande réalise le meilleur score jamais obtenu par un candidat socialiste au premier tour de la présidentielle, à l’exception de François Mitterrand en 1988. Mieux que Mitterrand en 1981 (26%), mieux que Royal en 2007 (25,9%). Les premiers sondages sur le second tour, révisés après dimanche 20 heures, lui donnent la victoire avec 52 à 54% des voix.

Rien à voir donc avec le scénario de 2007, quand Ségolène Royal obtenait 25,87% au premier tour, loin derrière Nicolas Sarkozy (31,18%). Le score de Hollande, certes inférieur aux prévisions de début de campagne qui le mettaient à 35%, est conforme aux derniers chiffres, qui le donnaient au coude à coude avec Nicolas Sarkozy.

Prenant la parole depuis sa circonscription de Tulle, le leader du PS s’est posé comme le candidat de « ceux qui veulent clore une page et en ouvrir une autre ». Il a fait un appel du pied à « la jeunesse qui attend que lui soit enfin donnée sa place », ainsi qu’aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon et d’Eva Joly, « qui ont appelé clairement et sans négociation à (me) soutenir pour le second tour ». Ensembles, pour que « l’intérêt général prenne le pas sur les privilèges ». Le second tour, référendum anti-Sarkozy ?

Marine Le Pen, la « dédiabolisation » réussie

Elle annonçait une « surprise » depuis des mois. Pari tenu. Au terme de sa première campagne, Marine Le Pen réitère un coup de tonnerre avec le score historique de 18,06%. Un record absolu. En pourcentage d’abord : son père, Jean-Marie Le Pen, avait recueilli 16,9% des voix au premier tour en 2002. Et en valeur absolue également : le fort taux de participation cette année (80,44%) interdit de justifier ce raz-de-marée du FN par une abstention élevée, comme ce fut le cas en 2002 (27% d’abstention à l’époque).

« Les militants du Front national hurlent de joie, raconte Paul Laubacher, envoyé spécial du « Nouvel Observateur » au QG de Marine Le Pen. Ils sont des centaines debout dans la salle Equinoxe, dans le 15e arrondissement de Paris. Les drapeaux bleu-blanc-rouge s’agitent ». Première réaction de Jean-Marie Le Pen, le président d’honneur du parti : « Je pense que Sarkozy est battu, c’est tout. » Ce même Nicolas Sarkozy lui avait volé la vedette en 2007, grâce à une stratégie très à droite imaginée par Patrick Buisson et Emmanuelle Mignon.

Cette fois, ça n’a pas marché. Tirant les fruits de ses efforts de « dédiabolisation » du FN, Marine Le Pen a lancé: « Les Français se sont invités à la table des élites », « la vague bleu marine fait ce soir trembler le système » ou encore « nous sommes désormais la seule véritable opposition à la gauche ».

Sans attendre, les candidats de gauche ont rendu Nicolas Sarkozy responsable de cette percée du FN. Eva Joly (EELV) la première, a dénoncé « les apprentis sorciers de l’identité nationale qui, à force de discours de haine, ont permis à Marine Le Pen de faire son meilleur score à l’élection présidentielle ». François Hollande a interprété cette victoire comme « une sanction du quinquennat de Nicolas Sarkozy et un désaveu du candidat sortant, qui a fait le jeu de l’extrême droite ».

Réagissant depuis son QG, Nicolas Sarkozy n’a, quant à lui, fait aucune allusion au score de l’extrême droite.

Nicolas Sarkozy, le quinquennat désavoué

Un président sortant devancé dès le premier tour, c’est une première dans l’histoire de la Ve République. Nicolas Sarkozy n’a recueilli que 27,09% des suffrages. Cruel retour de bâton pour un candidat qui avait atteint les 31,18% au premier tour de la présidentielle 2007, loin devant la candidate socialiste Ségolène Royal.

Au terme d’une campagne démarrée tardivement, il n’est pas parvenu à faire mentir les sondages, qui le créditaient dès le début de 24 à 27% des intentions de vote. Ni à prendre durablement le pas sur François Hollande. Qu’il se proclame « candidat de la majorité silencieuse » ou qu’il mette la barre à droite, épaulé dans cette tâche par un Claude Guéant décomplexé, il n’a pas ramené dans le giron de l’UMP les électeurs du Front national qui s’étaient laissés séduire en 2007. Une fois mais pas deux. Arrivant au second tour sans réserve de voix, il fait figure de grand perdant de ce premier tour.

Jean-Luc Mélenchon, le quatrième homme

Avec son petit 11,11%, Jean-Luc Mélenchon, parti pour être la surprise de ce premier tour, s’est révélé être la déception. A double titre. 1. Il n’a pas atteint le score escompté : a-t-il fait peur ? A-t-il pâti des appels au vote utile de François Hollande ? 2. Lui qui assurait que « la mécanique à dédiaboliser s’est grippée« , n’a finalement pas fait obstacle à l’irrésistible ascention du Front national.

Son panache a indéniablement donné du souffle à la campagne. Qu’il s’adresse à une Marine Le Pen refusant le débat sur France 2, ou qu’il aimante les foules lors de meeting emblématiques place de la Bastille à Paris, place du Capitol à Toulouse et au Prado à Marseille, Jean-Luc Mélenchon s’est fait un nom. Et a vu bondir sa popularité dans les sondages : parti de 5% des intentions de vote en novembre dernier, il pouvait atteindre, selon les derniers sondages, les 17%. La plus forte progression de la campagne. Les médias le voyaient en troisième homme. Mais pas les Français.

Au soir du premier tour, Place de la Bataille de Stalingrad à Paris, Jean-Luc Mélenchon a appelé à voter « contre Sarkozy » : « Il s’agit de retourner la table, de renverser la tendance qui maintient tous les peuples d’Europe sous le joug de l’axe Sarkozy-Merkel », a-t-il déclaré. Celui qui a donné une nouvelle vie à un Parti communiste laminé en 2007 (Marie-George Buffet avait obtenu 1,93%), doit désormais clarifier ses relations avec lui.

Présidentielle : l’élection reine

Constat plutôt rassurant pour la vitalité de la démocratie : les Français se sont fortement mobilisés dimanche 22 avril pour le premier tour de la présidentielle, avec un taux de participation de 80,44%. Ce niveau élevé vient confirmer que la présidentielle n’est pas comme les autres : c’est l’élection-reine de la Ve République, avec une participation moyenne de 81,2% à tous les scrutins présidentiels depuis l’instauration du suffrage universel à cette élection en 1965 – exception faite de 2002, avec 28,4% d’abstention.

Cette participation est en rupture avec la tendance constatée depuis 2007 : celle de scrutins largement boudés par les Français. Aux élections régionales de 2010 (premier tour), plus d’un électeur sur deux (53,6%) ne s’étaient pas rendus aux urnes. Même chose aux cantonales de 2011 (55,68% d’abstention). Le record a été enregistré aux européennes de 2009, scrutin traditionnellement le moins suivi, avec 59,37% des électeurs ayant déserté les bureaux de vote. On en est loin. Et on n’a plus d’autre argument pour justifier l’ascention du Front national que l’adhésion, pure et simple, d’une bonne partie de Français.

Morgane Bertrand, Journaliste Société Planète

Source  :  Le Nouvel Observateur le 23/04/2012

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