Nouvelles d’ailleurs: Histoires d’ondes, de liberté et d’égouttoir à spaghettis…

(Crédit photo : Nathalie Duvarry)

Je dois être la seule à me demander « Mais où sont passées les TV et radios dites libres qui ont reçu l’agrément de notre République dattière ? » ! Comme d’hab, faut que je me tape tout le boulot dès lors qu’il s’agit des grandes questions existentielles des Nous Z’Autres…

Depuis que la HAPA a distribué généreusement des licences à des médias libres, j’attendais avec impatience le moment truculent où, enfin, Radio Mauritanie et la TVM allaient passer à la trappe, balancées dans le tiroir « la Voix de son maître ».
J’avais tout préparé : la gym des doigts chargés de tourner le bouton de la radio qui me permettrait de trouver sur quelle bande FM les nouvelles radios allaient émettre, l’apprentissage par coeur du petit manuel à usage exclusif de la derwichette sur « comment rajouter des chaînes télé à votre décodeur », entraînement intensif de l’index de la main droite, THE index, celui qui appuie sur la zapette, entraînement encore plus intensif de la main gauche en vue du décapsulage millimétré de la canette de Coca, décapsulage couplé au ramassage stylé des guertés destinés à atterrir dans la bouche de tout bon télévore, nettoyage des oreilles en vue de bien entendre, scotchage de la bouche de mes enfants, etc….
Entre ma radio et moi, ce fut une belle histoire d’amour. Je l’ai choyée, chouchoutée, lustrée. J’ai tourné le bouton « recherche de stations » dans tous les sens.
N’entendant aucune « voix libre» je m’étais dis que c’était la faute des coréens du nord qui avaient fabriqué mon transistor, me disant qu’un pays qui avait emprisonné un malheureux citoyen pour crime de « pas assez de larmes versées à la mort du grand timonier », ne pouvait savoir fabriquer des radios fiables.
De guerre lasse, j’ai essayé des trucs tous plus scientifiques que les autres :
J’ai affublé ma tête de mon égouttoir à spaghettis en alu (en plastique ça ne marche pas), me suis mise un doigt dans la bouche, ai tourné dans mon minuscule truc qui a l’outrecuidance de se prendre pour un jardin, hochant du chef à la recherche des ondes magiques.
Outre le fait que mon voisin a appelé Docteur Dia, des cieux de la libéralisation des ondes aucun message n’est descendu sur votre humble servante. J’ai tout entendu : des crachouillis, des messages codés en provenance des extra terrestres, un court extrait d’une conversation entre un pilote de la Ram et la tour de contrôle, un encore plus court extrait ( à sens unique malheureusement) d’une conversation d’un navire au large de Nouakchott, les ronflements de mon toujours affolé de voisin, les stridences d’un effet larsen dû aux interférences entre mon égouttoir à salade et le surpresseur en soins palliatifs, le doux murmure de la petite voix de ma tête qui me soufflait « t’es bonne pour la camisole de force ma chérie »…
Ne capitulant pas facilement, je me suis propulsée sur le toit de chez moi, ai fait le poirier (vous savez, le truc où on a la tête en bas et les pieds en l’air), du moins un simili poirier ( c’est l’intention qui compte), ai réfléchi au fait de savoir s’il fallait me mettre l’antenne là où je pense mais abandonnant cette idée farfelue et non scientifique afin de garantir la morale du journal qui me permet de vous raconter tout ceci, toujours avec mon égouttoir à spaghetti sur la calebasse.
Et j’ai attendu, attendu, attenduuuuuuuuuuuu…la Parole de la libéralisation des ondes, telle une ermite paumée dans le désert et cherchant de l’eau.
Et…j’ai attendu longtemps.
Alors, à la guerre comme à la guerre, j’ai pris la direction de la HAPA (toujours avec mon égouttoir à pâte sur la tête). Là aussi, walou.
J’ai demandé à tous les passants qui passent et qui repassent : « Z’avez pas vu la libéralisation des ondes? ». Outre le fait que 2 ou 3 d’entre eux ont pris la tangente en criant « astaghfiroullah, astaghfiroullah! » et que 2 ou 3 autres se sont évanouis, je n’ai récolté que des regards interloqués. Une brave dame, pensant que je faisais la manche, m’a même donnée 20 UM en me demandant de prier pour le salut de son pêcheur de mari (le salut d’un mari qui ne vaudrait que 20 Um, ça me laisse perplexe mais laissons ceci de côté).
Le truc hyper sexy et mignon et poli et tout et tout qui est chargé de la bonne gestion de nos carrefours m’a poliment prié d’aller voir à Choum si les poules avaient des dents.
Mon boutiquier, affreux capitaliste de la Gibla, m’a rappelé « Bon la Derwichette, tout ça c’est bien beau, mais faudrait penser à régler ton ardoise astronomique ».
Mon taximan m’a abandonnée au bord de la route.
Mon mari a menacé de me répudier pour mise en danger de ma famille en allant poser des questions fleurant bon le terrorisme intellectuel.
Mes fils m’ont dit, pour une fois d’accord entre eux et ne tentant pas de massacrer l’autre « Mamaaaaaaaaaaaaaaaan! T’es lourde là! »
Ma chienne, Pepsi de son petit nom habituel ou « la blonde » quand elle fait preuve d’une bêtise toute canine, a refusé que je la sorte.
Mon boy a saboté les repas.
Ma famille m’a de nouveau mise à l’écart.
L’imam de la mosquée du quartier m’a menacée d’une bonne fatwa de derrière les fagots avec châtiment divin à l’appui au motif que la libéralisation des ondes, y’avait que moi pour avoir entendu ce concept et que la seule et unique radio libre digne d’être écoutée est Radio Coran.
Bref….
Je fais une dernière tentative, juste histoire de ne pas faire démériter mon égouttoir à pâtes Famo :
« Z’avez pas vu la libéralisation des ondes? »
Salut

Mariem mint DERWICH

Source  :  Le Calame le 11/04/2012

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