Les offensives et contre-offensives entre le camp de la Majorité et celui de l’Opposition (la COD) ne se comptent plus. Tous les moyens sont bons, maintenant, pour » contenir « l’adversaire pensent Ould Abdel Aziz et sa majorité, qui retrouve un semblant de vigueur et d’homogénéité, alors que du côté de la COD l’objectif clairement affiché est de faire partir le pouvoir.
Dans le contexte de crise profonde, la COD est passée à la vitesse de croisière, en organisant, pour la première fois, neuf marches de protestations contre le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz au niveau de la Capitale. Comme point d’arrivée de ces manifestations, la COD a choisi, de manière symbolique, les locaux des moughataa où ils expriment, de manière on ne peut plus claire, leur ras-le-bol d’un pouvoir qui ne veut rien entendre de son opposition.
La COD a réellement investi le terrain. Au grand dam d’une majorité présidentielle absente dans tous les compartiments du pouvoir, si l’on excepte les récentes nominations (pour le compte du parti Adil et de Sawab, une formation de » l’opposition « ), le rôle d’avant-garde joué par l’Union pour la République (UPR) qui, de par son statut privilégié de parti-Etat, arrive quand même à atténuer les attaques tous azimuts d’une opposition qui joue sa partition à partir des erreurs du pouvoir.
C’est sur cette corde que l’opposition compte jouer désormais, si l’on regarde de plus près les propos que tiennent, de temps en temps, ces différents leaders pour annoncer la couleur de leur nouvelle offensive contre le pouvoir d’Aziz.
A Tunis pour une rencontre sur le processus démocratique entamé à la suite du » printemps arabe « , le chef de file de l’opposition, Ahmed Ould Daddah, a déclaré, dans la ligne de la nouvelle stratégie de la COD, qu’Aziz doit partir parce qu’il est le dernier représentant des régimes militaires (donc dictatoriaux) dans la sous-région. Il avait saisi cette occasion pour revenir, longuement, sur l’ensemble du processus » transitoire » qui a conduit la Mauritanie du coup d’Etat du 03 août 2005 contre Taya à l’élection fortement contestée d’Aziz, le 18 juillet 2009, en passant par la période du CMJD (Comité militaire pour la justice et la démocratie), le passage tourmenté de Sidi Mohamed Ould Abdel Aziz et la » Rectification « d’Aziz, que l’ancien chef de l’Etat, le colonel Ely Ould Mohamed Vall, avait qualifié tout bonnement de » rébellion » !
La » guerre totale «
Mais le dernier avatar de cette confrontation entre le pouvoir et l’opposition est sans doute la guerre que les deux camps se livrent par » islamistes interposés « . C’est donc, maintenant, une guerre totale qui présage d’une aggravation de la crise multiforme que connait le pays depuis que la COD n’a pas voulu suivre le président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, et le président du parti Al Wiam, Boidiel Ould Houmeid, dans le dialogue qu’ils ont entamé, il y a quelques mois, avec le pouvoir du président Aziz.
Pour nombre d’observateurs, le pouvoir a une mauvaise appréciation des forces en présence. Ce qu’on appelle la CPM se réduit, en fait à la seule UPR, du fait même que les autres partis de ne donnent pratiquement aucun signe de vie. La preuve : La COD bouge depuis plusieurs semaines et au niveau de la CPM c’est le silence radio. Même quand le Raïs rencontre ses » soutiens » supposés et les somme de sonner la riposte ! C’est d’ailleurs pourquoi Aziz a été contraint, par l’offensive tous azimuts de l’opposition, de rencontrer les présidents des partis Hamam, le colonel à la retraite, Ould Lek’hal, et du parti Sawab dont le mécontentement au sein de l’opposition » participationniste » au dialogue n’était plus un secret. Une remobilisation qui doit aider le pouvoir à faire face à la contestation de la COD et à arrêter les tirs croisés, venant même d’une partie de la Majorité mécontente de voir le pouvoir n’associer à la gestion de l’Etat que l’UPR et la parentèle des officiers supérieurs de l’armée.
Le pouvoir contraint à jouer serré
Dans un tel contexte, les grèves et mouvements de revendications qui secouent le pays, ainsi que les troubles au Mali, n’arrangent pas vraiment les affaires du président Aziz.
Certes, un groupe restreint de députés, qui jouent de plus en plus le rôle de » porte-parole « attitré des élus de la Majorité présidentielle, tient à donner la réplique à l’opposition mais cela ne traduit pas, réellement, la volonté de continuer à montrer aux mauritaniens que le pouvoir a toujours le vent en poupe. La COD gagne du terrain mais aussi, » l’autre opposition « , avec les défections qui ont été enregistrées au cours de ces derniers mois et qui, tout en profitant au seul parti » Al wiam « , font également le bonheur de la COD. Parce que ces ralliements jouent surtout comme une sorte de contrepoids aux » oppositions » internes à…l’opposition ! d’un côté, le président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, avec ses alliés (Boidiel Ould Houmeid, Abdessalam Ould Horma), que les médias ont pris l’habitude de ranger sous le nom de » l’opposition participationniste « , et de l’autre côté, la COD tirée en avant aujourd’hui par le Rfd, d’Ahmed Ould Daddah, l’Ufp de Mohamed Ould Maouloud mais surtout le parti d’obédience islamiste » Tawassoul » de Jamil Ould Mansour.
Cette marginalisation des personnalités les plus en vue de la Majorité a souvent été citée par les dirigeants de la COD comme la preuve par quatre que le pouvoir est encore entre les mains de l’Armée ! C’est aussi l’argument qu’avance l’opposition pour dire que le pouvoir a échoué dans la mise en œuvre de ses projets de développement économique et social. Certes, le pouvoir a encore une bonne longueur d’avance sur ses adversaires politiques mais il n’est pas sûr qu’à l’allure où vont les choses, la donne ne risque pas de changer. Sauf s’il se reprend à temps et privilégie l’utilisation des grands moyens (de pression) dont usait et abusait le régime dictatorial de Taya. L’on verra alors revenir la politique de la carotte et du bâton qui pourra aider le pouvoir à remobiliser les troupes et faire face aux critiques qui fusent de toutes parts. Car à la remontée spectaculaire de l’opposition, s’ajoutent aussi les problèmes de survie quotidienne des populations.
La tendance à réagir à ces problèmes en tentant de remettre en cause les politiques déjà engagées, y compris par le pouvoir lui-même, ne fait que pousser les populations à douter des capacités même du gouvernement à appliquer à la lettre les engagements électoraux du président Ould Abdel Aziz. Un peu à l’image de la question épineuse de la » gazra « qui ressemble au serpent à sept têtes de la mythologie qui repoussent sans cesse. Finalement l’on se dit que le gouvernement actuel gagnerait à finir une action avant de passer à une autre. Avec le risque de laisser aux citoyens un certains goût – amer – d’inachevé.
Sneiba Mohamed.
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