TROIS QUESTIONS A… Moustapha Ould Abeiderrahmane, président du Renouveau Démocratique et député à l’Assemblée nationale

(Crédit photo : anonyme)

’C’est l’accumulation et la persistance des problèmes que nous vivons qui indiquent la dangerosité de notre situation sociale actuelle, quasi au bord de l’explosion’’.

Le Calame : On assiste à une montée vertigineuse de la violence verbale entre le pouvoir et la COD. Marche monumentale de l’opposition, à Nouakchott ; discours musclé du président Aziz, à Nouadhibou. A qui la faute ?

Moustapha Ould Abeiderrahmane : Situation politique tendue, horizons politiques pas plus assainis qu’apaisés, il y a de quoi, évidemment, crisper les esprits et entretenir le désespoir ambiant. Cependant, il convient de noter que le dialogue politique, récent, entre le pouvoir et certains partis de l’opposition a, de notre point de vue, donné des résultats appréciables même s’ils restent perfectibles. Ces résultats doivent être honnêtement mis en œuvre : une CENI réellement indépendante, composée de personnalités de caractère et de haute moralité, interdiction des listes indépendantes ; lutte contre le nomadisme politique ; investiture, par un vote, public et majoritaire, de l’Assemblée Nationale, de tout nouveau gouvernement nommé par le président de la République ; mise en pratique, au jour le jour, des nouvelles avancées constitutionnelles pour renforcer l’unité nationale, par la reconnaissance de toutes les langues nationales, mais, également, de nos différentes cultures, sources d’enrichissement de notre pays. Mais nous sommes un certains nombre de partis de la majorité à penser que tout cela est d’autant plus perfectible qu’une importante partie de l’opposition démocratique continue à se sentir exclue et que les divers pouvoirs constitutionnels restent entièrement à la discrétion du président de la République, ce qui favorise toutes les dérives de pouvoir personnel dont notre pays a souffert, depuis son indépendance. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le ton monte, dans le débat politique, notamment au Parlement, surtout que les médias publics ne contribuent pas ou si peu au renforcement de la démocratie dans notre pays.
Dans l’intérêt de la Nation et celui du régime qui détient le pouvoir, il nous semble particulièrement urgent de promouvoir un climat politique favorable, afin que les prochaines élections puissent avoir lieu de manière apaisée, dans la transparence et sur une base consensuelle, des conditions indispensables pour que leurs résultats soient acceptés par tous. Il va sans dire que tout le monde doit y mettre du sien, la plus grande responsabilité revenant, naturellement, à ceux qui disposent du pouvoir.

– A votre avis, comment peut-on apaiser le climat politique, qu’on sorte, enfin, de cet engrenage désastreux et qu’on puisse organiser des élections consensuelles et paisibles ?

– Nos partis, ci-haut mentionnés, ont décidé d’entreprendre toutes les actions opportunes en ce sens. N’étant pas particulièrement naïfs ni illusionnés, nous savons qu’une telle entreprise, dans la conjoncture actuelle de notre pays, ne peut être que de longue haleine. Au lieu de continuer à se lancer des anathèmes, peut-être conviendrait-il de cesser les surenchères et les violences verbales ; accepter, de part et d’autre, le rôle de médiation de la prochaine CENI. Du côté du pouvoir, ouvrir les médias publics, pour un débat honnête, apaisé et sans conditions.

– La situation économique et sociale du pays n’est-elle pas pour beaucoup dans cette conjoncture ?

– Au plan économique et social, la situation, sans être dramatique est, tout de même, éminemment préoccupante. Pour le secteur rural qui constitue autour de 25% du PIB, la sécheresse est passée par là, hélas, et les pouvoirs publics sont même obligés d’engager, au plus vite, un plan d’interventions, afin d’éviter la famine et le naufrage dramatique du sous secteur de l’élevage. Mais on ne peut attendre, au mieux, de ce plan d’urgence qu’un moyen de faire patienter les populations. Les récurrents échecs enregistrés, à ce jour, pour des plans similaires, ne permettent, malheureusement pas, d’être optimiste. C’est vrai qu’au plan budgétaire, il y a, incontestablement, un mieux, grâce, notamment, de meilleurs revenus miniers (fer et or) dont les prix d’exportation restent soutenus ; la pratique, devenue courante, de restreindre, voire, purement et simplement, de couper les dépenses de fonctionnement, améliore le budget d’investissement sur ressources internes mais fragilise, hélas, encore plus les ressources de l’Etat.
De ce point de vue, un moyen terme plus réfléchi, mieux étudié, moins impulsif doit être rapidement trouvé, afin de rendre pérenne les améliorations possibles de nos infrastructures et de ne pas continuer à fonder à tout va, des entreprises publiques dont on ne voit pas comment on peut en assurer la rentabilité permanente (transport aérien et transport urbain, par exemple).
Sur un autre plan, on ne peut que constater l’extension du chômage, surtout des jeunes sortis des écoles ; l’envolée des prix de produits de large consommation, en particulier le prix de l’énergie qui entraîne tous les autres ; l’insécurité persistante, sous-tendue par le terrorisme, maintenant aggravée par les tensions politiques et les conflits armés à nos frontières ; les graves blessures, peu ou prou soignées, du passif humanitaire, contre les Négro-mauritaniens et les pratiques, persistantes, de l’esclavage abject… C’est l’accumulation et la persistance de tous ces problèmes qui indiquent la dangerosité de notre situation sociale actuelle, quasi au bord de l’explosion.

Propos recueillis par Dalay Lam

Source  :  Le Calame le 22/03/2012

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