Après le tapage médiatique à grands renforts du gouvernement dans les organes de presse officiels autour du programme Emel 2012 qui ambitionnait d’abréger les souffrances des populations éprouvées par les effets de la sécheresse qui sévit dans notre pays suite au grave déficit pluviométrique enregistré au courant de l’hivernage 2011, les éleveurs de la région du Brakna ont vite fait de déchanter dès les premières heures du début de l’exécution de l’opération.
La Wilaya du Brakna qui concentre une grande partie du cheptel transhumant des régions du Trarza et du Tagant a reçu une dotation de 2100 tonnes en vivres de soudure (blé essentiellement).Cette quantité de vivres destinés au bétail (petits et grands ruminants) est repartie entre les cinq départements ainsi qu’il suit : Aleg (600 tonnes), Maghta Lahjar (700 tonnes), Boghé (300 tonnes), Bababé (300 tonnes) et M’Bagne (200 tonnes). Il faut rappeler pour ceux qui ne le savent pas, la région du Brakna est une zone agropastorale de haute transhumance pour ses pâturages abondants et riches en éléments nutritifs pour les animaux. Un autre facteur d’attraction du cheptel, c’est l’existence d’une unité de collecte de lait appartenant à la société TIVISKI. Ainsi, pour bénéficier de cette dotation de vivres, au demeurant très faible, les éleveurs doivent faire un véritable parcours du combattant. Alors, le pasteur qui ne veut pas être laissé en rade, est obligé d’aller faire la queue devant les bureaux de l’Inspection Départemental du MDR dans l’une des Moughata’a respectives pour s’enregistrer d’abord sur une liste qui sera ensuite transmise au préfet pour valider la liste tout en fixant le quota qui sera accordé à chaque éleveur selon le nombre de têtes déclarée auprès de l’inspecteur. La liste retenue par les autorités est finalement déposée à la perception départementale où chaque bénéficiaire devra s’acquitter du montant dû avant d’aller muni de sa quittance pour décharger les vivres auprès du magasinier du CSA. Les services départementaux du MDR sont devenus de véritables centres d’enrôlement bis avec des bousculades monstres d’éleveurs, de commerçants, de marchands, de chômeurs, de samsars, de gérants de moulins à grains, de taximen, d’instituteurs, de profs grévistes, de courtiers et autres qui se disputent de la place pour se faire inscrire sur les listes Emel 2012, volet soudure pastorale, ne sais-je comment l’appeler en fin de compte. Certains éleveurs sont traînés des jours durant devant les services du MDR avant d’être inscrits sur les listes. Et avant d’obtenir la maigre quantité Hach (vivres de soudure pour animaux), le demandeur devra arder son mal en patience. Des bousculades aussi monstres sont encore observées devant les préfectures. Les premiers éleveurs ou soit disant l’être ont été plus ou moins bien ou mal servi selon le bras long comme on le dit dans le jargon populaire des Mauritaniens ou l’influence dont on dispose auprès de l’autorités administrative locale. Dia Amadou est un jeune éleveur du village de Sarandoou Diadiabé (Moughata’a de Boghé) qui dispose de 180 têtes de bovins mais il n’a reçu selon lui que 8 sacs de blé qui lui ont coûté la somme de 28.000 Um versée au trésor public. Quant à Cheîkh Soumbounou, un éleveur et directeur d’école qui élève 6 têtes de bovins et 23 têtes de caprins, a pu décrocher seulement 2 sacs de blé pour un montant de 7000 Um nous t-il dit. Quant à Békaye, un autre éleveur habitant la localité de Tadioukel dans la Moughata’a de Bababé, c’est la même situation qui prévaut dans ce département. Békaye s’étonne qu’il y’ait autant de désordre dans l’exécution de cette opération. L’ex économe et éleveur également estime que les autorités régionales auraient du associer les organisations pastorales opérantes dans la Wilaya comme l’Association des Producteurs de Lait et de Vinade (ALPV) ou l’Association des professionnels de l’Elevage (APE) et qui par ailleurs sont très actives. Il clame sa surprise de voir la part la plus importante revenir à de gros bras dont certains ont réussi à arracher des bons de 30 tonnes auprès de certaines autorités pendant que d’autres éleveurs locaux peinent à décrocher l’équivalent du tiers. Selon Békaye, les éleveurs de Tadioukel eux, se sont organisés pour louer les prestations d’un camion à 80.000 Um pour leur transporter leurs dotations de la capitale départementale (Bababé) vers leur localité. Beaucoup d’éleveurs munis de leurs bons de commande attendent encore en vain la livraison des quantités de vivres demandées. Tandisque d’autres éleveurs en majorité des femmes rencontrés à la préfecture de Boghé s’étonnent et protestent contre l’élimination de leurs noms sur la première liste du mois de février. Elle ont envahi en fin de journée du 12 février 2012, les bureau du Hakem pour faire entendre leurs voix. Maîmouna Adama Bâ (M’Bone Dièri), Mariata Alassane Samba B (Beli Ourdi situé à 18 kilomètres de Boghé), Dieynaba Demba Ball (Thidé), Habi Abdoulaye (Thidé), Astel Diallo (Boghé Dow), Marième Oumar, Alassane Moussa entre autres crient au scandale et exige des clarifications au préfet. Ce dernier signifie aux contestataires qu’il n’est en aucune manière possible d’effacer un nom déjà inscrit sur une liste officiellement paraphé par l’autorité administrative. Parmi ces éleveurs, certains viennent de contrées lointaines et dépensent beaucoup d’argent dans d’interminables allers et retours dans l’espoir d’accéder vainement aux produits alimentaires du programme Emel 2012. Le Hakem a promis que les sacs de blé seront vendus bientôt les boutiques témoins pour se rapprocher des citoyens. Par ailleurs, le Hakem s’est inscrit e faux contre certaines allégations tendant à faire croire selon lui que l’exécution de l’opération Emel 2012 se déroule dans l’opacité. Jusque là ajouté t-il, 165 tonnes ont été distribués à 547 personnes dans les quatre communes de sa circonscription administrative. La quantité la plus élevée distribuée lors de cette première phase n’excède pas 15 tonnes a déclaré le préfet. La deuxième tranche, celle du mois de février ou Mars (pas de précision encore) en cours de distribution. A cet effet, une nouvelle directive autorise la commission à délivrer 4 à 6 tonnes par personne. Les autorités administratives débordées par cette situation et qui font l’objet de beaucoup de pressions exercées sur elles par des ministres du gouvernement ou des conseillers à la présidence n’ont pas d’autres choix parfois que de se plier aux sollicitations de leurs hiérarques ou jouer sur le dilatoire pour distraire les plus naïfs alors que les stocks existants sont épuisés dès les premières heures de livraison a affirmé une source bien informée qui a préféré garder l’anonymat. Certaines autorités ne jouent pas à la transparence s’écrient nombre d’éleveurs que nous avons interrogés. Il n’est pas rare de retrouver le nom de certaines personnes sur plusieurs listes issues de communes différentes a déclaré Peinda qui n’élève elle que quatre petits ruminants. Les critères retenus pour effectuer le partage de la dotation en vivres de la région du Brakna repose sur la quantité de pluies enregistrée dans chaque département au cours de l’hivernage 2010. Quoique pertinente, cette clé de répartition est battu en brèche par certaines voix qui estiment que donner 700 tonnes à Aleg parceque la quantité de pluie tombée là bas est insignifiante revient tout simplement à considérer que le cheptel dans cet endroit a migré vers les zones de concentration des pâturages (Boghé, Bababé ou M’Bagne) où la pluviométrie enregistrée est relativement bonne. La vérité sur le fameux plan Emel 2012 est entrain d’éclater au grand jour. Les quantités disponibles dans les magasins sont largement inférieures à la demande. Autrement dit, la demande est de très loin supérieure à l’offre. Les éleveurs doivent prendre leur mal en patience et se rendre à l’évidence que l’Etat n’a pas les moyens aujourd’hui de les aider à faire face à la sécheresse qui commence à affecter le cheptel qui montre déjà des signes de fatigues dans de nombreux endroits du pays. Ceux qui ont opté pour la transhumance vers les pays limitrophes semblent avoir compris très tôt qu’il s’agissait de la meilleure solution plutôt que de compter sur un Etat qui a habitué le peuple à des promesses à la place des réalisations concrètes.
Thièrno Souleymane Cp Brakna
Source : Le Quotidien de Nouakchott le 14/03/2012
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