A contre vent des pyromanes

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Après avoir sillonné toutes les zones du pays, les responsables des partis d’opposition ont décidé de décréter un mot d’ordre de manifester, lundi prochain. L’objectif clairement déclaré pour cette action est de dénoncer la situation que traverse le pays et clamer, encore une fois, l’incapacité du régime de le gouverner convenablement.

Cette marche qui semble déjà être à l’ordre du jour dans toutes les discussions de salon, prévoit d’être un véritable baromètre pour la popularité de l’opposition. Elle sera, surtout, l’occasion de revoir, ensemble et côte à côte, au moins trois colonels qui ont marqué, chacun à sa manière, l’histoire de la Mauritanie. Membres des juntes rompues aux coups d’Etat et dans l’art d’humer la conspiration, les nouveaux glaives ne sont pas des officiers de pacotille ou du canapé. Leur présence au sein des forces armées et de sécurité a laissé des traces indélébiles que l’histoire ne pourra pas effacer facilement.

L’un, Ould Lekhal, est un héro de la guerre du Sahara. Sous son commandement, se sont battus, pour la patrie, de vaillants jeunes soldats qu’il a guidés sur les voies de la bravoure et de l’honneur. Les hommes de sa troupe en sont aujourd’hui fiers et ne ratent aucune occasion pour s’en réclamer.

Le second, le Colonel Ould Boubakar est réputé être l’un des plus courageux artilleurs de sa génération. Pieux, correct, poli et foncièrement patriote, ne faisant aucune distinction entre les moines de la patrie, il jouit du respect de tous ceux qui l’ont connu. Mieux, on ne lui connaît aucune grande fortune, contrairement à beaucoup d’officiers qui sont aujourd’hui la première puissance financière et économique du pays pour s’être allègrement servis de l’ordinaire des troupes, du carburant, des munitions, de l’habillement et d’autres choses encore. Et pourtant, l’homme a occupé les très juteux postes de Chef d’Etat Major et de patron du CSA. Des postes occupés au moment où partout dans le pays, le détournement des biens publics, la malversation et les combines financières étaient érigés en système de gestion.

Le troisième, le Colonel Ely Ould Mohamed Vall est un véritable gourou politique doublé d’un sécuritocrate rusé. Connu des Mauritaniens pour avoir dirigé la transition de 2005 à 2007 ayant ouvert la voie à la première transmission pacifique du pouvoir dans le pays, l’homme jouit d’une bonne image certaine à l’extérieur, comme à l’intérieur, et ceci, malgré le faible score obtenu dans la dernière parodie d’élection présidentielle.

S’ajoutent à ceux-là, d’autres non moins brillants officiers, sous-officiers et soldats dont les chemins de croix se croisent aujourd’hui dans la famille de l’opposition au régime resté pourtant à très forte connotation…militaire !

Si ces officiers de renom national et international décident de prendre leur distance par rapport à un régime qu’ils ont côtoyé, voire accompagné un moment, c’est que quelque part, quelque chose cloche. Si ces brillants officiers et vaillants soldats deviennent aujourd’hui une véritable attraction politique dans le pays, c’est que, quelque part, leur conscience de soldat est interpellée. S’ils battent le pavé pour dire non à un « garçon » qu’ils ont incorporé, formé, encadré, soutenu et promu, lui ouvrant les voies royales d’une carrière au début pas évidente qu’ils espéraient, malgré tout, peut-être sera prestigieuse au service du pays, c’est que beaucoup de mauvaises choses ont dû arriver à la Mauritanie.

Le rêve et l’espoir des « anciens » se sont donc transformés en un cauchemar dont ils sont, en partie, responsables. Soit par excès de confiance, par naïveté ou par un mauvais reflexe traditionnel imposant l’obligation de « couver le petit cousin ». Au prix de la grande menace pyromane…

Tout le monde imagine donc que le bataillon des anciens militaires engagés aujourd’hui dans l’opposition voudrait d’abord lancer un message. Tout le monde s’attend ainsi à ce qu’ils tiennent, à l’adresse de leurs benjamins, le langage de la sagesse afin qu’ils se ressaisissent avant qu’il ne soit trop tard pour eux-mêmes et pour le pays. En se désolidarisant du régime alors qu’ils sont rompus au système, leur départ est bel et bien expressif de l’état de désolation du pays. Espérons alors que du piédestal où ils se trouveront, ils inviteront leurs cadets à écouter la Mauritanie et son peuple en rompant avec la politique de l’obstination et du dos rond face au chaos qui s’annonce. Espérons aussi et surtout que ceux-ci leur prêtent une oreille attentive.

Amar Ould Béjà

Source  :  L’Authentique le 11/03/2012

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