On accorde à la réforme du code des marchés publics qui traîne souvent des casseroles l’objectif d’une plus grande transparence dans la gestion des affaires de l’Etat. Mais force est de constater que cette volonté politique est combattue par certaines administrations.
La « résistance» à l’esprit de la réforme risque de vider les textes de leur sens. Il en est ainsi du maintien de la commission des marchés à la SNDE qui, malgré la réforme, trahit un fait accompli.
Les marchés publics ont de tout temps été à l’origine de vives contestations. Le manque de sérénité est en grande partie dû au déficit de transparence dans les procédures et la passation des marchés. C’est donc fort de ce constat que l’Etat a engagé depuis 2010, dans ce domaine, l’une des reformes publiques les plus ambitieuses depuis l’indépendance. Cette réforme qui a commencé par la loi N° 2010-044 du 22/07/2010 portant code des marchés publics, s’est poursuivie successivement par le Décret N° 2011-111 du 08/05/2011,le décret N° 2011-179 du 07/07/2011/PM portant organisation et fonctionnement de la commission Nationale de contrôle des Marchés Publics, le Décret N° 2011 -180 du 07/07/2011/PM portant application de certaines dispositions de la dite loi , et s’est achevée par l’arrêté fixant les seuils de compétence et la composition des commissions de passation des marchés publics.
Dissocier entre la passation, le contrôle et la régulation !
Cette règlementation parmi les plus abouties aujourd’hui dans la sous-région et qui a été élaborée de manières participative avec l’essentiel des acteurs concernés, notamment le secteur privé et la société civile (pour la première fois associés à l’élaboration de textes aussi importants), poursuivait un triple objectif. Le premier de ces objectifs concerne l’organisation, de façon cohérente et conforme aux principes de bonne gouvernance et à l’air du temps la passation des marchés publics, mettant en place un cadre institutionnel reposant sur leprincipe de séparation des fonctions de passation, de contrôle et de régulation des marchés publics. Jusqu’à présent, sur ce registre, seule existait la fonction de passation assurée par la commission centrale des marchés et les commissions départementales ou spéciales. Les autres fonctions étaient complètement ignorées. Un second objectif visait, par ailleurs, à assurer une plus grande équité et une meilleure transparence dans la procédure en instituant pour la première fois une procédure de recours ouverte aux soumissionnaires récalcitrants. Cet objectif permet de suspendre la procédure de passation des marchés (au maximum 21 Jours) jusqu’à la décision de l’Autorité de régulation, qui a créé en son sein une commission de règlement des différends. Une belle avancée en somme car cette commission statue « au terme d’une procédure équitable et contradictoires » sur les différents litiges. Et enfin, parmi les objectifs majeurs de cette réforme, le désengorgement des marchés et l’amélioration in fine de l’absorption des financements, un des gros problèmes de la Mauritanie et qui retarde régulièrement nos programmes d’investissement publics. Dans cette dynamique nouvelle, l’arrêté précité, a institué six commissions de passation de marché compétente à partir de 10 millions d’ouguiyas pour l’essentiel, et au-delà de 50 Millions exceptionnellement pour certains établissements publics. Ces commissions sectorielles couvrent l’essentiel de l’activité économique, et exceptée la SNIM, aucune institution publique n’y échappe, pas même l’Armée ou la Banque Centrale qui ont toujours bénéficié de mesures dérogatoires.
La mise en œuvre de cette réglementation a commencé par le recrutement en fin d’année 2011 des différents présidents et membres des commissions qui auront à travailler exclusivement et de manièrepermanente sur les procédures de passation. L’entrée en vigueur de cette réglementation fixée une première fois au 1er janvier 2012, avait été repoussée par le Ministre des affaires économiques et du développement, Sidi Ould Tah, au 1er Février 2012. L’initiative prise par le MAED, en dépit de la volonté politique, aurait provoqué le courroux du président de la République au cours d’un récent conseil des Ministre début janvier. Le président Ould Abdel Aziz aurait, en effet, enjoint au MAED un deadline impératif pour l’entrée en vigueur de cette réglementation, délai fixé au 1er janvier 2012. Une circulaire d’information fut, du reste, adressée à tous les Ministères et institutions concernées au début du Mois de Février, les informant de l’entrée en vigueur de la réglementation.
La SNDE, au-dessus des lois ?
Mais voilà tel le « village gaulois d’Astérix », une institution publique a décidé de « résister » et de fouler au pied cette réglementation en continuant pour des raisons certainement obscures à réunir son ancienne commission en dépit de tout ce qui vient d’être dit : il s’agit de la SNDE. Le 12 février 2012 la Commission des Marchés de la SNDE s’est réunie, en effet, dans la précipitation et en catimini afin d’approuver deux rapports d’évaluation technique de l’important projet d’alimentation en Eau Potable de Nouakchott. Il s’agit du rapport d’évaluation sur les entreprises pour la réalisation du Lot 5 financé par le Fonds saoudien, et le rapport d’évaluation technique pour le recrutement de l’ingénieur Conseil des Lots 3, 4 et 6 financés respectivement par le Fonds Koweitien et la banque islamique (BID). Cette dernière évaluation été faite dans la hâte afin de mettre en pole position le bureau d’études STUDI associé au tristement célèbre LAHMAYER, bureau qui rappelons-le a été black listé par la Banque Mondiale en 2008 jusqu’en 2013 pour corruption en Afrique du SUD (voir www.Worldbank.org), et qui est à l’origine du Fiasco de la centrale électrique de Nouadhibou (fiasco toujours en cours) sur lequel sous sommes revenus à plusieurs reprises. Ce Groupement spécialisé dans la corruption à outrance a toujours bénéficié depuis près de 18 ans du soutien actif de la SNDE (et de l’ex Sonelec).
Cette commission s’est réunie donc en dépit des instructions du Gouvernement Mauritanien quant à la mise en œuvre de cette réglementation des marchés publics et des différentes relances que la SNDE reçues à ce titre. Elle s’est réunie sachant pertinemment qu’à partir de l’entrée en vigueur de la réglementation seule la commission « secteurs des services de base et industries extractive » est compétente pour les Ministères de l’Hydrauliques et de l’assainissement – Le ministère du Pétrole, de l’énergie et des Mines- les EPAs et EPICs, société et agence rattachés à tous ces départements.
Les Procès-verbaux et rapports d’évaluation de cette fameuse réunion de la commission des marchés de la SNDE du 12 février 2012 ont été aussitôt transmis dans le plus grand secret et l’extrême précipitation aux Bailleurs de Fonds (BID , Fonds Koweitien ,Fonds Saoudien) pour validation.
L’objectif étant bien évidement d’obtenir une non objection des bailleurs de fonds et de l’imposer comme fait accompli à la nouvelle commission des marchés et ce dans une des procédures de passation des marchés les plus importantes pour les deux prochaines années (AEP de Nouakchott).
Circulez, il n’y a rien à voir
Le cas de la SNDE dénote d’une volonté récurrente de certaines institutions à vouloir systématiquement bloquer, ou saborder toutes les reformes entreprises en perpétuant les pratiques du passé et ce sans aucun égard ni pour président de la république, qui serait l’instigateur de cette réforme, ni pour le Parlement, qui a voté la loi, encore moins pour le premier ministre dont le gouvernement exécute de tels programmes. Pourtant cette réforme englobe tous les Ministères et institutions publics même ceux bénéficiant habituellement de procédures dérogatoires (Armée, BCM). Elle a été adoptée comme une Loi lui conféré toute la solennité liée à l’onction législative. Elle reste également suivie particulièrement par le Président de la république qui en fait une des reformes phare de son quinquennat. Malgré tout cela, la réforme se trouve ainsi superbement ignorée par une entreprise publique dont le moins que l’on puisse attendre est qu’elle applique les lois de la République. Une avalanche de questions se bousculent dans cette affaire. Comment en effet la SNDE a-t-elle pu se permettre de s’assoir sur la loi N°2010 du 22 /07/2010, portant code des marchés publics ; sur le décret d’application N° 2011-180 du 07/07/2011 ; sur l’arrêté fixant le seuil de compétence et les commissions des marchés publics, sur la circulaire du premier Ministre et plus grave encore sur la volonté d’assainir du président de la République ; une quête d’assainissement de la gestion des affaires de l’Etat, exprimée régulièrement et encore récemment encore en janvier dernier. Comment la SNDE et par quelle légèreté s’est-elle permis de transmettre des procès-verbaux et rapport d’évaluation illégaux , adoptés par une instance qui n’existe plus, à des bailleurs aussi importants et aussi sérieux que le Fonds Koweitien et la Banque Islamique de développement?
Il est pourtant clair que l’article 7 de la Loi portant code des marchés publics précise nettement que « Les marchés publics conclus par une personne non habilitée à cet effet sont nuls et de nullité absolue ». La commission de la SNDE étant inexistante, les décisions prises par elles sont tout aussi frappées d’inexistence et donc de nullité absolue.
La commission de la SNDE qui a adopté les rapports d’évaluation précités est inexistante car elle a été de jure dissoute le 1er février 2012 à l’instar de toutes les autres commissions. La commission centrale des marchés (la plus importante instance en Mauritanie dans l’ancienne réglementation) ne s’y est pas trompée, elle au moins, car elle a cessé toute activité le 1 er février et à transmis tous ses dossiers en cours dont certains extrêmement importants qui étaient en cours d’évaluation aux commissions concernées.
Nous sommes curieux de savoir la suite de cette procédure. Au retour du Bailleurs de Fonds la SNDE va-t-elle continuer son coup de force en réunissant sa commission inexistante ou va-t-elle transmettre le dossier à la nouvelle commission compétente qui risque de se poser fatalement la question du comment une commission dissoute en début février a-t-elle pu se réunir et envoyer ses résultats illégaux au bailleurs de fonds ? Comment faire face à cette embrouille certaine? Quid des contentieux qui risquent de naitre si d’aventure un soumissionnaire se résout, ce qui arrivera sans doute, à déposer plainte ? Enfin et pour en finir une seule question nous vient à l’esprit, comment peut-on continuer, à ce point, à instituer la pagaille en mode gestion ? L’Impunité, encore de l’impunité et toujours l’impunité ………Eternellement ?!
M.D
Ainsi parlait Sidi Ould Tah
Le ministre des affaires économiques et du développement, M. Sidi Ould Tah a supervisé mercredi la cérémonie du lancement effectif du nouveau système des marchés publics en Mauritanie.
Le ministre a indiqué dans une allocution prononcée à cette occasion que la mise en place de ce nouveau système des marchés publics s’inscrit dans le cadre du souci des autorités suprêmes à doter le pays des règles et de fermeté dans la gestion des biens publics, soulignant que les marchés publics sont des foyers de la gabegie et par conséquent » il est nécessaire d y appliquer des lois fermes et transparentes avec une séparation totale des diverses prérogatives, la signature, la surveillance et l’organisation » (…).
Il a souligné par ailleurs que le nouveau système -qui comprend sept (7) formules de signature, un comité de contrôle et une organisation des marchés publics constituée du secteur privé, de la société civile et de l’administration est considérée comme une réalisation de qualité dans les annales de la transparence en Mauritanie » puisqu’il intervient en avance aux systèmes des marchés publics semblables adoptés par certains Etats.
Il a indiqué par ailleurs que cette réforme permettra d’augmenter la capacité de résorption du pays à travers l’accélération du rythme d’exécution des projets » et en conséquence de satisfaire les ambitions et les aspirations de citoyens dans les domaines des services de base et des divers aspects de la vie économique » a-t-il ajouté (…)
Source Ami (1 février 2012)
Source : Le Quotidien de Nouakchott le 05/03/2012
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