La violence, c’est le leitmotiv de la campagne électorale qui se déroule au Sénégal. On assiste à une véritable guérilla urbaine qui oppose forces de l’ordre et manifestants contre la candidature d’Abdoulaye Wade pour un troisième mandat. Et le bilan des victimes s’alourdit avec la mort vendredi d’un manifestant dans la ville de Kaolack.
Même les principaux candidats au scrutin présidentiel du 26 février prochain ne sont pas épargnés. Le convoi du socialiste Ousmane Tanor Dieng a été attaqué par des militants du pouvoir à Reubeuss, un quartier de Dakar. Les militants socialistes rendront à Abdoulaye Wade la monnaie de sa pièce lors de son déplacement à Nguéniène, fief de Tanor, où il sera reçu par une pluie de pierres. Une attaque qui est à l’origine de son débordement verbal vis-à-vis de son adversaire politique qu’il a traité de « fasciste ».
Silence des guides religieux
« Il est temps que les guides religieux se prononcent sur la situation », disait en substance, ces jours-ci, Cheikh Bamba Dièye, maire de Saint-Louis et prétendant à la magistrature suprême. En effet depuis le début de la crise, peu d’entre eux ont pris position. Le khalife de Ndiassane qui représente la Qadriya a, lui, clairement indiqué que Wade devait se retirer comme le réclame le peuple. Sauf qu’il n’a pas assez de poids ; pas plus que le représentant des Niassène qui a abondé dans ce sens par le biais de son porte-parole. Une attitude qui s’est soldée par une scission dans la famille du guide et qui a poussé l’un de ses membres les plus influents à s’autoproclamer Khalife…à la place du Khalife. Ce putschiste religieux n’est autre qu’Ahmed Khalifa Niasse, surnommé l’Ayatollah de Kaolack et réputé proche de Wade…
Seules deux confréries pourraient pousser le pouvoir à lâcher du lest. D’abord, les Mourides qui sont de loin les plus puissants et dont l’influence s’est accrue depuis l’arrivée au pouvoir de Wade, un des leurs. Connu pour ses largesses-ne dit-on pas de lui qu’il est « un distributeur automatique de billets » ?-il inonde sa confrérie de dons colossaux : 200 000 000 FCFA récemment et pas moins de 2 milliards de Francs Cfa lors du dernier Maggal de Touba, l’évènement religieux le plus important au Sénégal, devenu jour férié, chômé et payé !
Viennent ensuite, les Tidjanes, plus modérés. Cependant, ces derniers temps, ils donnent de la voix et réclament la démission du ministre de l’intérieur suite au lancement par la police d’une bombe lacrymogène dans l’une de leurs mosquées à Dakar. Conscient du danger, le pouvoir a annoncé l’ouverture d’une enquête sur cet incident. Le ministre incriminé s’est rendu sans tarder à Tivaouane, siège de la confrérie, pour rencontrer le khalife, présenter des excuses et apaiser les esprits.
Cependant, les religieux savent qu’au vu de la situation actuelle, leur « ndigueul » -consigne de vote-, voire leurs appels à l’apaisement ont peu de chances d’être entendus par les jeunes qui, plus que jamais et toutes tendances religieuses confondues, veulent en découdre avec Wade. D’où leur réticence à soutenir ouvertement tel ou tel autre candidat.
Scrutin présidentiel incertain
Quel que soit le vainqueur de l’élection, la crise risque de continuer pour un certain temps. Si c’est le pouvoir qui gagne, l’opposition va certainement contester les résultats et plonger encore plus le pays dans la crise. Déjà, certains affichent leur scepticisme quant à la volonté du régime d’organiser un scrutin transparent. Selon Ibrahima Fall, l’un des candidats au scrutin, après avoir réussi un coup d’état constitutionnel, Wade est capable d’orchestrer un hold-up électoral. Si c’est l’inverse, les célébrations qui s’en suivront seront pour les fidèles du régime une sorte de provocation à laquelle ils vont probablement répondre. C’est pour dire que le Sénégal n’est pas encore sorti de l’auberge.
Ibrahima ATHIE pour Kassataya
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com