Le risque de déflagration sociale est réel dans le pays. Face à » l’accumulation » des problèmes, le pouvoir préfère réactiver les vieilles méthodes de répression et de politique politicienne : arrestation des militants des droits de l’homme et dénégation d’une situation de malaise sociale et économique qui à l’origine de tous les déboires du gouvernement du Premier ministre Moulay Ould Mohamed Laghdaf.
Il y a des signes de malaise social qui ne trompent pas : l’Université qui prend le relai de l’ISERI (Institut supérieur des études et recherches islamiques), les grèves des travailleurs du secteur minier et des enseignants du secondaire qui renouent avec les revendications de revalorisation de leur statut, la précarité des conditions de vie des populations, avec des prix qui atteignent des pics jamais inégalés, la crise politique qui dure, et pour laquelle aucune solution ne pointe à l’horizon ! Tous les éléments – et les ingrédients – d’une situation explosive sont là. Sans parler de ces tensions aux frontières est (avec le Mali) et sud (Sénégal) qui risquent de compliquer une situation sécuritaire déjà pas très reluisante et donner une dimension tout autre à la guerre que le président Mohamed Ould Abdel Aziz livre, depuis son arrivée au pouvoir à Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI). Il est bien heureux d’entendre le président Ould Abdel Aziz, » embarqué » en touriste à Ouadane, comme s’il n’ y avait pas suffisamment de problèmes à Nouakchott et dans le reste du pays, déclarer sa satisfaction de voir la majorité et l’opposition » réunie par la culture » mais sait-il réellement que les motifs d’insatisfaction sont légion depuis un certain temps ? Même au sein de sa propre majorité, avec les signes de mécontentement qui fusent des rangs des partis Adil (parti au pouvoir sous Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi) et de l’AJD/MR ? Un malaise tellement profond qu’il laisse penser que ces deux formations politiques, mécontentes de la manière dont les » accords » de leur ralliement à la majorité ont été traités, risquent de refaire le chemin inverse.
Ce n’est pas pour rien que ces deux formations soient les seules, au sein de la majorité, à dénoncer ce qu’elles considèrent comme des disfonctionnements de la démocratie ou des » écarts « par rapport à la bienséance au sein même de la coalition politique à laquelle elles appartiennent on ne sait pour combien de temps encore.
A ce sujet, et sur la question de l’arrestation du leader du Mouvement » Touche pas à ma nationalité « (TPMN), l’AJD/MR a publié un communiqué dans lequel elle » condamne ces méthodes auxquelles nous avaient habitué les régimes d’exception et exige la relaxe pure et simple d’Abdoul Birane Wane. «
C’est dire que le pouvoir est en train, par ses propres errements, de reconfigurer la scène politique nationale, toujours divisée en fonction de la Bipolarité Majorité – Opposition, en donnant à cette dernière plus de chance de puiser une nouvelle énergie dans les soutiens du président Aziz. Et c’est d’autant plus vrai que l’on n’a pas assisté, depuis longtemps, à l’un de ces phénomènes de ralliement au pouvoir pourtant très fréquents en période pré-électorale. L’AJD/MR va même plus loin qu’une simple injonction au pouvoir de libérer le leader de TPMN, en lui rappelant, dans ce qui semble être une remise en cause d’un style de gouvernement pas tout à fait convenable, que la » moralisation des mœurs politiques et l’établissement d’un climat de sérénité entre les forces politiques, exige du gouvernement le respect des libertés individuelles et collectives, principe fondateur d’un état de droit « !
Agir vite et bien
Autrement, pour tous ceux qui considèrent que la situation du pays est grave, il y a lieu de se poser cette question : Y a-t-il des Mauritaniens qui ne soient ni de la majorité ni de l’opposition pour appeler, sérieusement, au retour au calme ? Si la politique, comme activité et comme » business » a toujours montré qu’elle fait vivre son homme, elle tend à convaincre, ces jours-ci, qu’elle peut également provoquer l’irréparable.
Il faut bien que les partis politiques mauritaniens de la majorité et de l’opposition, dont la raison d’être est d’être au service du développement économique, politique et social de la Mauritanie, jouent pleinement le rôle qui est le leur : réglementer la gestion du pouvoir à travers l’entente sur le partage des rôles dans une démocratie apaisée.
Quand la majorité rejette toute idée de partage du pouvoir avec l’opposition, elle n’enfreint nullement la sacrosainte règle qui préside au jeu démocratique en cours dans la plupart des systèmes républicains, mais elle entretient la confusion autour du lien qu’elle établit entre ce refus et l’absence de dialogue véritable. Celui engagé avec quatre partis d’opposition, bien qu’ayant permis d’avancer dans la recherche de solutions à la crise multiforme Quand l’opposition fustige la manière dont le gouvernement mène les affaires du pays, elle joue » admirablement « bien son rôle mais ce n’est pas à elle de DICTER la bonne conduite à celui que le peuple à choisi. Inutile de rester accrocher à une élection présidentielle qui, même truquée, relève maintenant du passé. La précaution qui vaille était à prendre avant d’accepter de descendre dans l’arène. La Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), renforcée aujourd’hui par un vaste mouvement de contestation syndicale, estudiantine et même populaire, dispose d’atouts majeurs pour faire bouger les lignes. Et c’est au pouvoir, de plus en plus sur la défensive, de chercher la parade pour repousser les conséquences, souvent désastreuses, de la confrontation.
L’appel à descendre dans la rue est une voie à ne pas expérimenter puisqu’on sait où elle peut mener. Elle ne garantit pas la stabilité même quand on parvient à provoquer la chute du régime incriminé.
Le dialogue qui sortirait le pays de la mauvaise passe, qu’il traverse actuellement, doit être privilégié par les deux parties, quand elles comprendront, toutes les deux, qu’il n’y a pas de salut en dehors de cela.
L’expérience de la crise qui a emporté, au bout de quinze mois, le régime de l’ex-président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi doit servir à quelque chose : comprendre que personne ne se sauvera seul.
Les élus de la majorité, les cadres de l’UPR – ou de toutes autres formations se réclamant du camp du président de la République, doivent savoir que le meilleur soutien qu’ils apporteront à son action et à celle du gouvernement consiste à ne pas suivre la voie de la surenchère actuelle. Tendre la main à l’opposition, favoriser le dialogue et contribuer à la recherche de solution à tous les problèmes politiques, économiques et sociaux qui menacent aujourd’hui la stabilité du pouvoir est la meilleure manière de prouver qu’on a une pensée – réelle – pour le développement, pour ne pas dire la survie, de la Mauritanie. Cela passe même avant la tenue des élections, la mise à l’écart de l’armée de la » chose politique « et tout le reste.
Sneiba Mohamed
Source : L’Authentique le 09/02/2012
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