A l’occasion d’une visite » inopinée » mardi dernier à l’hôpital Mère et Enfants, le président Mohamed Ould Abdel Aziz s’est dit prêt à un dialogue sans tabou avec l’autre opposition, comprenez la Coordination de l’opposition démocratique (COD) !
Ce qui peut paraître comme une énième manœuvre politique destinée à dédouaner le pouvoir de l’accusation de manque d’ouverture sur la COD (composée, tout de même de dix partis politiques) est vu par bon nombre d’observateurs comme l’unique moyen pour sortir de l’impasse politique actuelle.
L’échec du dialogue – dans la mise en œuvre de ses recommandations – est la pire des perspectives que le pouvoir puisse envisager « . Il obligerait le président Aziz à reconsidérer pas mal des mesures prises, dans le cadre de la gestion politique, économique et sociale du pays, et à compter avec une crise dont les conséquences directes sur son quinquennat se font déjà ressentir. C’est l’avis d’un observateur qui pense que le dialogue engagé aujourd’hui par le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz avec quatre partis d’opposition (APP, Al Wiam, Hamam, Sawab) a peu de chance de réussir si l’on ne trouve pas la formule » magique » d’y associer l’autre opposition. En dehors même de l’absence des 10 formations politiques composant la COD, dont certaines comptent vraiment dans le règlement de la crise en Mauritanie, il y a que les sujets débattus à l’Assemblée nationale ont besoin d’un minimum de consensus. Dans ce cadre, on peut faire passer les lois qu’on veut sur la gestion quotidienne de l’Etat (finances, économie, projets à caractère sociaux) mais celles liées à des amendements constitutionnels, au rapport entre les différents pouvoirs (Exécutif, Législatif et Judiciaire) et aux relations entre les différentes communautés nationales ne doivent pas être traitées à la légère. On sort, de ce point de vue là, du simple cadre de la recherche d’une » opportunité « pour organiser des élections municipales et législatives qui ont pris du retard, pour entrer dans celui de la recherche d’une solution à une crise multiforme qui embarrasse, de plus en plus, le pouvoir et risque de le priver, à moyen terme, d’une relative instabilité.
Avancer de nouvelles propositions
Ce qui est sûr, pour l’instant, c’est que les propos du président Aziz sur le dialogue peuvent être assimilés, facilement, à une nouvelle proposition sur le dialogue ! D’autant que la mise en œuvre de celui déjà engagé avec ce que d’aucuns appellent la COD4 peine à avancer, notamment avec la mise en place d’une CENI (Commission électorale nationale indépendante) et de la détermination d’un calendrier électoral pour les scrutins municipal et législatif avec les amendements constitutionnels déjà approuvés par le Parlement, sans la participation au vote des élus de la COD ! On serait poussé, dans le cas de figure d’un re-dialogue, à revenir à la case départ. La nécessité pour les différentes parties (Majorité, COD4 et COD) de tomber d’accord sur les moyens et la date d’organisation des élections municipales et législatives qu’on ne peut reporter au-delà de décembre 2012 passe, maintenant, pour être la priorité des priorités.
Ainsi, même en cas d’échec total ou partiel du dialogue en cours, le pouvoir a toujours la possibilité de trouver une sorte de consensus par la nomination d’un nouveau gouvernement dans lequel les formations politiques qui ont pris part au premier dialogue seront représentées. Un peu à l’image de ce qui a été pensé à la suite de l’Accord de Dakar, en juin 2009, et qui a permis l’organisation de l’élection présidentielle de juillet et la Sacre du président Mohamed Ould Abdel Aziz. Ce que l’accord » imparfait » de Dakar a permis en 2009, comme sortie de crise, peut aussi être obtenu par la même manœuvre pour tirer le pouvoir du bourbier dans lequel il se trouve aujourd’hui.
…et changer de gouvernement
Si Aziz doit se résigner à accepter un deuxième round (dialogue) susceptible de faire revenir la COD à la table des négociations, il y a aussi, forcément, la perspective de changer de gouvernement ! L’actuelle équipe est trop impliquée dans la crise que son départ fait peut-être partie de la solution. Un Premier ministre à la manœuvre depuis le coup d’Etat du 06 août 2008 et des ministres dont la plupart manquent d’envergure sont, sans nul doute, l’une des principales causes de la chute de popularité de celui qu’on avait présenté, dès son arrivée au pouvoir, comme » le président des pauvres « .
Ce n’est nullement la crise politique qui constitue la grande menace pour le président Aziz, mais bien les problèmes économiques et sociaux face auxquels le gouvernement du Premier ministre Moulay Ould Mohamed Laghdaf – qui a réussi à trois fois à sauver sa tête – a montré ses limites. La constitution d’un gouvernement comprenant les partis d’opposition qui ont pris part au dialogue peut aussi être perçue comme la bonne réponse à donner à deux impératifs majeurs : être suffisamment bien outillé (politiquement parlant) pour mener à bien ce scrutin d’importance et répondre à une demande de l’opposition dont une partie pourrait bien se lancer dans la course, à condition toutefois qu’on lui donne le temps de se préparer. On éloignerait aussi le spectre de la crainte qu’une élection sans au moins deux ou trois partis de la COD ne renvoie l’image des scrutins de l’époque Taya. Surtout que le rapport des forces actuel ne présente pas de risques majeurs pour la majorité, même si, par un savant tour de passe-passe, le gouvernement a réussi à interdire les candidatures indépendantes.
Et d’aucuns d’évoquer, à ce sujet, une première alerte avec le report du renouvellement partiel du tiers du Sénat qui, selon plusieurs observateurs de la scène politique mauritanienne, allait se solder par un fiasco politique pour l’Union pour la République (UPR) dont les concurrents les plus sérieux se trouvaient être les » indépendants « issus de ses côtes ! Concernant le nouveau remaniement en perspective, l’on pense que, outre la nécessité d’impliquer une partie de l’opposition dans la gestion d’un scrutin à enjeux majeurs, il sera surtout destiné à aligner une nouvelle équipe qui ne pourra pas être rendue responsable, à la veille des élections, des mauvaises performances du gouvernement. Le changement répondrait donc à la vieille tactique du fusible qui saute et n’aurait rien à voir avec les rééquilibrages opérés jusque-là par Ould Abdel Aziz et qui ne visaient, à chaque fois, qu’à donner l’impression de prendre en compte le jugement de la rue. Maintenant, notent ceux qui parlent de remaniement après le premier dialogue (et dans la perspective dans dialogue bis), Ould Abdel Aziz doit éviter toute réadaptation qui ne correspondrait pas, véritablement, à la volonté de concilier l’action du gouvernement au discours du président. Encore faudrait-il que la nouvelle équipe puisse répondre aux critères de sélectivité liée uniquement aux prédispositions de performance pour éviter que revienne la question souvent posée lors des précédentes retouches : Les ministres » sortis » étaient-ils réellement les moins performants ou avaient-ils seulement joué de malchance ?
Sneiba Mohamed
Source : L’Authentique le 07/02/2012
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