Dialogue majorité – opposition : On n’est pas encore sorti de l’auberge

Le dialogue, le dialogue, le dialogue ! Le mot est encore dans toutes les bouches. Il constitue même l’objet d’une nouvelle controverse entre les  » dialogueurs «  (la Majorité et l’opposition  » participationniste «  et les partis politiques membres de la Coordination de l’opposition démocratique (COD) qui ont préféré s’abstenir.

Une polémique qui ramène la crise à la case départ et la ravive même au niveau du Parlement où tout devient occasion pour se tirer dans les pieds.

Il faut reconnaître que le retard considérable pris dans l’application d’un dialogue à minima (n’engageant pas toute l’opposition) contribue, largement, à semer le doute dans l’esprit des mauritaniens. La faute revient au premier chef au gouvernement qui semble avoir choisi de faire durer les choses, et de donner l’impression de tout faire sans préparation préalable ! La navigation à vue, en fait.

Il a fallu plus de deux mois après la fin du dialogue pour que le Conseil des ministres planche sur la question de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), ce qui n’est qu’une première étape dans la mise en œuvre d’un processus électoral qui commence à embarrasser. D’ailleurs, lors de l’interpellation du ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, Mohamed Ould Boillil, par la députée Kadiata Malick Diallo de l’Union des forces de progrès (UFP), la question clé a, justement, été le report des différents scrutins et la légitimité même d’institutions démocratiques dont le mandat est arrivé à expiration. Le malaise né d’une telle situation est tel que Majorité et Opposition semblent verser, nouveau, dans la surenchère politique en cherchant à s’accuser mutuellement de ce retard et à vouloir se dédouaner en cherchant à  » justifier «  les positions d’acceptation – ou de rejet – de ce qui est bien en train de devenir un cas d’école. Les vraies questions restent en suspens

Et s’il faut maintenant que le pays replonge dans la crise, il n’ y a aucun mal à ce que le gouvernement repense le dialogue en fonction, non pas de ce qui permettrait à la Majorité et à l’opposition participationniste de s’affronter, dans cinq mois, mais de favoriser un rapprochement entre ceux qui se sont accordés sur les  » résolutions du dialogue et la COD. »

On peut ne pas être d’accord avec cette dernière, quand elle menace le pouvoir d’un  » printemps arabe «  dans les rues de Nouakchott mais il faut aussi reconnaître que le gouvernement ne fait pas montre d’une grande capacité d’adaptation à la nouvelle situation. Le rapprochement avec quatre partis d’opposition (APP, Al Wiam, Sawab, Hamam) ne doit pas donner au pouvoir l’assurance que tout est fini ! Ce qui fait dire à certains observateurs que si le dialogue n’avance pas vraiment (dans l’application de ses résultats), c’est que les vraies questions n’ont pas l’air d’avoir été posées.

Pour certains observateurs avertis, le dialogue se devaient de répondre à trois questions essentielles : La sortie de crise, certes, notamment celle qui empêche le gouvernement et l’opposition de penser à autre chose qu’aux querelles byzantines qui ramènent sans cesse à la Bipolarité et à l’époque de Taya que les mauritaniens cherchent, désespérément, à dépasser. Ensuite, la mise en place d’un agenda électoral qui permettrait aux mauritaniens de renouveler leurs élus à l’Assemblée nationale et dans les conseils municipaux, considérés, à tort ou à raison, comme des  » assemblées  » de promiscuité mieux à même de s’occuper de leurs problèmes au quotidien. Et enfin, ce qui est le plus important aux yeux du citoyen lambda, le dialogue devait déboucher sur des décisions capables de nous sortir de ce qui ressemble bien à une navigation à vue, à tous les niveaux de la gouvernance actuelle.

Chercher un compromis avec la COD

D’aucuns pensent même que pour pouvoir faire passer les résultats d’un dialogue auquel la COD n’a pas pris part, il faut bien que ses résultats les plus tangibles soient mis en œuvre le plus vite possible. Comme, par exemple, la mise en place d’une CENI qui n’aura rien à voir avec les pratiques d’antan et pouvant fléchir, par le choix des hommes qui la composent, la position de principe de la COD. Car, malgré son discours enflammé, celle-ci n’a pas manqué de souligné que quelques rares points du dialogue sont positifs et qu’elle attend la mise en application de ses clauses pour se prononcer sur la participation ou non aux futures élections.

Tout semble indiquer donc que la COD veut éviter, à tout prix, que le pouvoir la pousse dans ses derniers retranchements. Et l’oblige à choisir l’option fataliste du boycott.

Malheureusement, au vu des résultats du dialogue, le RFD d’Ahmed Ould Daddah, l’Ufp de Mohamed Ould Maouloud et les islamistes de  » Tawassoul « , pour ne citer que les partis les plus en vue de la COD, accusent les  » dialogueurs «  d’avoir privilégié une approche qui met au devant des questions non essentielles. Comment comprendre, en effet, que les deux parties aient convenu de porter le nombre de députés de 95 à 150 ? S’il est vrai que les populations doivent être bien représentées, il y a lieu de penser ici qu’il ne s’agit pas d’une question de quantité mais de qualité. Un seul député payé à quelque chose comme 600 000 ouguiyas/mois doit être suffisamment motivé pour mener à bien sa mission et ne pas avoir besoin d’être  » doublé  » par un autre faisant payer au pauvre contribuable mauritanien deux fois plus pour presque rien. Dans sa configuration future, l’Assemblée nationale coûtera ainsi au contribuable mauritanien la bagatelle de 1,08 milliards d’UM rien que pour les salaires des députés ! Il faut penser, en plus de cela, aux dépenses de fonctionnement (personnel de l’Assemblée, frais médicaux, voyages, indemnités de toutes sortes) et autres  » extra  » dont les administrations mauritaniennes détiennent le secret.

C’est dire que beaucoup de mauritaniens n’hésitent pas à penser que si le dialogue n’arrive pas à jouer en faveur d’une sortie de crise, c’est parce que les participants à ce conclave qui ne finit pas de diviser la classe politique mauritanienne ont surtout cherché à sortir avec l’impression que les négociations ont servi à quelque chose. Ils ne voulaient pas, apparemment, donner raison à l’autre camp (RFD, UFP, Tawassoul, etc) qui ont refusé de s’engager, tête baissée, dans le dialogue, pensant, à tort ou raison, qu’il n’aboutira pas à des conclusions satisfaisantes pour tous.

Mais ce qui est fait est fait et l’on s’impatiente, maintenant, à connaître la suite : La mise en œuvre des résultats du dialogue, la mise en place de la future CENI, surtout, et l’organisation des élections municipales et législatives. Avec ou sans la COD boycotteuse du dialogue ?

Sneiba Mohamed

Source  :  L’Authentique le 24/12/2011

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