Les amis de Jamil Ould Mansour, les Islamistes modérés comme aiment les appeler certains, semblent avoir définitivement opté pour la révolution. Le la de cette nouvelle politique a été donné, mercredi dernier, à la maison, lors d’un meeting de la jeunesse du parti. Exit la formule d’opposition qui ‘’conseille’’ adopté au lendemain de la présidentielle de 2009.
L’ilot L, l’ancien quartier de Nouakchott à la fin des années 70 et début des années 80, a été investi, depuis déjà quelque temps, par les écoles privées. De jour comme de nuit, il grouille de jeunes écoliers et écolières fréquentant telle ou telle école du coin.
A côté de ce jeune monde –le choix de la place n’est peut être pas fortuit- se trouve le ‘’quartier général’’ du parti Tawassoul. Ce n’est pas de l’exagération. A l’extrémité nord ouest de l’ilot L, tout autour d’une grande place publique (comme on n’en trouve plus dans la capitale), se trouvent : le siège du parti islamiste, le bureau de ses élus, celui de sa jeunesse et celui de ses femmes. Rien à voir avec les autres formations politiques du pays.
Ici, les démembrements du parti remplissent des fonctions. Et travaillent, sans relâche, dans l’ordre et la discipline. Ils ont des objectifs à atteindre, ne manquent apparemment pas de moyens et progressent jour après jour sur le chemin de la réalisation de leur objectif final: la conquête du pouvoir en Mauritanie. Ce n’est plus une chimère, ni une revendication irréaliste.
Revigorés par le succès enregistrés par les organisations islamistes dans les autres pays arabes et musulmans et par la nouvelle donne née du printemps démocratique arabe, les Islamistes mauritaniens croient désormais à leur chance pour provoquer ‘’quelque chose’’ dans le pays. Et commencent déjà à travailler avec fougue et détermination pour atteindre leur objectif. Et rapidement ! C’est du moins ce que pense une large partie de leur jeunesse.
Jeunesse, fer de lance
La jeunesse du parti tenait un meeting, mercredi dernier (7 décembre), à la maison des Jeunes. Elle avait atteint le point de non retour et semblait agacé par la situation ‘’chaotique’’ du pays. Cette manifestation pouvait passer inaperçue, n’eut été l’intervention de l’un des responsables de l’organisation sur les antennes de la chaîne Al Jazira.
C’était un jeune homme au look ‘’branche’’ : coiffure des sportifs, bien habillé, sûr de lui et déterminé. Il n’a pas mâché ses mots : ‘’la situation du pays est catastrophique … et le pouvoir Kaki doit s’en aller’’. Un message on ne peut plus clair de la mouvance islamiste qui prônait jusqu’à récemment la modération et se cherchait une position médiane entre l’opposition et le pouvoir.
Mais, entretemps, il y a eu une nouvelle donne politique dans le monde arabe. Les Islamistes, qui se sont imposés dans quelques pays arabes (Tunisie, Egypte, Libye…), sont devenus fréquentables aux yeux de l’opinion internationale (entendez par cela les occidentaux). En Mauritanie, Tawassoul, qui évitait toute confrontation frontale avec le pouvoir et qui jouait la carte de la modération qui l’a amenée jusqu’à la présentation de listes communes avec l’UPR lors du dernier renouvellement du tiers du Sénat, s’est trouvé d’un coup libéré de cette épée de Damoclès qui pesait sur lui et sur son positionnement et qui l’empêchait de jouer pleinement la carte de l’opposition.
Une lecture réelle de la situation
Le parti Tawassoul entretient beaucoup de relations avec les partis islamistes dans le monde. Il est bien membre de ce que certains détracteurs du mouvement religieux appellent ‘’l’international Islamiste’’. Ses dirigeants ont bien voyagé ces derniers temps pour rencontrer leurs ‘’frères’’ au Maroc, en Tunisie, en Libye, en Egypte … qui ont réussi, à la faveur des révolutions, de gagner les élections dans leurs pays. Et se sont faits une idée claire du moment inédit et de l’opportunité ouverte devant eux pour rafler la mise en Mauritanie.
Contacté par Biladi, l’un des dirigeants de Tawassoul estime que le pouvoir du président Aziz n’est pas qualifié pour être un partenaire et que Tawassoul estime que son départ est nécessaire.
Par rapport à la coordination de l’opposition, ce dirigeant explique que là aussi, il plusieurs strates. Il y a ceux qui militent pour leur propre carrière et qui ne s’intéressent qu’à cela, quelque soit par ailleurs le moyen par lequel ils peuvent aboutir à leur objectif (coup d’état, élection, chaos…). Il y a ceux qui sont plus politiques et qui aspirent à des choses moins individuelles et qui peuvent s’allier avec toutes les forces capables de renverser la donne politique dans l’intérêt général du pays et de la démocratie…
Sur la question du leadership de l’opposition, Tawassoul, affirme notre interlocuteur, est prêt à jouer le rôle qui lui sied et est conscient du fait que la carte politique pourrait subir en véritable bouleversement qui permet à ce parti de jouer les premiers rôles…
Ambition démesurée ou réelle !
Le régime, sûr de sa maitrise de la situation et généralement peu soucieux de ce qui se passe sur la scène politique, parait plus ou moins mesurer, cette fois-ci, la menace que constitue Tawassoul. Pour cela, il a lâché le nouveau parti des Jeunes, une pure création présidentielle, pour s’attaquer aux Islamistes et à leurs projets ‘’sournois’’ et ‘’chimériques’’. Une entreprise qui ne fait pas peur à une formation politique qui détient des instruments capables de faire bouger la scène.
En effet, Tawassoul contrôle l’université de Nouakchott et quelques syndicats de l’enseignement et d’autres structures de la société. Il n’a jamais utilisé ces cartes dans le passé, parce que son option était de tout faire pour éviter la confrontation avec le pouvoir. Aujourd’hui, avec le changement de la donne politique dans le monde arabe, ce parti a carrément fait son choix : aller contre le régime. Une option préconisée par la direction de cette formation qui croit que le moment propice pour diriger la résistance. Allez, les gars : marche contre le pouvoir de Aziz…
Mohamed Mahmoud Ould Targui
Source: Biladi
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