Campagne électorale prématurée : L’Etat en villégiature

Alors que la population mauritanienne est confrontée à un quotidien difficile et aux menaces d’une sècheresse dramatique, le gouvernement cherche à donner du souffle à son parti, l’Union Pour la République (UPR), en initiant une campagne de séduction populaire pour préparer des élections législatives et municipales pour sa pérennité.

Le budget de guerre qui sera mobilisé à l’occasion, estimé à plusieurs centaines de millions d’ouguiyas, entre naturellement dans la politique de dilapidation des ressources publiques.

Une fois de plus, des ministres vont bloquer le travail de tout un pays, en participant à la paralysie de l’Etat pour aller servir les desseins électoralistes de l’UPR, chef de file des partis de la majorité présidentielle. Telle est la lecture que le citoyen lambda fait de cette effervescente campagne que l’UPR vient de lancer. En effet, des missions du parti se préparent à prendre d’assaut la Mauritanie profonde pour renflouer ses forces, accompagnées de l’artillerie gouvernementale. Il faut dire que les luttes politiciennes et intestines au sein de l’UPR dictent aux différents segments du parti de montrer leur dévouement et leur capacité de mobilisation pour sauver chacun sa tête. D’où ce haro sur le baudet que se lancent cadres du parti et responsables gouvernementaux. Les préjudicies qu’une telle désertion en masse pourraient porter sur le fonctionnement de l’Etat ne semblent nullement constituer une source de préoccupation, l’idéal pour ces chasseurs de voix étant de satisfaire le président de la République.

Rien qu’à Nouakchott, cinq ministres devront aller au charbon à l’heure où aucune campagne électorale n’est encore ouverte. Il s’agit du ministre de l’Enseignement Fondamental, du ministre de l’Habitat, du ministre de l’Enseignement Secondaire, de la Ministre des Affaires Sociales et du Ministre de la Formation professionnelle. A l’heure où l’Education nationale est sur le lit de l’hôpital pour guérir d’un mal mortel, où le problème des Gazras entre dans sa troisième année sans espoir de déboucher sur le bien-être des populations, où le social souffre d’inanité et où la formation piétine dans l’antichambre du chômage des jeunes, ceux qui devaient présider à toutes ces destinées se payent le luxe d’entamer une longue villégiature sur le cadavre du peuple.

Pendant que la Mauritanie vient de lancer un SOS lancinant au reste du monde pour l’aider à sauver son économie, le ministre des Finances Thiam Diombar quittera ses dossiers énormes pour battre campagne à Nouadhibou et profiter de la fraîcheur continentale qu’offrent la Baie de Repos et la Baie de l’Etoile. Quant à son homologue du Développement Rural, Brahim Ould MBareck, il tentera d’oublier pendant quelques temps la misère de la paysannerie pour aller se balader sur les rives du Gorgol. Les dames ne seront pas en reste et dans ce partage des îlots de plaisance, la ministre de la Culture, Cissé Mint Cheikh Ould Boïdda, semble la moins gâtée, elle qui a été envoyée au Brakna dont la populace sombre dans la décrépitude, sans aucun palace de rêve où se prélasser. L’Inspectrice générale d’Etat tire mieux son épingle du jeu, à une enseigne près pour avoir été dépêchée aux bordures du Fleuve Sénégal, avec néanmoins la misère sur le dos. L’implication de l’IGE dans cette campagne post-électorale semble tout de même fausser le jeu, car cette institution est sensée devoir se situer au dessus de la mêlée politique.

Le ministre de l’Equipement, Yahya Ould Hademine a lui été expédié au Tagant, là où fleurissent les oasis et les palmiers dattiers. Ce qui lui donnera l’occasion d’un bon repos loin de la tracasserie des fédérations et loin des lamentations des transporteurs. Le ministre de la Santé, Bâ Houceinou devra quant à lui prendre d’assaut la région de l’Inchiri, le temps d’un dépaysement. Il profitera certainement de l’occasion pour mesurer le pool d’une population exposée aux retombées néfastes de l’exploitation minière dans la région. Pour sa part, la ministre de la Fonction Publique, Maty Mint Hamady s’envolera pour le Tiris Zemmour où elle pourra certainement s’inspirer de l’exemple de la SNIM dans la gestion de la ressource humaine, tout en se frottant à la rudesse d’une région aux beautés sulfureuses.

Le parti UPR qui affrontera ses premiers combats électoraux, fait face aux aléas d’un double scrutin où la fraude pourrait avoir du mal à percer. Aussi, la formation politique a-t-elle décidé de jeter dans la bataille toute la puissance du gouvernement, comme pour dire aux populations qui ne sont plus dupes, voilà ceux qui vous offriront enseignement, santé, routes, formation, promotion… La réalité des vrais campagnes électorales diffèrera largement de cette théâtralisation orchestrée et que les Mauritaniens savent maintenant bien déceler.

Cheikh Aïdara

Source  :  L’Authentique le 17/11/2011

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