Finalement, le gouvernement a fini par accepter l’amère réalité : La Mauritanie est bien sous la menace d’une sécheresse qui risque de brouiller toutes les cartes, y compris politiques, sur lesquelles le pouvoir comptait pour sortir de la crise économique.
C’est le Premier ministre lui-même, Moulay Ould Mohamed Laghdaf, qui l’a déclaré, annonçant jeudi dernier, dans ce qui ressemblait bien a un appel a l’aide internationale, que la Mauritanie est bien menacée, à l’instar des autres pays de la zone sahélienne, par une sécheresse qui ressemble, par bien des égards, celle des années 70 du siècle dernier.
La sécheresse menace le pays. Le fléau survient à un moment ou les mauritaniens commençaient à sortir de l’air du doute (a-t-on le gouvernement qu’il faut) pour entrer dans celle de la certitude (ce n’est pas ce gouvernement là qui détient la solution à nos problèmes). Et l’annonce d’un plan d’urgence que le Premier ministre a chiffré jeudi dernier à quelques 47 milliards d’ouguiyas (157 millions d’euros) n’est pas vraiment la mesure qui rassure. Non pas qu’un tel montant qui constitue pratiquement le 1/6 du budget de l’Etat mauritanien pour l’année 2011 ne soit suffisant pour parer au plus pressé, mais parce qu’on a la quasi certitude que ce plan, comme celui de » Solidarité 2011 « , ne sera pas exécuté comme annoncé par le Premier ministre. D’ailleurs, c’est devenu une constante du gouvernement que le président Ould Abdel Aziz s’obstine à ne pas changer : tous les programmes et projets de développement lancés en grande pompe s’essoufflent au bout du parcours et ne parviennent pas à donner satisfaction à des populations qui ont cru au slogan (de campagne) de » changement constructif « . Comme illustration parfaite de ces tergiversations, l’on cite fréquemment la restructuration des gazra, partie pour être achevée en un an (promesses du ministre de l’Habitat, de l’urbanisme et de l’Aménagement du territoire) et qui entreront, en 2012, dans leur troisième année ! Sans que l’on soit assuré que le calvaire des nouveaux habitants des quartiers » Tarhil « (déplacement) va finir avant le parachèvement du quinquennat du président Aziz. Comme aussi ce plan d’urgence de » Solidarité 2011 « , qui a apparemment servi de modèle pour » Espoir 2012 « et dont les réalisations ont été à peine perceptibles, malgré les dépenses en milliards d’ouguiyas que le gouvernement avait programmées pour sa réussite, au plan social et économique.
Car c’est justement, au niveau des objectifs que toute l’action du gouvernement flanche. Les projets et programmes sont, souvent, le pendant négatif d’un idéal jamais atteint, ce qui relève -il faut bien le reconnaître-, de son essence même, mais c’est la propagande, le grand tapage fait autour de cette action qui en empêche la visibilité. Une propension propre à tout gouvernement mauritanien de continuer à croire que le peuple est dupe. De penser aussi, que l’on oublie facilement les contradictions au niveau du discours présidentiel, relayé avec la régularité d’un métronome, par tous les membres du gouvernement, les responsables administratifs et les élus de la Majorité : l « e pays va bien, les caisses de l’Etat sont pleines et la Mauritanie vie son « âge d’or » avec le pouvoir du président Mohamed Ould Abdel Aziz « . Jusqu’au jour où la réalité éclate avec une menace de catastrophe naturelle d’une ampleur telle, qu’il faut maintenant jouer franc jeu.
Et dire que la Mauritanie, secouée depuis plusieurs mois par une crise économique sans précédent, n’est pas en mesure de faire face, seule, aux conséquences incalculables d’une sécheresse qui touche déjà le centre et l’est du pays. Une catastrophe naturelle qui vient s’ajouter à toutes les catastrophes qui sont le fait de l’homo mauritanicus, incorrigible devant l’éternel, ne tirant pas la leçon qu’il faut de ses errements passés et présents. Toujours prompts à promettre monts et merveilles, les dirigeants, ne prennent pas de précautions pour ne pas décevoir. En 2005, ils avaient juré que le putsch contre Taya allait être le dernier, celui qui met fin à tous les coups d’Etats devenus une » spécialité « mauritanienne en Afrique. Et puis, il y a eu le coup d’Etat de plus ou de trop, contre le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Une » Rectification « , se défendent les généraux Aziz et Ghazouani qui, depuis la chute de Taya, mènent la Mauritanie vers une destination qu’ils sont les seuls à connaître véritablement. Ça c’est pour la politique, pour l’économie, c’est une autre paire de manche. Même s’il faut reconnaître que l’une commande l’autre et que c’est la détermination à maîtriser les leviers de la seconde qui soutient les » troubles existentiels » qui expliquent toute l’agitation autour de la première.
L’urgence et non le développement intégré.
A propos de ce nouveau » plan « d’urgence, c’est à peine si certains ne pensent pas qu’il s’agit d’une aubaine pour ceux chargés de sa mise en œuvre. Les ressources dégagées à cette fin, par l’Etat ou par les partenaires au développement de la Mauritanie, seront certainement, une fois encore, détournées de leur finalité première. Il suffit de voir les chapitres des dépenses à engager, dans le cadre de l’opération » Espoir 2012 « , pour se rendre compte qu’il s’agit d’un simple montage destiné à faire comme si. Car il faut bien que le gouvernement reconnaisse que l’expérience des boutiques témoins a été, dans le cadre du programme » Solidarité 2011 « , un fiasco. Le volet social de cette opération a très vite cédé le pas à la panoplie d’objectifs et de finalités qui ont permis au gouvernement de politiser une action qui se devait d’être d’abord et avant tout une assistance sociale de grande envergure. On avait tablé sur la couverture des besoins pour près de 600.000 personnes mais aucune donnée fiable ne permet aujourd’hui de dire à quel degré cet objectif a été atteint. Et, sans se soucier des critiques qui ont fusé de la part de l’opposition, mais aussi de simples citoyens qui disent leur déception vis-à-vis d’un gouvernement incapable, celui-ci se contente de rafistoler son » plan « , mis en place à l’occasion d’une situation de moindre urgence, pour tenter de faire face à ce qui est bien une menace de catastrophe naturelle. Car une grande partie de la population mauritanienne, notamment dans les zones rurales, risque de souffrir du fait de la raréfaction des pâturages et de la chute de la production agricole consécutivement à un déficit pluviométrique, le plus important depuis plusieurs années.
Et quand le Premier Ministre annonce lui-même le nouveau-ancien » plan « , avec les classiques composants » disponibilisation des produits alimentaires de base et de l’aliment de bétail à des prix accessibles « , il ne fait que prouver ce que l’opposition dénonce comme une incapacité à faire face aux grands défis de l’heure. S’il ne s’agit de » dilapider « 45 milliards d’ouguiyas, on ne peut trouver de meilleurs moyens que celui de prétendre les utiliser dans la subvention de produits alimentaires de base et l’achat d’aliments de bétail, alors que l’on sait que cette manne pouvait servir à des réalisations plus pérennes destinées à aider éleveurs, agriculteurs et simples citoyens à faire face aux impondérables de la nature. Un développement intégré qui, apparemment, n’est pas dans le vocable des concepteurs des plans d’urgence en Mauritanie.
Sneiba Mohamed
Source : L’Authentique le 15/11/2011
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