JUBA, 5 octobre 2011 (IRIN) – Des affrontements le long de la frontière entre le Soudan et le Soudan du Sud, indépendant depuis peu, ont entraîné le déplacement de dizaines de milliers de personnes et suscité des inquiétudes quant à l’instauration d’un cycle récurrent de violence et d’instabilité régionale.
Voici un aperçu des récentes publications réalisées par des groupes de réflexions, des analystes et des organisations de défense des droits de l’homme.
Dans Sudan – Avoiding a new crisis [Soudan – Éviter une nouvelle crise], International Crisis Group (ICG) indique que le « risque d’implosion est tout à fait réel » au Soudan et que la violence « est en train d’échapper à tout contrôle » dans les États du Sud-Kordofan et du Nil bleu.
Le rapport, publié le 1er octobre, revient sur les espoirs soulevés par l’Accord de paix global (APG) de 2005 entre Khartoum et les anciens rebelles sudistes : « une gouvernance plus inclusive et légitime – une plateforme pour répondre aux doléances des opposants politiques et des peuples marginalisés qui vivent en périphérie du pays, notamment au Darfour, dans l’est et dans les zones de transition du Sud-Kordofan, du Nil bleu et d’Abyei ».
« Si le gouvernement de Khartoum continue d’entraver les efforts de réforme en faveur d’une gouvernance plus inclusive, il est inévitable que le pays sombre dans un conflit armé prolongé. Et puisque de nombreuses revendications n’ont pas été prises en compte, l’insurrection risque de se propager dans le Nord. Cela pourrait avoir un effet d’entraînement et déstabiliser la République du Soudan du Sud et l’ensemble de la région », a indiqué l’ICG.
« Le Nord a besoin d’une approche holistique pour résoudre ses problèmes, et les acteurs internationaux doivent développer une stratégie plus cohésive afin d’en faire un partenaire viable pour promouvoir la paix et la stabilité dans l’ensemble de la région », a ajouté l’ONG.
À la fin août, Human Rights Watch et Amnesty International ont rapporté les témoignages de civils du Sud-Kordofan détaillant les bombardements quotidiens indiscriminés des Forces armées soudanaises (FAS). Depuis le mois de juin, ces bombardements ont fait de nombreuses victimes et entraîné le déplacement de plus de 150 000 personnes.
« Ce sont des agents du Parti du Congrès national (NCP), le parti au pouvoir, qui sont responsables de la vaste majorité des violations des droits de l’homme commises dans les États du Sud-Kordofan et du Nil bleu », indique-t-on un rapport publié récemment par le Centre africain d’études pour la justice et la paix (Africa Centre for Justice and Peace Studies, ACJPS) et détaillant les événements qui ont eu lieu fin août et début septembre.
« Les membres de la communauté internationale, en particulier l’Union africaine (UA), le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et le Conseil de sécurité des Nations Unies devraient condamner ces violations et faire ainsi savoir aux responsables de ces actes qu’ils devront rendre compte des crimes qu’ils ont commis », précise le rapport.
Magdi El Gizouli, chercheur à l’Institut de la vallée du Rift, estime quant à lui que trop de gens sont « accros à la pornographie du carnage » et connaissent trop peu le Soudan pour se mêler de ses affaires. Il accuse les organisations non gouvernementales (ONG) d’avoir encouragé la rébellion du gouverneur évincé et leader de la branche nord du MLPS Malik Agar dans l’État du Nil bleu et les opérations d’Abdal-Aziz al-Hilu au Sud-Kordofan dans l’espoir de renverser le régime d’Omar el-Béchir. Il explique par ailleurs pourquoi le fait d’appeler à une intervention militaire américaine, à l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus du Darfour, du Sud-Kordofan et du Nil bleu et à la destruction des moyens aériens offensifs dont dispose le gouvernement est aussi mauvais que de fomenter de nouveaux troubles, car le gouvernement de Khartoum a promis de se battre jusqu’à ce qu’il ait éliminé toute opposition.
Lorsque les FAS ont pris d’assaut Abyei en mai, les images enregistrées par le Satellite Sentinel Project, sponsorisé par George Clooney, ont révélé qu’un tiers des bâtiments civils avaient été pillés et détruits par des chars. Plus de 110 000 personnes se sont réfugiées au Soudan du Sud et sont coincées, depuis, dans des régions affectées par des inondations et l’insécurité alimentaire. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a demandé aux autorités d’autoriser l’accès des organisations humanitaires à la région d’Abyei.
L’ancien ministre sud-soudanais Luka Biong Deng a également appelé les autorités à autoriser l’accès au territoire disputé depuis les deux côtés de la frontière en s’appuyant sur l’argument juridique et politique selon lequel la région, qui jouit d’un « statut particulier » n’appartiendra à personne jusqu’à ce que les deux pays parviennent à un accord.
D’après la mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), l’escalade des violences intercommunautaires dans l’État de Jonglei à la suite de vols de bétail menace de déstabiliser le nouveau pays. Selon la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour le Soudan du Sud Hilde Johnson, la priorité de la mission de maintien de la paix est de circonscrire la brutalité et la sophistication croissantes des attaques armées à un territoire de la taille du Bangladesh [l’État de Jonglei]. « Si nous perdons le contrôle de la situation, celle-ci risque de dégénérer en un cycle de violences d’une ampleur sans précédent au Soudan du Sud », a-t-elle dit le 27 septembre.
Dans un article publié dans Dissent Magazine, Erich Reeves, chercheur sur le Soudan et critique de longue date du gouvernement de Khartoum, déplore la dissolution du groupe d’experts sur le Darfour, qui avait été créé en 2005 par les Nations Unies pour faire respecter l’embargo sur les armes et le matériel militaire et l’interdiction des vols militaires au-dessus de la région du Darfour décrétés par le Conseil de sécurité des Nations Unies. M. Reeves soutient que la région a été bombardée plus de 100 fois cette année et que le gouvernement de Khartoum a réussi à se débarrasser de l’entité la plus fiable pour enquêter sur les allégations d’attaques aériennes indiscriminées, et celles ciblant précisément des civils.
Un rapport publié en juillet par Human Rights Watch déplore par ailleurs le désintérêt apparent de la communauté internationale pour le Darfour depuis l’indépendance du Soudan du Sud [en juillet dernier]. Le rapport indique que depuis cette date, le gouvernement de Khartoum a intensifié les bombardements sur les zones civiles, entraînant le déplacement de plus de 70 000 personnes appartenant essentiellement aux communautés ethniques zaghawah et fur, liées aux groupes rebelles.
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Source: IRIN
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