L’amer vent du sud

Combien de temps faudrait-il encore pour que le gouvernement décrypte correctement le message des jeunes révoltés de l’enrôlement des populations en cours ? Combien faudrait-il de boutiques pillées, d’édifices brûlés et de blessés voire de morts pour que le régime accepte de tirer les leçons de cette opération de plus en plus contestée ?

Face aux émeutes de Nouakchott, Kaédi, Maghama qui s’ajoutent aux tentatives de manifester à M’Bout et Rosso, entre autres, le gouvernement semble déterminé à rester sur son obstination. C’est faire fausse route. Et c’est malheureux.

Un pays qui se respecte doit savoir bien écouter son peuple. Un gouvernement qui aspire à demeurer le plus longtemps possible aux affaires se doit d’être attentif aux appels de la rue et réceptif aux aspirations du peuple. Surtout quand celles-ci s’expriment sans équivoque. Si des citoyens, habituellement dociles, se révoltent, c’est que, quelque part, ils ont été touchés dans ce qu’ils ont de plus sacré.

Si des jeunes transcendent la peur, brûlent toutes les préséances sociales, généralement assez strictes, pour descendre dans la rue, celà mérite réflexion. Ne pas s’attarder sur le fond des choses et faire des analyses du genre « c’est le Mossad » ou encore « c’est le projet colonial franco-sénégalo-négro-africain », est signe de sénilité et d’ignorance. La véritable explication est que la frustration est énorme dans ces milieux et il faut y prêter, sincèrement et objectivement, attention.

Pour y arriver, il faut d’abord comprendre que les hommes (et les femmes) de Ould Taya dans la Vallée sont une cartouche morte. Ils ont fait leur temps de « valets » et de « courtisans » du mauvais sultan, sans jamais arriver à se hisser au rang de « compagnons » qui peuvent changer sa méprisable vision et ses humiliantes pratiques contre des communautés cibles. Continuer à mesurer le pouls de cette zone à l’aune des opportunistes vomis par les jeunes est la seconde grande erreur des pouvoirs publics.

Au sud, beaucoup de lignes ont bougé. Si les caciques des SEM, du PRDS et de Adil sont encore politiquement en vie clinique, c’est qu’ils ont encore l’oreille du système. Là-bas, plus que partout ailleurs, le passage de témoins entre générations est une réalité politique avec laquelle il faudrait compter. Et l’affaire de l’enrôlement n’est que l’occasion trop rêvée pour ces jeunes, sans présent, ni perspectives d’exprimer leur ras-le-bol devant l’ultime perspective de les voir privés de leur droit à être des personnes s’identifiant à leur propre patrie.

Pour y revenir, tout le monde est unanime à dire que l’opération d’enrôlement en cours est une aventure foirée. Du fait de plusieurs facteurs, dont entre autres celui d’un homme qui pourrait avoir revêti un costume plus grand que lui. L’administrateur directeur général de la nouvelle agence a beau être le cousin, l’ami du Président, il a beau être riche, d’une naissance respectable, il a beau être bien formé dans des écoles supérieures et préparé à la direction, mais ici, il n’a pas su mettre les choses convenablement à leur place. Il a tout simplement échoué.

Dès le départ, il a travaillé seul, n’associant que des pitres. Les ministres de l’intérieur successifs lui ont laissé le terrain libre, refusant d’intervenir. Comme toujours, ils se sont comportés comme de gros bougres de « domestiques ». Un budget faramineux a été taillé et des textes « convenants » ont été esquissés pour que la structure chargée de l’état civil fonctionne. C’était une affaire de rêve. Malheureusement, les hommes qui seront sollicités pour cette aventure s’avéreront être de piètres compétences, des manchots qui n’excellent que dans la mauvaise foi, la manigance et la manipulation pour nous servir cette structure qui ne repose que sur des fils à Papa soigneusement triés.

La diversité de notre peuple, le respect de la citoyenneté ne semblent pas trop compter pour eux. Dès lors, il était loisible pour ceux que cette organisation gênait de se considérer comme visés par une opération dont les contours ne sont pas clairs et la procédure versatile et adaptable à la tête du client !

Pourtant, et très tôt, les députés de l’opposition avaient crié au scandale devant le ministre de l’Intérieur. Fonctionnaire bien tropicalisé par une longue carrière dans l’application des desiderata des Chefs, le ministre rouspètera, menacera, rassurera et sortira de ses gonds à moult occasions pour convaincre un peuple incrédule et aujourd’hui empêtré dans une inextricable violente cabale.

Comprendront-ils la leçon avant qu’il ne soit trop tard ? C’est tout le mal que nous espérons pour ce peuple et pour ce pays qui ne finissent pas de souffrir des ratés de leurs dirigeants.

Amar Ould Béjà

Source  :  L’Authentique le 03/10/2011

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