Les élections ont finalement été reportées: Aux calendes grecques ?

Les élections sénatoriales partielles, législatives et municipales, prévues, en Mauritanie, respectivement les 25 et septembre et 16 octobre 2011, ont été reportées à une date non précisée, selon un communiqué du Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation (MID), publié dans la nuit du jeudi 25 au vendredi 26 août dernier.

 

 

C’est une réponse «à la demande des partis, aussi bien de la majorité que de l’opposition», pour «assurer une bonne organisation» de ces consultations électorales, indique le communiqué du ministère. Un décret, pris en conseil des ministres, viendra donner une forme légale à ce qui apparaît comme l’émanation d’un «consensus politique».
Grosse entorse, dans ce processus de renvoi des batailles électorales, cuvée 2011: l’étrange absence du Conseil Constitutionnel. Organe chargé de veiller à la régularité de tous les actes, en la matière – encadrement des élections du président de la République, des maires, des sénateurs et des députés – et dont l’intervention est absolument nécessaire, pour donner une forme légale à tout ce qui a été fait jusque là. Est-il trop tard, aujourd’hui, pour prendre l’avis du juge constitutionnel et donner un habillage juridique aux actes posés par le gouvernement, à la demande de tous les partis politiques?
Les esprits les plus «tordus» peuvent, parfaitement, imaginer un possible recours d’un quelconque parti politique ou autre regroupement, opposé à la décision de renvoi, arguant d’une «violation» du calendrier républicain, une véritable peau de banane, sous les pieds de l’honorable institution. L’éventualité d’une pareille équation est inspirée par la réaction de l’Avant-garde des Forces pour un Changement Démocratique (AFCD), qui s’insurge contre «une décision unilatérale, maquillée en consensus politique, et qui confirme les orientations dictatoriales du régime de Mohamed Ould Abdel Aziz», accusé de pratiques attentatoires aux lois de la République.
Certes, il est hautement improbable que, même dans le cas d’un recours, avec des arguments de Droit en béton armé, l’institution chargée des prérogatives du juge électoral veuille se montrer «ingrate», vis-à-vis d’un Exécutif auquel son président, qui n’a nullement la réputation d’un constitutionnaliste émérite, doit, entièrement, le fauteuil qu’il occupe. Mais la Mauritanie se retrouverait avec une jurisprudence contestable, en matière de pratique électorale, un bébé «monstrualisable», à l’occasion. Un risque accru par le fait que l’usage des guillemets, au sujet du «consensus» avancé pour la circonstance, se justifiée par la position de certains partis politiques membres de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) – canal historique – comme le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) et l’Union des Forces de Progrès (UFP) qui, tout en rejetant l’idée de participer à un processus électoral «unilatéral», ne se reconnaissent, nullement, dans la décision annoncée dans la quinzaine écoulée.

Test capital
Mais, au-delà du formel et de la clause de style du chef de l’Etat, relative à l’obligation de respecter le calendrier républicain, pour éviter un vide juridique, et du démenti, peu convainquant, de la Coalition des Partis de la Majorité (CPM), ce report électoral était un véritable secret de Polichinelle. Une bonne lecture du contexte national, à la fois aux plans politique, économique, social et sécuritaire, renvoyait une foule d’indices, en faveur de cette décision. En fait, ni l’Etat, c’est-à-dire l’administration, ni les différents acteurs, majorité et opposition confondues, ne sont, actuellement, en mesure de faire face à des élections libres, transparentes et crédibles. Alors qu’aux yeux des Mauritaniens et de nos principaux partenaires, l’importance des consultations électorales de 2011 est capitale, pour reprendre le difficile chemin de la démocratie et de l’Etat de Droit, après le tollé suscité par le coup d’Etat du 6 août 2008 et les véhémentes contestations qui ont suivi l’élection présidentielle du 18 juillet 2009.
Il s’agit d’un véritable test dont la réussite devrait permettre, au pouvoir du président Mohamed Ould Abdel Aziz, de chasser des esprits les vieux démons d’un pays sous la botte des militaires, depuis 1978. De gommer la parenthèse d’une démocratie au rabais, concédée sous la pression du discours de Baule, en 1990. Une tare originelle ayant débouché sur l’accaparement des commandes de la Mauritanie, un certain 6 août 2008, par un général insoumis, propulsé, depuis à la présidence de la République, par des moyens, disons, contestés. Autant dire que, dans l’intérêt du pays et de tous, le dialogue pré-électoral à venir doit être, pour être crédible, réellement inclusif, en prenant soin, particulièrement, à ne pas laisser, en rade, une quelconque partie de l’opposition historique.

Amadou Seck

Source  :  lecalame.info le 07/09/2011

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page